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DCCCCLXVII

Rémission accordée à Jeannin Massé, valet de Guillaume Marchès, tanneur de cuir à Aizenay, prisonnier audit lieu, pour avoir débauché la fille de son patron et accepté d’elle de l’argent.

  • B AN JJ. 167, n° 346, p. 500
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 256-259
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des amis charnelz de Jehannin Massé, povre varlet servant, aagié de vint ans ou environ, prisonnier ès prisons du lieu d’Aissenois dès la Tiphaine derrenierement passée, contenant que le dit Jehannin Massé a servi long espace de temps, comme varlet servant aloué, Guillaume Marchès, tanneur de cuirs demourant en la dicte ville d’Aissenois en Poitou1, et pendant icelui service, le dit [p. 257] Jehannin s’est accoinctié de Jehanne, fille naturelle et legitime du dit Guillaume, son maistre, et de sa femme qui est ancienne, aagiée la dicte fille de xxv. ans ou environ, et du consentement, gré et voulenté d’elle l’a congneue charnelment en l’ostel de son dit maistre et aillieurs, par pluseurs et diverses foiz, et par longue espace de temps. Et ce pendant les diz Guillaume et sa dicte femme qui est moult aagiée femme, comme dit est, et qui se fierent moult en leur dicte fille qui avoit la plus grant partie du gouvernement de leur hostel, et lui bailloit sa dicte mere pluseurs foiz les clefz de son coffre, et aussi se fioyent en leur dit varlet, la dicte fille bailla au dit Jehannin Massé de l’argent de ses diz pere et mere la somme de vint escuz, en [p. 258] lui priant qu’il l’enmenast, ce qu’il ne fist pas. Et depuis, environ la feste de Penthecouste, icelle Jehanne bailla de rechief de l’argent de ses diz pere et mere au dit Jehannin Massé deux nobles d’Angleterre, quatre frans à cheval et deux frans à pié, lui estant ou service de son dit maistre. Après lesquelles choses, environ la feste de la mi aoust derrenierement passée, le dit Jehannin Massé se parti de son dit maistre et s’en ala aillieurs gaigner en vendanges, et bailla à garder au maistre d’escole du dit lieu du dit argent xi. frans x. solz tournois, et cinq peaulx de beufs en la valeur de cent solz tournois à son pere ; mais si tost qu’il fut retourné de vendenges, cuidant retourner chieux son dit maistre, le dit Jehannin Macé, qui avoit esté encusé par la dicte Jehannette, laquelle est à present mariée, fut mis en prison ès prisons du dit lieu d’Aissenois, où il a esté [p. 259] depuis la dicte Thiphaine et est encores à grant povreté et misere, pour occasion du dit cas, et est en peril d’estre puni rigoreusement par justice, se sur ce ne lui estoit impartie nostre grace et remede, si comme dient les diz supplians, requerant humblement icelle. Pour ce est il que nous, etc., attendue la grant jeunesse du dit Jehannin Massé et l’aage de la dicte Jehanne, et que icelle Jehanne estoit dès lors renommée d’avoir eue compaignie charnele d’autres hommes, la povreté de lui, la dicte longue prison, et qu’il ne fut oncques mais reprins ni actaint d’autre villain cas ou blasme, mais a esté autrement de bonne vie, renommée et honneste conversacion, ou cas dessus dit, au dit Jehannin Massé avons quictié, remis et pardonné, etc., pourveu toutes voyes que, avecques la peine qu’il a soufferte, il tenra prison au pain et à l’eaue quinze jours seulement. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou, du Maine et de Poitou, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de mars l’an de grace mil cccc. et treze, et de nostre regne le xxxiiiie.

Ainsi signées : Es requestes par vous tenues, du commandement du roy, ès quelles maistres Jehan de Vesly2, president, Jehan Romain3, conseillier, Guillaume Cousinot4, advocat en Parlement, et pluseurs autres estoient. J. de Caours.


