DCCCCLVII
Rémission accordée à Jean Lasnier, de Coulonges-les-Royaux, qui en se défendant avait frappé mortellement Jean Rocher.
- B AN JJ. 166, n° 252, fol. 166
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 216-218
Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir esté exposé de la partie de Jehan Lasner, povre homme, chargié de femme et de deux petis enfans, demourant à Coulenges les Reaulx en la seneschaucée de Poictou, que comme le dit exposant eust esté par long temps hay et menacé par [p. 217] pluseurs foiz de Jehan Rocher1, demourant aucune foiz au dit Coulenges ; et aprez ycelles menaces, le samedi devant la saint Jehan Baptiste derrenierement passée, environ heure de prime, ledit exposant estant en la dicte ville de Coulenges, en parlant à un homme nommé Guillaume Masson, survint ycellui Jehan Rocher au lieu ou estoit et parloit ycellui exposant, en lui disant : « Lasner, tu m’as menacié de batre et as dit villenie de moy, mais par le sang Dieu, tu le comparras maintenant », et descendi ycellui Rocher de dessus un cheval sur quoy il estoit monté, et de courrage mal meu tira son espée hors de son fourreau, et s’en vint tout droit au dit exposant, et le cuida ferir de son espée. Et icellui exposant, cuidant que le dit Rocher le voulsist tuer, tira un grant coustel de charretier à un taillant qu’il portoit chascun jour, en disant à icellui Rocher : « Se tu me fiers, tu feras que nice, car certainement je te ferray ». Et adonc le dit Rocher remist en sa gayne sa dicte espée et monta à cheval, en menaçant tousjours le dit exposant, ausquelles menaces icellui exposant respondoit tousjours au dit Rocher : « Va en ta besongne ; car tu feroies trop que nice de moy ferir ». Et lors le dit Rocher, en perseverant tousjours en son mauvais courage, descendi de dessus son cheval, en disant : « Je renye Dieu ! Je acompliray ma volenté. » Et en ce disant, tira son espée et en vint ferir le dit exposant d’estoc, mais quant le dit exposant vit la mauvaise volenté du dit Rocher, et qu’il ne se vouloit deporter, se [p. 218] destourna du cop d’estoc, et fery de son coutel à un trenchant le dit Rocher dessus sa teste si fort et par tele maniere que, le samedi aprez, mort s’en ensuy. Pour quoy icellui exposant, doubtant rigueur de justice se soit absenté du païs, et tous ses biens et heritages ayent esté pour ce prins et mis en la main de nostre amé et feal chevalier et chambellan Regnault de Montjehan, bailli de Touraine et seigneur du dit Coulenges les Reaulx2, et n’oseroit jamais le dit exposant, qui pour ceste cause s’est absenté, retourner ne demourer ou pays, par quoy lui, sa femme et enfans dessus diz seroient en aventure de venir à mendicité, se par nous ne leur estoit sur ce pourveu de nostre benigne grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées et que en tous autres cas le dit exposant a tousjours esté de bonne vie et renommée, etc., au dit exposant, etc., avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au bailli de Touraine, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Aucerre, ou mois d’aoust l’an de grace mil cccc. douze, et de nostre regne le xxxiie.
Par le roy. J. Milet.