MVII
Confirmation d’une sentence de Jean de Torsay, sénéchal de Poitou, reconnaissant à l’abbaye de Saint-Hilaire de la Celle à Poitiers le droit de haute, moyenne et basse justice.
- B AN JJ. 219, n° 22, fol. 14 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 394-400
Karolus, Dei gracia Francorum rex. Universis, presentibus atque futuris, notum facimus nos, ad dilectorum nostrorum religiosorum abbatis et conventus de Cella Pictavis, ordinis Sancti Augustini, requestam, litteras per predecessores nostros, tam reges Francie quam Acquitanie [p. 395] duces, eisdem concessas, vidisse, quarum tenores de verbo ad verbum sequntur et sunt tales1 :
Jehan de Torsay, seigneur de Lezay, maistre des arbalestriers de France, seneschal de Poictou pour le roy nostre sire, à tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Savoir faisons que, comme jà pieçà les religieux abbé et convent du moustier et abbaye de Saint Hilaire de la Celle de Poictiers nous aient exposé que, durant la vie de feu monseigneur le duc de Berry et d’Auvergne, conte de Poictou, d’ancienneté eulx avoient droit et coustume et estoient en possession et saisine d’avoir, user et excercer en et dedans les fins et mettes de leur bourg de leur dit moustier et abbaye, estans en la dicte ville de Poictiers, toute justice et juridicion haulte, moyenne et basse, et tout ce qui s’en deppend et puet despendre ; laquelle justice et juridicion eulx tenoient et avoient acoustumé tenir soubz la souveraineté et ressort de nostre dit seigneur, à cause de sa dicte conté de Poictou, et que Guillaume Pape2, pour lors prevost de la dicte ville de Poictiers, et autres, eulx disans officiers et commissaires du dit feu monseigneur le duc de Berry, à cause de la dicte conté de Poictou, par vertu de certains mandemens de commission ou autrement, avoient fait certains exploictz torçonniers en leur dit bourg, contraires et prejudiciables aux droiz de la dicte justice et juridicion des diz religieux, abbé et convent, et de leurs dictes possessions et saisines ; et pour ce requeroient les diz exploiz estre effaciez et mis au neant. Le [p. 396] procureur du dit seigneur à cause de la dicte conté, à ce appellé, disant et proposant plusieurs causes, faiz et raisons au contraire, par lesquelz il disoit les diz exploiz avoir esté bien et deuement faiz, pour ce que il disoit [que] iceulx religieux n’avoient aucune justice ne juridicion sur les manans et habitans en la dicte ville de Poictiers, et que le dit seigneur et ses predecesseurs contes de Poictou, pour eulx, leurs gens et officiers avoient acoustumé et esté en bonne possession et saisine de excercer et faire excercer les dictes justices et juridicions haulte et moyenne sur tous les manans et habitans ou dit bourg de Sainct Hilaire de la Celle de Poictiers, si bourg devoit estre dit, et de ce estoit fondé par raison commune, l’usage et coustume du païs, le dit seigneur conte de Poictou et seigneur de la dicte ville de Poictiers. Emprès les quelles choses, pour le bien de paix et par l’advis et deliberacion de conseil du dit seigneur estans à Poictiers, fut par nous commis, du consentement des diz religieux et du dit procureur du dit seigneur, à feu maistre Guillaume de Lerberie3, pour lors nostre lieutenant, [p. 397] maistre Herbert Taunay4, advocat de nostre dit seigneur, [p. 398] et Jehan Prouveau5, que, appellez ceulx qui feront à appeller, feissent informacion diligente de et sur les droiz, possessions et saisines d’une part et d’autre, et sur les intendiz et articles qui par chascune des dictes parties leur seroient baillées touchant les dictes choses, et l’informacion qui sur ce seroit par eulx faicte, avecques les lettres et munimens de chascune des dictes parties, dont elles se vouldroient aider, apporter ou envoyer feablement closes par devers nous, signées de leurs seings manuelz, et seellées de leurs seaulx, afin d’en faire et ordonner ainsi que de raison seroit. Lesquelz commissaires, par vertu de noz lettres, après ce, firent les informacions d’une partie et d’autre6, et mesmement les diz maistres Herbert de Taunay et Jehan [p. 399] Prouveau sur le contenu ès dictes lettres, selon certains intendiz qui par chascune des dictes parties leur furent baillées touchant les choses dessus dictes, et examinerent plusieurs tesmoings d’une part et d’autre. Et pour ce que le dit feu maistre Guillaume de Lerberie, lequel avoit vacqué à faire les dictes informacions des diz religieux, lesquelles en son vivant n’avoient pas esté redigées en forme ne signées de son seing manuel, et ce pendant estoit trespassé, et ce fait le roy nostre sire, jà pieça paravant le temps de sa regence, pour certaines causes et consideracions à ce le mouvans, avoit voulu et consenti par ses lettres patentes que autelle et aussi pleniere foy fust adjoustée par nous et tous ses officiers, à qui il appartiendroit, aus dictes informacions et enquestes des diz religieux qui apparroient estre signées des seings manuelz des diz maistres Herbert et Jehan Prouveau, tout ainsi que si d’abondant elles estoient signées du seing manuel du dit feu maistre Guillaume de Lerberie, si comme il nous est apparu par les dictes lettres de nostre dit seigneur. Et lesquelles informacions ou enquestes, d’une partie et d’autre, depuis reddigées en forme et signées des seings manuelz des diz maistre Herbert et Prouveau, avecques certaines lettres, papiers et enseignemens, avoient esté rapportées et mises par devers nous, et par icelles le procureur du roy nostre dit seigneur en son païs et conté de Poictou, d’une part, et religieuse et honneste personne frere Martin Vayreau, procureur des diz religieux, d’autre, les dictes parties, de leur consentement, forcluz de tous reprouches, obgectz et contreditz, ont voulu prendre droit. Emprès lesquelles choses, nous avons veues et visitées les dictes informacions, lettres, papiers et autres munimens, et eu sur ce advis et deliberacion à plusieurs du conseil de nostre dit seigneur et, tout veu et consideré, avons osté et ostons les empeschemens mis par le dit Guillaume Pape et autres en la haulte justice et juridicion moienne et basse que les [p. 400] diz religieux ont acoustumé avoir, user et excercer ou dit bourg, en ce non comprins les mesures à vin, lesquelles sont et appartiennent au roy nostre sire, à cause de sa dicte conté, seul et en tout. Et au regard des mesures à blé, est surceis, pour ce qu’elles sont contencieuses entre les dictes parties à la court des Grans jours, à present advocquée en Parlement7. Et est sauve èsdictes justices et juridicions à nostre dit seigneur tout droit de souveraineté et de ressort et autres droiz acoustumez. Et atant les dictes parties en avons envoyées et mises hors de cest plait et procès. Donné et fait par devant nous, en nostre court ordinaire de la seneschaucée de Poictou, tenue à Poictiers, le samedi xvie jour de janvier l’an mil cccc. vingt deux.
Ainsi signé : M. Claveurier8, J. Arembert9, procureur, E. Bonet10, par commandement de monsieur le lieutenant, et J. Bertrand, pour registre.