1 Nous avons trouvé deux importants procès soutenus, dans les premières années du xve siècle, par les habitants de la paroisse d’Aizenay, le premier contre Jean Breton, leur curé, à propos des droits excessifs que celui-ci exigeait pour les enterrements, mariages et autres sacrements. Le procureur du duc de Berry en Poitou s’était joint à eux, et néanmoins ils furent déboutés purement et simplement de leur demande, le 23 décembre 1406. (X1a 54, fol. 288 v°.) L’arrêt, très développé et fort curieux, est conçu dans les mêmes termes qu’un autre, dont il a été question ci-dessus, obtenu par le curé de Talmont contre ses paroissiens (p. 67, note, du présent volume). La seconde affaire dura très longtemps et ne fut pas plus favorable aux habitants d’Aizenay. Ils avaient pour adversaires, d’abord Isabelle de Parthenay, vicomtesse de Rochechouart, dame douairière d’Apremont, puis le fils de celle-ci, Louis de Rochechouart, qui leur réclamaient le guet et la garde à leur château d’Apremont. Le premier arrêt est du 20 juillet 1415 : il appointe les parties en faits contraires, suivant la langue de la procédure d’alors, ordonne une enquête, et condamne par provision les habitants d’Aizenay à faire le guet et la garde réclamés, comme les autres sujets de la châtellenie d’Apremont. (X1a 60, fol. 381 v°.) Puis le 1er octobre 1418, la prétention des habitants d’Aizenay fut définitivement condamnée (X1a 63, fol. 34 v°) ; mais ils firent opposition à l’exécution de cet arrêt et introduisirent une nouvelle action, au Parlement siégeant à Poitiers, contre Louis de Rochechouart. Cette fois ils furent appuyés par leur seigneur, Charles de Bretagne, sr d’Avaugour, et sa femme Isabelle de Vivonne, qui lui avait apporté Aizenay en mariage. Ils donnaient comme raisons de leur opposition que les seigneurs d’Aizenay possédaient toute juridiction, droit de château et de châtellenie sur ledit lieu, avec guet et garde au château, quand il existait. C’était là et non ailleurs que les habitants avaient leur retraite en temps de guerre. Depuis qu’il n’y avait plus de château fort à Aizenay, les habitants, d’après les ordonnances royales et la coutume du pays, devaient faire le guet et avaient droit de refuge au château le plus voisin, c’est-à-dire à Palluau, qui était à une lieue, et non à Apremont, éloigné de trois lieues. Si jamais ils avaient été à la garde de ce dernier château, c’était indûment et par violence exercée contre eux de la part des officiers d’Isabelle de Parthenay, qui avait fait incarcérer ceux qui refusaient de se soumettre à sa volonté arbitraire. D’ailleurs, dans l’arrêt du 20 juillet 1415, il était question, dans le prononcé, des habitants d’Aizenay faisant partie de la châtellenie d’Apremont, c’est-à-dire de douze ou quinze personnes, tandis qu’à l’instigation de la partie adverse et par l’inadvertance d’un jeune avocat (sic), les mots de ressorto dicte castellanie Asperimontis ayant été supprimés, Louis de Rochechouart, sans aucun droit, voulait imposer le guet et la garde aux trois cents paroissiens d’Aizenay. En réponse à ces allégations, L. de Rochechouart déclarait qu’Aizenay relevait d’Apremont en foi et hommage lige, qu’il n’y avait point de château à Aizenay, que les seigneurs de ce lieu, dans les lettres d’aveu qu’ils étaient tenus de présenter chaque année (anno quolibet) aux sires d’Apremont, n’avaient jamais parlé de droit de château, et qu’en réalité tous les habitants d’Aizenay sans exception étaient de la châtellenie d’Apremont et, comme tels, avaient toujours été soumis au guet et à la garde. Par arrêt du 2 octobre 1420, la cour refusa d’admettre l’opposition du sr d’Avaugour, de sa femme et de leurs sujets, ordonna que les sentences précédentes seraient mises entièrement à exécution, et condamna les opposants solidairement à des dommages-intérêts envers Rochechouart et aux dépens. En outre, une amende de 60 livres fut prononcée contre les habitants d’Aizenay, pour désobéissance à un arrêt de la cour, irrévérence à l’égard du roi et calomnie envers le greffier. (X1a 9190, fol. 126 v°.) L’affaire paraissait ainsi terminée complètement. Quelques années plus tard cependant, Richard de Bretagne, comte d’Étampes, fils de Jean IV, duc de Bretagne, devenu seigneur d’Aizenay, fit une nouvelle tentative pour éluder l’ordonnance du Parlement. Il avait fait réédifier le château fort d’Aizenay et acquis le château de Palluau, ce qui lui servit de prétexte pour essayer de soustraire ses sujets à l’obligation de faire le guet à Apremont, dont le seigneur était alors Jean de Rochechouart, fils de Louis. Celui-ci le fit ajourner au Parlement et obtint que l’arrêt de 1420 fût maintenu en vigueur et exécuté strictement, par une nouvelle décision, datée du 13 février 1434 n.s. (X1a 9193, fol. 3.)

2 Jean de Vaily. (Voy. ci-dessus p. 256, note 1.)

3 Jean Romain avait été reçu conseiller au Parlement le 15 novembre 1404, pour remplacer à la chambre des enquêtes Jean de Celsoy, nommé à la grand’chambre. (Blanchard, Catalogue de tous les conseillers du Parlement de Paris, p. 15.)

4 Guillaume Ier Cousinot était avocat au Parlement dès 1405. Il compta parmi les magistrats distingués du règne de Charles VI. En 1419, il était conseiller au Parlement et chancelier du duc d’Orléans. Nommé président à mortier en 1438, il ne put exercer à cause de son grand âge, et mourut après 1442. (F. Blanchard, Les Présidens au mortier, p. 81.)