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DCCCCLXXXVI

Rémission accordée à Jean Buignon, prisonnier dans les prisons du sire de Bressuire. Faisant partie d’une troupe armée, assemblée par les seigneurs du pays pour résister aux entreprises des garnison de Hérisson et de Secondigny, il avait blessé accidentellement un de ses compagnons qui en était mort.

  • B AN JJ. 170, n° 54, fol. 81
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 316-319
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Buignon1, povre homme, laboureur de bras, chargié de femme et de trois petis enfans, contenant que lui estant, en la sepmaine en laquele fu la Feste Dieu derrenierement passée, avec pluseurs autres armez et assemblez par l’octroy et permission de leurs seigneurs, ou village de Villefranche en la parroisse de Boismé en Poictou, pour resister à l’entreprise de ceulx des garnisons de Heriçon et de Segondiné2, lesquelz, si comme l’en dit, [p. 317] avoient entreprins de courir sus aux laboureurs d’entour les diz lieux, en laquele assemblée estoit Jehan Mynet ; et après ce que le dit Buignon fut frappé d’une pierre par la jambe, ne scet de qui, dist sans aucun courroux à Jehan de Lisardiere, estant en la dicte assemblée, qu’il l’avoit frappé de la dicte pierre, et par maniere d’esbatement se prindrent l’un à l’autre, et en ce faisant et afin que le dit Buignon ne frappast le dit de Lisardiere, il gecta derriere soy un baston ferré en forme de demie lance qu’il avoit en sa main, laquele de cas de fortune assigna contre la cuisse du dit Nymet (sic) et fu blecié. Pour laquele bleceure il seigna assez grandement, et après ce qu’il fut estanchié de seigner, ala et vint avec les autres de la dicte assemblée et dist qu’il savoit bien que le dit Buignon n’avoit pas ce fait sciemment et lui pardonnoit. Et la dicte assemblée departie et chascun d’eulx retourné à son hostel, pour ce que le dit Nymet qui estoit vielz homs, de l’aage de soixante ans ou environ et maladeux, par defaulx de soy bien gouverner, laissa entrer le vent en la dicte bleceure, et pour ce enfla la dicte cuisse, et après ce qu’il en ot esté longuement malade au lit, se mist au gouvernement d’un barbier, en l’ostel duquel il se fist mener en une charrette, et là fu seigné au dessus de la dicte bleceure, et pour ce perdi aussi comme tout le sang, et six sepmaines après le dit cas advenu, il est alé de vie à trespassement en l’ostel du dit barbier, et dit l’en que c’est par default de bon gouvernement. Pour lequel fait le dit Buignon a esté prins et emprisonné ès prisons et ses biens mis à la main de nostre [p. 318] amé et feal cousin le seigneur de Bersuyre3, èsqueles prisons il a longuement demouré, et pour en estre eslargi a donné caucion et pleiges, et paié une grant somme de deniers à nostre dit cousin, combien que le dit cas soit avenu par la maniere devant dicte, et que les parens et amis du dit defunct n’en facent contre lui aucune poursuite. Et neantmoins pluseurs autres justiciers de nostre royaume se sont ventez et vantent de jour en jour de le prendre et emprisonner pour le dit fait. Pour laquele chose il n’oseroit jamais seurement demourer, habiter ne converser ou dit païs, et lui convendroit soy en absenter, pour laquele chose il convendroit à sa femme et enfans devenir mendians, se par nous ne lui estoit impartie nostre grace et misericorde, si comme ilz dient, en nous humblement suppliant, comme le dit Buignon en tous ses autres fais ait tousjours esté homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans avoir esté reprins, actaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, crime ou blasme, et soit le dit fait avenu par cas de fortune, et sans ce que le dit Buignon eust haine ou malivolence contre le dit Mynet, [p. 319] ne propos ou entencion de le frapper ou autrement injurier, et tant qu’il a vescu et jusques à son trespas, il l’en a descoulpé, que sur ce lui vueillons impartir nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy nous, etc., au dit Jehan Buignon ou dit cas avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement au gouverneur des ressors et Exempcions de Touraine, d’Anjou, du Maine et de Poictou, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois d’octobre l’an de grace mil cccc. et dix sept, et de nostre regne le xxxviiie.

Par le roy, à la relacion du conseil. Erart.


1 Une famille noble de ce nom était établie alors dans la Gâtine. Sur le registre des aveux dus au comte de Richemont comme seigneur de Parthenay, on lit : « Jehan Buignon a fait hommage plain à cause du chastel de Partenay, de son herbergement du Plait en la paroisse de la Perate, avecques ses appartenances et appendences. » L’acte de foi et hommage pour ledit hébergement fait par Guillaume Buignon, fils de feu Jean, à la date du 31 mars 1428, y est transcrit intégralement. (Arch. nat., R1* 190, fol. 33, 273 et 278 v°.) On y trouve aussi Marie Buignon, femme de Jean Pérochon. (Id., fol. 278.)

2 Le château d’Hérisson appartenait à Jean de Torsay, maître des arbalétriers de France et sénéchal de Poitou, l’un des plus fidèles partisans du dauphin, qui avait épousé la fille unique de feu Jean d’Argenton, sr d’Hérisson. Secondigny avait été enlevé à Jean Larchevêque, l’an 1415, par le comte de Richemont, auquel le duc de Guyenne avait fait don de la confiscation de tous les biens de Parthenay, avec charge de les conquérir et de réduire les villes fortes et châteaux à faire leur soumission au roi. (E. Cosneau, Le connétable de Richemont, p. 39.) Il n’y a pas de doute possible : à la Fête-Dieu 1417, Hérisson et Secondigny étaient occupés par des garnisons dévouées au roi, ou plutôt au dauphin ou à Richemont, et le rassemblement de Boismé, dont il est question ici, était à la solde et opérait au profit de Jean Larchevêque. C’est aussi l’opinion de M. Ledain, qui a eu connaissance de ce texte. (La Gâtine historique, gr. in-4°, p. 198.)

3 Guy de Beaumont, chevalier, seigneur de Bressuire, Sigournay, la Barotière, ces deux dernières seigneuries du chef de sa mère, Louise de Thouars-Pouzauges, ne succéda pas, dès la mort de son père (1387), à la seigneurie de Bressuire, qui par droit de viage revint d’abord à son oncle Jean de Beaumont, sr de Souzay. On le trouve prenant part à la fondation des Cordeliers de Bressuire, faite par cet oncle en 1405, puis il succéda vers 1414 à ce dernier. En 1415, pour faire face aux armements que l’état de guerre existant en Poitou l’obligeait de faire, il leva, du consentement des habitants, un octroi ou aide sur sa ville et châtellenie de Bressuire. Il soutenait alors le parti du sire de Parthenay contre le comte de Richemont et lui demeura fidèle jusqu’au traité d’Angers, où il est nommé. Passé ensuite à l’armée du dauphin Charles, il servit contre son ancien allié, au siège de Parthenay, en 1419. (Cf. B. Ledain, Hist. de Bressuire, p. 291-292 ; Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. I, p. 373.) Le fait curieux rapporté dans ces lettres de rémission se passait avant le traité d’Angers (2 juillet 1417), et c’est évidemment Guy, sire de Bressuire, qui avait réuni et armé cette bande de paysans pour résister aux courses des garnisons d’Hérisson et Secondigny. Ce seigneur de Bressuire vécut jusqu’en mars ou avril 1440.