DCCCXCIII
Lettres portant remise en faveur de Bertrand Bruneau d’une partie des peines prononcées contre lui par le Parlement, pour avoir suborné des faux témoins accusant d’un double avortement son ennemi Jean Guillerau, châtelain du Fief-Taveau pour le seigneur de la Flocellière, à condition de faire un pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne et de payer cent livres à l’Hôtel-Dieu.
- B AN JJ. 158, n° 293 fol. 158 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 25-32
Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des amis charnelz de Bertran Bruneau, prisonnier en nostre Chastellet de Paris, contenant que comme, pour occasion de ce que Jehan Guillereau1, chastellain et officier de Jaques de Surgieres, chevalier, seigneur de la Flocelliere2, en sa terre [p. 26] du Fief Taveau, soubz umbre de son dit office et de la puissance du dit chevalier, son maistre, ou autrement de sa volenté, avoit durement traictié en pluseurs manieres et traictoit de jour en jour les hommes et subgiés du dit Bertran en sa terre de la Mote Fouquerent, qui est voisine et contigue de la dicte terre du Fief Taveau, et que les plaintes d’iceulx ses hommes et subgiez lui en estoient venues et venoient souvent, et aussi pour l’occasion de ce que le dit chevalier avoit mis et tenu en procès le dit Bertran, à Chinon, pour certains herons que il a voulu supposer avoir esté prins en ses bois du dit Fief Taveau par le dit Bertran et autres ses hommes, et de son commandement, et tant que il lui a convenu, pour lui et ses diz hommes, finer au dit chevalier à lx. francs ou environ, comme pour certains articles que le dit Guillereau avoit fait et fait bailler à l’encontre du dit Bertran au sire de Commiquiers3, et à sa court, pour avoir fait excercer office de sergent en la sergenterie fieffée du Fief Communeau, tenue du dit sire de Commiquiers, par autres que par Josselin de la Forest4, sergent d’icelle, ou par son alloué, et sur ce concluoit icellui sire de Commiquiers à confiscacion de fief, entre autres choses, contre le dit Bertran, et que icellui Bertran tenoit et creoit que ces choses estoient mises avant à l’encontre de lui, par le moyen et conseil du dit Guillereau ; et autrement ait icellui Bertran conceu moult grans haynes à l’encontre dudit Guillereau, et se [p. 27] allia avecques un autre5 pour le grever, et pour icelle hayne mettre à execucion, ait le dit Bertran Bruneau induit et suborné Mathurin Aubin et Jehan Thommas6, tesmoins produis et examinez en ceste partie, à dire et deposer contre verité qu’ilz avoient veu que le dit Guillereau avoit fait avorter sa femme d’un enfant, sept ans avoit ou environ, par la batre et villener, en disant à sa dicte femme que icellui enfent n’estoit pas sien, et que le dit enfent estoit mort né, noir comme charbon, et que il avoit esté enterré en la ruelle d’un lit d’une garderobe ou appentiz, en l’ostel du dit Guillereau mesmes, ou Brueil, combien que les diz tesmoings n’en seussent aucune chose que par l’avoir oy dire à la dicte femme d’icellui Guillereau, et aussi que le dit Jehan Thommas avoit veu que le dit Guillereau avoit fait avoir à Agnès Durande, sa chamberiere, qui estoit grosse d’enfant de lui, comme disoit icellui Thomas, icellui enfant et fruit en sang par lui estraindre le ventre d’une touaille ou longiere, et tout pour la cuider marier au dit Thomas, combien que icellui Thomas n’en sceust aucune chose que par l’avoir oy dire à la dicte chamberiere et aussi à la dicte femme d’icellui Guillereau ; et pour ces choses dire et deposer avoir veu de fait, par devant les commissaires de nostre très cher et très amé oncle le duc de Berry, conte de Poitou, avoit promis icellui Bertran à faire beaucoup de bien aus diz tesmoings, et que ce n’estoit pas grant pechié de faire mourir icellui Guillereau, et que il avoit trop vesqu ; et soubz umbre de ces choses et des informacions sur ce faictes par la desposicion [p. 28] des diz tesmoings et autres, a esté icellui Guillelereau prins et emprisonné à Poictiers, à Thouars et ailleurs, et depuis à la Gasnache, et ses biens prins et empeschiez, et