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DCCCCXLIII

Rémission accordée à Jean Marcaussane, le jeune, qui avait frappé mortellement Jean Péraut, valet de son père, le sire de la Revêtizon-Chabot, parce qu’il avait fait courir le bruit que ledit Marcaussane entretenait des relations avec une femme mariée.

  • B AN JJ. 164, n° 146, fol. 83 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 176-179
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la partie des amis charnelz de Jehan Marcaussane, le jeune, aagié de xxiiii. ans ou environ, à nous avoir esté humblement exposé comme, puis trois ans en ça ou environ, feu Jehan Peraut se feust loué comme varlet à Jehan Marcoussane, sire de la Revestizon Chabot1, pere du dit suppliant, [p. 177] pour chauffer le four au dit lieu et faire autres choses, ainsi que varlet aloué doit faire, et lui estant au dit service, il eust sans cause et contre raison accusé le dit Marcaussane envers un nommé Jehan Bonamour, dit Urban, disant que le dit Marcaussane avoit congneu et maintenoit charnelment sa femme ; lequel Bonamour, cuidant que ce feust verité, eust pour ce conceu grant haine contre le dit Marcaussane, et de fait se mist par pluseurs foiz en aguet pour le trouver, en entencion de le grever et dommagier du corps. Et avec ce par le faulx rapport du dit Peraut, le dit Marcaussane fu pour ce en l’indignacion de ses pere et mere ; pourquoy il eust le dit Peraut en haine et desplaisance. Et depuis à un certain jour, les diz pere et mere du dit Marcaussane le blasmerent et tancerent moult fort du dit [p. 178] cas, disans que c’estoit mal fait à lui, se il estoit vray ce que on en disoit. Dont le dit Marcaussane se esmeut et courrouça moult fort à lui mesmes ; et lui ainsi irié et courroucié, se parti soudainement de l’ostel de ses diz pere et mere, et s’en ala au boys qui estoit près d’illec, appellé le Boys de Gastine, où il trouva d’aventure le dit Peraut, auquel il dist que c’estoit mal fait à lui d’avoir semé et proferé teles paroles diffamatoires, non veritables, de lui et de la femme du dit Bonamour, et qu’il en estoit en grant dangier et hayne, tant envers le dit Bonamour comme envers ses diz pere et mere, qui moult grandement et asprement l’en avoient blasmé et tancié, et lui en menoient très dure vie. Auquel Marcaussane le dit Peraut respondi et dist moult arrogamment et despiteusement qu’il mentoit, en prenant sa congnée ou serpe dont il despeçoit du dit boys, pour en vouloir ferir, se sembloit, le dit Marcaussane. Le quel adonc, meu de chaut sang et par courroux et temptacion de l’ennemi, frappa chaudement d’une espée qu’il avoit un seul cop sur la teste le dit Peraut ; du quel cop, tant par son petit et mauvais gouvernement, comme par ce qu’il ne fu pas bien appareillié de sa playe, quinze jours après ou environ, mort s’en ensuy en sa personne, si comme l’en dit. Pour le quel cas le dit Marcaussane s’est absenté du pays, ou quel ne en nostre royaume, pour doubte de rigueur de justice, il n’oseroit jamaiz converser ne repairer, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, requerant humblement que, ces choses considerées et que le dit Jehan Peraut estoit homme noiseux, rioteux, de mauvaise vie, renommée et souspeçonné de pluseurs crimes, et par especial d’avoir occis et murdry mauvaisement un nommé Jehan Bonnaut2, duquel il estoit [p. 179] mestoier et serviteur, comme ce est depuis apparu par la confession de la femme du dit Peraut, la quelle un nostre sergent ala querir à la Revestizon pour le fait dessus dit, et icelle mena en noz prisons à Chinon, etque le dit Marcaussane, qui est extrait de noble generacion, duquel ses parens et amis nous ont servi tousjours bien et loyaument ou fait de noz guerres et sont prestz de faire, quant mestier sera, a tousjours esté et est homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans onques maiz avoir esté reprins, attaint ne convaincu d’aucun autre villain blasme ou reprouche, il nous plaise à lui sur ce impartir nostre grace. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, au dit Jehan Marcaussane, le jeune, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Xantonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de mars l’an de grace mil cccc. et neuf, et de nostre regne le xxxe.

Par le roy, à la relacion du conseil. Michiel.


