DCCCCLXXI
Rémission accordée à Perrot Pioger, de Prailles, poursuivi pour un meurtre commis au village de Belleville, en revenant de la foire de Thouars, sur la personne de Jean Prieur.
- B AN JJ. 167, n° 473, p. 639
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 267-269
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie de Perrot Pioger, povre homme, chargié de femme et de pluseurs enfans, demorant à Prailles en la Marche, comme le lendemain du jour de la Magdelaine derrenierement passée, le dit exposant se feust parti du lieu où il est demorant et feust alé à certaine foire qui en icelui jour se tenoit à Thouars, et en icelle foire eust acheté certains ferremens à faire pipes à vin, c’est assavoir un ferrement appellé quarreau et un autre appellé un fer de plenne, et en retournant d’icelle foire, en la compaignie d’un appellé Perrot Loyau et d’un charpentier estrangier, et passant par un villaige appellé Belleville, feust le dit exposant demouré derrieres [p. 268] pour parler à la femme d’un nommé Gaignart, à la quele il avoit congnoissance, et les diz Loyau et charpentier feussent tousjours alez devant, et ainsi qu’ilz aloient et qu’ilz furent devant l’ostel d’un appellé Coulon, soubz umbre de ce que un chien que avoit le dit exposant en sa compaignie avoit couru à un taz de brebiz, la femme du dit Coulon commença à parler très riguoreusement aus diz Loyau et charpentier, et à les tancer en leur disant qu’ilz estoient mauvaises gens et qu’ilz avoient hué leur chien aux brebiz, sur quoy il y ot pluseurs paroles injurieuses entre eulx. Et quant le dit exposant oy la noise, vint incontinent pour savoir que c’estoit et vit que la dicte femme cuida frapper le dit charpentier d’une faucille qu’elle tenoit, et que le dit charpentier lui osta icelle faucille, et que en lui ostant il lui enciza les dois de la main, pour la quele cause icelle femme commença lors à crier au murdre et à l’aide, auquel cry survindrent Jehan Prieur et un appellé Jehan Mauvoisin, en demandant qui ainsi avoit blecié [la dicte] femme. Ausquelz Prieur et Mauvoisin le dit exposant dist que ce avoit fait le dit charpentier et que on le prenist pour lui faire amender, et lors feust le dit Prieur alé devers le dit charpentier et eust mis la main à lui de par le seigneur de Thouars, et lui eust osté le dessus dit ferrement appellé carreau qu’il tenoit, qui estoit au dit exposant ; lequel ferrement icelui exposant avoit baillié à porter au dit charpentier, ainsi comme ilz venoient de la dicte foire. Et quant le dit exposant vit que le dit Prieur ot son dit quarreau, icelui vint à lui et lui dist qu’il estoit sien et qu’il l’avoit achetté à la dicte foire et qu’il le lui rendeist ; lequel Prieur lui eust respondu qu’il ne l’auroit point, et adonc eust le dit Mauvoisin, qui estoit venu en la compaignie du dit Prieur, dit à icelui Prieur qu’il lui baillast le dit ferrement, et qu’il garderoit bien que le dit exposant ne l’auroit point, et tant que le dit Prieur lui bailla icelui ferrement. Et incontinent que le dit exposant vit que le dit Mauvoisin [p. 269] tenoit son dit ferrement, icelui vint à lui, et lui dist qu’il le lui baillast, et se approucha de lui tant qu’ilz s’entreprindrent ensemble, et ainsi comme ilz s’entretenoient, le dit Prieur vint par derriere audit exposant et le prist par le bras et par la main dont il tenoit son dit fer de plenne et un petit coustelet, duquel il avoit essayé se icelui fer de plenne estoit bien, et incontinent que icelui Prieur ot ainsi pris le dit exposant par le bras, icelui exposant commença à escourre son dit braz et en le escouant frappa d’aventure du dit fer de plenne qu’il tenoit un seul cop le dit Prieur par la poictrine, telement que assez tost après il ala de vie à trespassement. Pour occasion du quel fait qui est avenu par fortune et cas de meschief, comme dit est, le dit exposant s’est absenté du pays et doubte que pour le dit cas il n’ait esté appellé à noz drois, ausquelz pour doubte de rigueur de justice il n’oseroit comparoir et par ce seroit en aventure d’estre banny de nostre royaume, ou quel il n’oseroit jamais demourer ne converser, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, si comme il dit, en nous suppliant très humblement que, attendu ce que dit est, sa povreté et la grant charge de femme et enfans qu’il a, et que le dit fait est avenu par cas de fortune, et que en touz autres cas il a tousjours esté homme de bonne vie, renommée et conversacion honneste, sans ce que oncques mais il feust repris, actaint ne convaincu d’aucun villain blasme ou reprouche, nous lui vueillions sur ce nostre dicte grace et misericorde impartir. Pour ce est il que nous adecertes, ces choses considerées, etc., audit exposant ou cas dessus dit avons quictié, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au bailli de Touraine et à touz noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, soubz nostre seel ordonné en l’absence du grant, ou mois de septembre l’an de grace mil cccc. et quatorze, et de nostre regne le xxxiiiie.
Par le conseil. Freron.