DCCCCXVIII
Rémission accordée à Perrot Texier, maréchal, de Mauzé, coupable d’homicide dans une rixe sur la personne de Pierre Chevaignon.
- B AN JJ. 160, n° 265, fol. 184
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 98-100
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue la supplicacion de Perrot Texier, povre homme, mareschal, de l’aage de xxxviiii. ans ou environ, contenant que comme, à un certain jour de dimenche ou mois de septembre ix. ans ou environ, ycellui suppliant et un appellé Colas Garnier, son parent, lors demourans en la parroisse de Mauzé ou païs de Xanctonge, s’en alerent esbatre au jeu du boucler en l’ostel d’un appellé Heliot Fourquaut, demourant en la dicte ville de Mauzé, ou quel hostel on jouoit pour lors au dit jeu, et y jouerent et se esbatirent jusques environ soleil couchié, que ycelui suppliant et autres s’en yssirent du dit hostel ; devant lequel [p. 99] avoit un puis, sur lequel ycelui suppliant se assist en regardant jouer pluseurs compaignons qui jouoient au dit jeu. Et ce pendent survint et passa par devant le dit puys un jeune filz de l’aage de xii. ans ou environ, qui portoit deux escuelles d’estain, au quel jeune filz ycelui suppliant demanda que ce estoit qu’il portoit, en prenant les dictes escuelles, les quelles ycelui suppliant tantost après les restitua au dit jeune filz, sans rien retenir de ce qu’il portoit. Et un pou après fussent ycelui suppliant et le dit Garnier alé esbatre en certain lieu de la dicte ville appellé Champgrangier, ouquel lieu souloit avoir marchié et où les gens et compaignons de la dicte ville se vont et ont acoustumé de eulx aler communement esbatre, et lors fust en ycelui lieu venu le dit jeune filz qui se feust adrecé au dit suppliant, en lui demandant pourquoy il lui avoit osté ses dictes escuelles et qu’il avoit fait que mauvais garçon de ce faire. Et pour ce que ycelui jeune filz perceveroit à dire de grans opprobres et deshonnestes paroles à ycelui suppliant, lui eust dit le dit suppliant que s’il ne se deportoit de ce dire, qu’il lui donrroit tele jouée qu’il cherroit à ses piés ou autres semblables paroles en substance ; aus quelles paroles survint un appellé Pierre Chevaignon, soy disant parent du dit jeune filz, qui par grant arrogance dist à ycelui suppliant qu’il ne lui mescheist oncques tant au dit suppliant qu’il feroit, s’il frappoit le dit jeune filz, son cousin, et que autresfois ycelui suppliant lui avoit fait desplaisir et qu’il s’en vengeroit, ou autres semblables paroles en effect. Et pour ce qu’il sembla lors au dit suppliant que le dit Chevaignon avoit volunté de lui faire desplaisir, ycelui suppliant qui estoit meu des paroles à lui dictes tant par le dit jeune filz que par le dit Chevaignon, et aussi qu’il avoit largement beu, se departi du dit lieu et ala à l’ostel de sa mere, près d’icelui lieu, ou print un petit bazelaire et retourna droit au dit lieu, tenant le dit badelaire tout nu en sa main. Et si tost que le dit Chevaignon l’apperceut, [p. 100] se print à venir contre ycelui suppliant et à lui ruer de grosses pierres ; et lors ycelui suppliant print et tray le boucler dont il avoit joué au dit jeu de boucler pour resister aus cops des pierres que le dit Chevaignon lui gectoit et ruoit ; lequel boucler le dit Chevaignon froissa et rompi des coups des pierres qu’il rua et gecta contre ycelui suppliant, et avecques le frappa d’une douelle de tonneau par le visage au dessus de l’ueil jusques à grant effusion de sanc, en mettant mains en ycelui suppliant, et s’efforça de le ruer et abatre par terre. Et lors ycelui suppliant frappa du dit coustel qu’il tenoit ycelui Chevaignon par la cuisse un coup dont il chey à terre, et aussi le frappa du dit boucler trois ou quatre coups par la teste ou ailleurs par le corps, desquelz cops ycelui Chevaignon, dedens cinq jours après ou environ, par deffaut de bon gouvernement ou autrement ala, si comme on dit, de vie à trespassement. Pour occasion duquel fait et pour doubte de rigueur de justice, ycelui suppliant s’est absenté du dit païs et est en voie d’estre du tout destruit et desert, et qu’il ne lui conviengne pour ce guerpir nostre royaume, se sur ce ne lui est impartie nostre misericorde, en nous humblement requerant ycelle. Pourquoy nous, ces choses considerées, ayans pitié et compassion du dit suppliant, ou cas dessus dit avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Xanctonge, au gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. et six, et de nostre regne le xxvie.
Par le roy, à la relacion du conseil. Soissons.