1 Nous connaissons trois Jean Marcaussane, aliàs Marcoussane, qui furent successivement seigneurs de la Revêtizon-Chabot. Le grand-père, qualifié écuyer, rendit aveu de cette terre et seigneurie, le lundi après la fête de S. Christophe et S. Jacques 1365, à Thomas de Wodestock, seigneur de Chizé, fils du roi d’Angleterre. La Revêtizon relevait du château de Chizé. (Arch. nat., P. 1145, fol. 17 v°.) Ce Marcaussane était un personnage important, car son nom figure dans le traité de trêve de Surgères, du 18 septembre 1372, à côté de ceux des principaux barons du Poitou, fidèles au prince de Galles, alors enfermés dans Thouars. (Luce, édit. de Froissart, t. VIII, p. clvi ; l’éditeur a imprimé « Marrosonne » au lieu de « Marcosanne »). Une quittance de gages pour services de guerre en Guyenne, datée du 4 décembre 1386, scellée du sceau de Jean Marcaussane, nous fait connaître les armes de cette famille peu connue : écu à l’écusson en abîme, accompagné de huit coquilles en orle. (G. Demay, Invent. des sceaux de Clairambault, t. I, p. 593.) A la date du 9 avril 1397 n.s., on trouve un accord passé en la cour du sceau aux contrats de Mauzé, entre Jean Marcaussane, écuyer (Jean Ier, ou plutôt Jean II), d’une part, et Huguet Badoli, habitant de la paroisse de Naliers au diocèse de Luçon. Celui-ci réclamait au premier une somme de 20 livres pour la vente d’une meule de moulin avec son « lit ». Le procès remontait loin ; car le débiteur avait déjà été condamné à payer cette somme par jugement de la cour du sceau aux contrats, établie à Niort, du temps du prince de Galles. Par la transaction il reconnut sa dette et s’engagea en outre à payer 6 livres pour les frais et dépens de l’instance, le tout en trois termes. (Arch. nat., X1c 73.) Sur le Grand-Gauthier est transcrit un aveu du 20 octobre 1404, rendu à Jean de Berry, comte de Poitou, par Jean Marcaussane, écuyer, le père, ici nommé, à cause d’un droit d’usage qu’il avait en la forêt de Chizé pour sa maison de la Revêtizon, etc. (R1* 2173, p. 1908.) Enfin le livre des hommages et aveux dus à Charles dauphin, comte de Poitou, en 1418, contient les deux mentions suivantes : « Jean Marcoussane, sr de la Revestizon-Chabot, homme plain de mondit seigneur à 5 solz de plait de morte-main et une mine de froment de rente, rendue à la Revestizon, pour raison de l’usaige en la fourest d’Argesson, avecques pluseurs autres choses contenues oudit fief. Reçu pour le tiers dudit devoir, 20 deniers. » (P. 1144, fol. 57.) — « Pierre Marcocenne, à cause de Jeanne Richard, sa femme, 10 solz de devoir pour le tiers du peage de Rom, partagé entre lui, Jean Quesson et Itier de Mazères, et autres choses sises en la terre de Civray. Reçu 10 solz, le 9 août 1418. » (Id., fol. 67 v°.)

2 D’autres personnes avaient été soupçonnées du meurtre de Jean Bonnaut. Jean du Chillou, dit Bos, entre autres, et sa femme Guillemette Gabaut, avaient été mis en état d’arrestation et conduits à Chinon, devant le lieutenant du bailli des Exemptions de Poitou, Maine et Anjou, sur une fausse dénonciation. Ils appelèrent au Parlement de la procédure commencée contre eux, et cet appel eut pour conséquence de faire emprisonner au Palais à Paris Nicolas Maynart et Osanne, veuve de Geoffroy Riboteau. Maynart obtint sans difficulté son élargissement dans l’enceinte de la ville, puis sa liberté complète et récréance de ses biens saisis, le 23 août 1408, à condition de se représenter, soit en personne, soit par procureur, à toute réquisition de la cour. Il fit élection de domicile à Paris, chez Maurice Hubert, procureur en Parlement, originaire du Poitou. Le 4 avril 1409, l’affaire fut renvoyée au bailli de Touraine et des Exemptions, ou devant son lieutenant à Chinon. Un autre mandement de juillet même année a trait au droit de geôlage et autres frais dus par les prisonniers. Mais on ne sait ce qu’il advint de cette poursuite. (Arch. nat., X2a 15, fol. 227, 264 v° et 278.)