aussi a esté mutilé d’une de ses jambes, et en ce a grandement esté grevé et dommagié ; et depuis, par le moyen de certains appel ou appeaulx, est tout devolu en nostre court de Parlement. Et encores, ce pendant, a le dit Bruneau, par vertu de certaines noz lettres, fait faire grans informacions contre le dit Guillereau et autres, pour tousjours le vouloir grever, et fait dire et proposer icellui Guillereau avoit fait les diz murdres et pluseurs autres malefices, et estre homme de mauvaise vie et renommée, et y a perseveré en ce procès, en nostre dicte court, par laquele le dit Bertran a esté, pour souspeçon des choses dessus dictes, emprisonné en nostre dit Chastellet, et par icelle nostre court attainte la dicte subornacion, a esté le dit Bertran condempné à faire amende honorable au dit Guillereau, et en amende proffitable envers nous et aussi envers lui, et pour ses dommages interestz et despens en la somme de cinq cens livres tournois, et en vint livres de rente à la vie du dit Guillereau, et a estre tourné ou pilory une foiz à Paris, une foiz à Thouars et une foiz à la Gasnache, si comme par arrest de nostre dicte court sur ce fait ces choses entre autres l’en dit plus à plain apparroir7 ; et il [p. 29] soit ainsi que sur ce le dit Bertran ait jà esté tourné ou pilory à Paris et ait fait amende honnorable au dit Guillereau, et tiegne prison pour les amendes proffitables d’icellui et des nostres, et en ce ait grandement esté scandalisé et dommaigié en corps et en biens, et encores plus seroit de sa personne, se il estoit tourné ou pilory à Thouars [et] à la Gasnache, et aussi seroient pour lui ses diz parens et amis qui demourent ou païs d’environ, si comme il dient, en nous humblement suppliant que, comme le dit Bertran [p. 30] ait pour le dit meffait longuement esté detenu en prison et encores soit, à grant povreté et misere, et soit moult chargié desdictes amendes proffitables, qui sont grosses envers nous et partie, et est en voie d’en estre desert, nous lui vueillons sur ce impartir nostre grace et misericorde. Pour quoy nous, inclinans à la dicte supplicacion, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, et pour faveur et contemplacion de nostre très chere et très amée fille la duchesse de Bretaigne8, qui de ce nous a fait très humblement [p. 31] supplier et requerre, et aussi pour l’onneur et reverence de la sepmaine saincte, en laquelle nous sommes de present, et en laquelle Nostre Seigneur Jhesu Crist receut mort et passion, et pour certaines autres causes et consideracions qui à ce nous ont meu et meuvent, audit Bertran ou dit cas avons remis, quictié et pardonné, etc., et mesmement la peine d’estre mis et tourné ou pilory à Thouars et à la Gasnache, en quoy il est et puet estre encouru envers nous et justice, et le restituons à sa bonne fame et renommée, au païs et à ses biens non confisqués, non obstant ledit arrest ou jugement de nostre dicte court de Parlement, et sur ce imposons silence perpetuel à nostre procureur, sattisfacion faicte à partie civilement, parmi ce toutesvoies que il fera un pelerinage à Nostre Dame de Bouloigne sur la mer, et sera tenu d’en rapporter certifficacion, et paiera les dictes amendes civiles tant à nous comme à partie, et aussi paiera à l’Ostel Dieu de Paris cent francs d’or, c’est assavoir cinquante francs à l’office du maistre et les autres cinquante à l’office de la prieuse dudit Hostel Dieu. Sy donnons en mandement à noz amez et feaulx conseillers les gens de nostre Parlement à Paris, au bailli de Touraine et des ressors et Exemptions d’Anjou, de Poitou et du Maine, et à touz noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, le xxviiie jour de mars l’an de grace mil iiiic et trois, et le xxiiiie de nostre regne.
Autres foiz ainsi signée : Par le roy, presens pluseurs des chambellans, Fortement. Et rescripte selon vostre ordenance ès requestes par vous tenues, par le commandement du roy, le patriarche d’Alixandrie9, l’arcevesque d’Aux10, les evesques de Noyon, de Tournay et de Limoges11, [p. 32] le seneschal de Xantonge12 et pluseurs autres presens. G. Fortement.