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DCCCCLII

Rémission accordée à Marion Michel, femme de Jean Baudin, détenue prisonnière à Fors, pour avoir battu ou aidé son mari à battre Jean Veillet, avec lequel ils étaient en contestation. De plus, profitant de la bagarre, elle lui avait coupé et pris sa bourse.

  • B AN JJ. 165, n° 177, fol. 104 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 202-206
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie des amis charnelz de Marion Michelle, femme de Jehan Baudin, l’ainsné1, chargiez de cinq petis enfans, mendres d’ans, comme, le xve jour du moys de juillet derrenierement passé, un appellé Jehan Veillet feust venu ou village de Fors en Poitou, et y eust amené vendre quatre pourceaulx, lesquelx il eust vendu au dit Jehan Baudin, mary de la dicte Marion, la somme de cent solz tournois que icellui Baudin lui en eust promis paier ; et le jour ensuivant après icelle vente, le dit vendeur eust voulu estre contenté de la dicte somme de cent solz, auquel vendeur la dicte Marion, femme du dit Baudin acheteur, eust mis sus qu’il avoit eu d’elle sur la dicte somme et en rabatant d’icelle deux escuz, icellui vendeur disant le contraire, eurent sur ce pluseurs paroles ensemble, par quoy icellui vendeur, lui disant doubter de la dicte Marion, ou de sa voulenté, ou autrement, fist icelle Marion adjourner par un sergent de la chastellenie du dit lieu de Fors, par devant le juge de la prevosté d’icellui lieu, pour lui donner asseurement. Après lequel adjournement ainsi fait, à icellui jour mesmes, les diz vendeur et sergent [p. 203] s’en alerent souper ensemble en l’ostel d’un appellé Guillaume Nau, ou dit village de Fors, et eulx estans à table, vint sur eulx le dit Baudin, très mal meu et tenant un baston en sa main, et dist au dit vendeur telles paroles ou semblables en substance : « Estes vous cy, larron, qui avez eu deux escuz de moy. » Lequel vendeur lui respondi que iceulx deux escuz il n’avoit point euz. Et lors icellui Baudin frappa le dit vendeur du dit baston sur la teste tellement qu’il lui fist sang et plaie, et fist cheoir la table garnie de vin et de viande à terre ; et en ce faisant, furent les chandelles estaintes. Et lors le dit sergent s’en yssi hors du dit hostel et appella un nommé Andrieu Courroucea et le mena en icellui hostel, et eulx entrez en icellui, trouverent le dit Baudin tenant le dit baston en sa main et la dicte Marion, sa femme, qui tenoient le dit vendeur qui avoit une plaie en la teste et seignoit ; lequel Baudin en icelle meslée donna pluseurs cops de poing audit vendeur ; et les departirent les diz sergent et Courrouceau. Et ainsi que les diz vendeur et Baudin s’entretenoient ensemble, la dicte Marion, irée et courroucée de ce que le dit vendeur lui avoit nyé le paiement des deux escuz dessus diz, et les voulant recouvrer, print la bourse d’icellui vendeur qui lui pendoit à la poitrine, la tira et pour ce qu’elle ne la pot rompre, elle print un coustel qui estoit sur la dicte table, coppa icelle bourse au dit vendeur et la mist en son saing, en laquelle bourse avoit six escuz en or et liiii. solz ou environ en monnoye. Et quant les diz Baudin et vendeur furent separez, icellui vendeur dist que sa bourse lui avoit esté emblée et qu’il avoit perdue sa chevance ; de la quelle chose la dicte Marion ne faisoit aucun semblant. Et lors le dit sergent et le dit Nau, seigneur du dit hostel, quant il oy le dit vendeur soy complaindre de sa bourse, firent fermer l’uis d’icellui hostel, affin que aucun ne s’en saillist hors, en disant que aucun ne s’en ystroit, jusques à ce que la dicte bourse et chevance feust trouvée ; et en [p. 204] faisant la queste d’icelle bourse et chevance, la dicte Marion ne fist aucun semblant d’icelle rendre, jusques à ce que la femme du dit Nau, seigneur du dit hostel, lui dist qu’elle l’avoit eu et qu’elle lui avoit veu copper et mettre en son sain. Et lors la dicte Marion la bailla au dit Nau, seigneur du dit hostel, et lui pria qu’il dist qu’il l’avoit trouvée en la place. Et ce fait, la dicte bourse avec la dicte chevance fu portée par devant la dame du dit lieu de Fors, qui à cause de ses enfants a le gouvernement de la terre et seigneurie d’icellui lieu2, par devant laquelle dame le dit vendeur fist plainte de ce que la dicte Marion lui avoit coppée et emblée sa dicte bourse, et aussi de ce qu’elle s’estoit prinse malicieusement à lui et l’avoit batu, ou que que soit avoit [p. 205] esté consentant et aidant de le batre, par dessus l’adjournement dessus dit à elle donné, à sa requeste, en cas d’asseurement. Laquelle requeste du dit vendeur oye, la dicte dame, pour pourveoir sur les cas dessus diz et sur iceulx faire proceder par justice selon raison, envoya querir le juge de sa prevosté qui les parties fist appeller et venir par devant lui. Par devant lequel prevost le dit vendeur se complaigny contre les diz Baudin et Marion, sa femme, ou que que soit contre icelle Marion, et dist contre elle qu’elle s’estoit prinse à son corps malicieusement et l’avoit batu ou esté aidant et consentant de le batre, et aussi qu’elle lui avoit coppé sa bourse, laquelle bourse coppée la dicte Marion confessa en jugement, et dist que, en cas que touchoit le dit adjournement en cas d’asseurement, elle ne l’avoit oy ne entendu. Pour cause de laquelle confession de la dicte bourse coppée, et de ce que le dit juge se dit souffisanment estre informé que la dicte Marion avoit donné responce au dit adjournement en cas d’asseurement, conformable à icellui, et que après icellui elle s’estoit prinse malicieusement au corps du dit vendeur, le dit juge la fist prendre et mettre ès prisons du dit chastel dudit lieu de Fors, ès quelles pour les cas dessus diz elle est detenue prisonniere et est en voye de finer ses jours miserablement, se par nous ne lui est sur ce pourveu de nostre benigne grace et misericorde, si comme les diz exposans dient, requerans humblement que, comme en tous autres cas elle ait esté le cours de sa vie de bonne fame et renommée, sans avoir esté attainte ne convaincue d’aucun autre villain blasme ou reprouche, et que ou fait dessus dit n’a eu mort ne mutilacion, nous lui vueillons nostre dicte grace impartir. Pour quoy nous, eue consideration aux choses dessus dictes et à la grant charge des diz petis enfans mendres d’ans dessus diz, que l’en dit la dicte Marion avoir, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, à icelle Marion ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, [p. 206] etc. Si donnons en mandement au seneschal de Xanctonge, comme nostre juge commiz en icelle seneschaucie, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys d’aoust l’an de grace mil cccc. et onze, et de nostre regne le xxxie.

