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DCCCCXXXII

Rémission accordée à Philippon Catelineau, sergent de l’abbaye de Notre-Dame de Celles, qui, ayant reçu l’ordre d’arrêter frère Nicolas, religieux du prieuré de la Carte, et plusieurs autres, avait été obligé de défendre sa vie et, en repoussant leur attaque, avait frappé mortellement ledit religieux.

  • B AN JJ. 163, n° 40, fol. 16 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 148-150
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à [p. 149] nous avoir esté exposé de la partie de Phelippon Catelinea, povre homme, sergent des religieux de Nostre Dame de Celle1 en Poitou que, le mardi prochain après la feste de Pasques derrenierement passée ou environ, un appelé frere Nicolas, religieux du prioré conventuel de la Quarte2, ou dit pays de Poictou, accompaignié de iii. ses compaignons et complices, mena en la taverne en la ville de Nostre Dame de Celle un appellé Guillaume Belac, et le firent les diz frere Nicolas et ses complices tant boire qu’il fu yvre ; lequel, quant ce vint vers la nuit et que le jour failloit, pour soy en cuidier [aller] et retraire en son hostel, il paya son escot et s’en yssi hors de la taverne et de l’hostel où ilz avoient beu, maiz si tost qu’il fu au dehors, les diz frere Nicolas et ses diz complices, sans ce qu’il leur eust aucunement meffait, le assaillirent et batirent de batons, de dagues et autres ferremens, tant et si enormement qu’ilz le cuidoient avoir tué et le laissoient pour mort. Et lors les gens qui là estoient crierent au murtre. Et pour ce le procureur des diz religieux, abbé et convent de Nostre Dame de Celle, qui oy le cry, y vint et commanda au dit exposant qu’il alast où estoit le dit cry, et pour ce qu’il respondi au dit procureur qu’il n’y oseroit aler seul, icellui procureur lui ordena et dist qu’il fist commandement aux habitans de la dicte ville qu’ilz alassent avecques lui et lui aidassent à prendre et emprisonner ceulx qui avoient fait la dicte bature. Et après ce le dit exposant, acompaignié d’aucuns des habitans de la dicte ville, fust venuz en la place et ou lieu où avoit esté faicte la dicte bateure et où les diz frere [p. 150] Nicolas et ses complices estoient, et leur eust fait commandement qu’ils rendissent leurs corps en prison ; lesquelx, veans que bonnement ilz ne povoient eschapper qu’ilz ne feussent prinz, se mistrent en deffense et renyerent Dieu que, s’il y avoit homme qui mist la main à eulx, ilz le tueroient, et se le dit Guillaume Belac ainsi batu n’estoit mort, qu’ilz le acheveroient de tuer. Et tantost l’un des diz complices frappa l’un de ceulx qui acompaignoient le dit exposant tant qu’il lui fendi la teste d’une espée, et aussi le dit frere Nicolas vint au dit exposant et le frappa d’une pierre telement qu’il le fist cheoir contre un mur, et non content de ce, tira un cousteau qu’il avoit et le cuida bouter ou ventre du dit exposant, maiz il se garda le mieulx qu’il pot et en ce faisant et soy deffendant, frappa le dit frere Nicolas d’un baton sur la teste et telement que mort s’en ensuy dedens i. jour après ou environ. Et combien que le dit exposant ait ce fait pour cuider les diz complices prendre et mener à justice, et en soy deffendant et repellant force par force, et pour eschever peril de mort, il se doubte que par rigueur de justice il feust pugniz, traveilliez ou empeschiez en corps ou en biens, se par nous ne lui estoit sur ce nostre grace impartie, requerant humblement que icelle nous lui vueillons impartir. Pour quoy nous, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, au dit exposant le cas et occision dessus diz, etc., avons quictié, remiz et pardonné, etc. Si donnons en mandement en commettant, se mestier est, au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou, du Maine et de Poictou, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de septembre l’an de grace mil cccc. et huit, et de nostre regne le xxixe.

Par le roy, à la relacion du conseil. Charron.


1 L’abbaye de Notre-Dame de Celles, de l’ordre de Saint-Augustin, avait alors à sa tête Guy de Lezignac. D’après la Gallia christ., il est mentionné comme abbé en 1404 et années suivantes, jusqu’en 1456, qu’il tint un chapitre général. (Tome II, col. 1338.) Peut-être y eut-il successivement deux abbés portant les mêmes nom et prénom.

2 Sur le prieuré conventuel de la Carte, cf. le Pouillé du diocèse de Poitiers, publié par M. Beauchet-Filleau, qui lui consacre quelques lignes, p. 433.