Par le roy, à la relacion du conseil. Raymon.


1 Le Grand-Gauthier contient, sous la date du 15 février 1406 n.s., un aveu rendu au duc de Berry par Jean Baudin, à cause de Jeanne Millonneau, pour deux hébergements situés près de celui de Jean Aubaneau, de Chigeloup, sur la route de Tagné à Civray, etc., le tout mouvant de Civray. (Arch. nat., R1* 2173, p. 1684.) Jean Baudin, demeurant à Fors, était probablement de la même famille.

2 La dame de Fors était Guillemette de Martreuil, veuve de Guy de Vivonne, seigneur de Fors et de Saint-Gouard. Celui-ci, second fils d’Hugues de Vivonne et de Jeanne de Gourville, avait hérité de ces deux terres à la mort de son frère aîné, Ebles ou Hublet, chambellan de Charles VI, décédé en 1399 sans enfants de Catherine Girard, sa femme. Cette succession donna lieu, le 20 août 1401, à un procès entre Guy et son beau-frère Jacques Poussart, mari de Catherine de Vivonne depuis le 2 août 1378, procès qui se termina le 9 juin 1404 par une transaction. Guy de Vivonne rendit aveu à Jean duc de Berry, comte de Poitou, le 25 janvier 1404 n.s., à cause de sa seigneurie de Fors, tenue et mouvant de Niort, et le même jour, un autre aveu pour le droit d’usage qu’il possédait en la forêt de Chizé. (Arch. nat., R1* 2172, p. 980 et 981.) Il mourut entre le 9 juin de cette année et le 6 décembre 1405. Car à cette dernière date on trouve un autre aveu de Fors, rendu par sa veuve au nom de leurs quatre enfants mineurs : Guyot, Paonnet, Jean et Huguette de Vivonne. (P. 1145, fol. 6.) Paonnet et Jean décédèrent jeunes, sans doute, car ils ne sont pas mentionnés par les généalogistes. (Le P. Anselme, Beauchet-Filleau, etc.) Quant à Guy, l’aîné, il fit l’aveu de Fors au dauphin Charles, comte de Poitou, le 30 août 1418. (P. 1145, fol. 1 v°.) Huguette épousa Bertrand de La Roche. Veuve de bonne heure, celle-ci ne survécut pas longtemps à son mari. Elle laissait un fils mineur, Jean de La Roche, dont la tutelle fut disputée par la grand’mère, Guillemette de Martreuil, et l’oncle, Guillaume de La Roche, chevalier, sr de la Rochechandry et d’Hérisson. Par arrêt du 9 juin 1424, le Parlement siégeant à Poitiers confia le bail du mineur et de ses biens à la veuve de Guy de Vivonne, qui le réclamait, disait-elle, pour se conformer aux dernières volontés des parents défunts. En ce qui touchait la tutelle et l’administration des revenus, la cour ordonna une enquête sur certains faits proposés par les parties, et en attendant qu’elle pût statuer définitivement, elle décida que Guillemette de Martreuil serait aussi tutrice provisoire. (X1a 9190, fol. 299-300.)