DCCCCVIII
Rémission accordée à Jeannot Chavant, d’Amberre, coupable de meurtre sur la personne de sa femme qui le trompait.
- B AN JJ. 159, n° 317, fol. 188
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 73-75
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion des amis charnelx de Jehannot Chavant1, povre laboureur, de l’aage de xxv. ans ou environ, parroissien de la parroisse d’Anbere en la viconté de Chasteau Leraut, contenant comme le dit Jehannot ait esté conjoint par mariage avec Thomasse, fille de feu Perrot Aguillon, de la parroisse de Saint Gervais d’Avrigné, aagié de xviii. ans ou environ, par l’espace d’environ quatre ans, pendant lequel mariage la dicte Thomasse a esté tout notoirement diffamée en la dicte parroisse [p. 74] d’Ambere et ailleurs d’avoir faulsé son dit mariage, pour la quelle chose le dit Jehannot l’a eue pour suspecte et tant que deux foiz il la trouva en present meffait d’adultere, l’une foiz avec le reteur d’Ambere et l’autre foiz avec un homme seculier non marié, pour les quelles causes le dit Jehannot la chaça et deboutée (sic) de son hostel par deux foiz, et puis lui pardonna les diz meffaiz et la rappella à son hostel, et elle lui promist et jura que jamaiz il ne la trouveroit en faulte. Et depuiz, environ la feste de la Chandeleur l’an mil iiiic et troiz, les diz Jehannot et Thomasse estoient à unes noces en l’ostel d’un appellé Thomas Boutin qui estoit leur voisin, où ilz disnerent ensemble, et après disner, devers le soir, le dit Jehannot dist à la dicte Thomasse qu’elle alast aprester à souper pour Jehan Chavant, pere du dit Jehannot, qui estoit viez et impotent, la quelle lui respondi qu’elle avoit plus chier aler avec les autres jeunes femmes pour dancer. Et lors le dit Jehannot lui dist que, s’elle y aloit, qu’il la feroit couroucie ; et aux dictes noces, il avoit oy nouvelles et veu aucuns signes qui ne lui plaisoient point ; pluseurs foiz lui deffendi qu’elle ne feust si hardie d’y aler, maiz non obstant la dicte deffense, elle ala aux dictes noces pour souper, durant lequel souper, la dicte Thomasse se absenta de la dicte compaignie et s’en ala au dehors de l’ostel. Et adonc le dit Jehannot et autres estans aus dictes noces demanderent où estoit alée la dicte Thomasse, pour ce qu’ilz ne la veoient point, et qu’il l’avoient veu ou dit hostel n’avoit gaires. Et adonc ycellui Jehannot, pour la souspeçon qu’il avoit sur elle, yssy hors du dit hostel, pour savoir s’il la trouveroit. Laquelle il vit venir d’un jardin et avec estoit un jeune homme non marié, lequel estoit soupeçonné qu’il habitoit charnelement avec. A laquelle le dit Jehannot dist, comme dolent, ou paroles semblables : « Tu viens de toy faire hocher à tel, je le croy bien, car je l’ay veu avecques toy ou vergier dont tu viens. » La quelle fu moult honteuse et lui mua [p. 75] la coulour, en lui disant : « Faictes de moy ce que vous vouldrez, car il est verité. » Pour la quelle chose le dit Jehannot, moult couroucié et dolent, tira un petit coustel appellé bastardeau qu’il avoit en sa gayne, et en frappa sa dicte femme par deux foiz, l’une foiz par le braz et l’autre par l’eschine entre les deux espaules, et après la frappa du pié par le ventre ; pour la quelle bateure, mort s’en ensuy en la personne de la dicte femme, iiii. jours après ou environ. Pour occasion du quel fait, le dit Jehannot, doubtant rigeur de justice, s’est abscenté du païs, ou quel il n’oseroit jamais retourner, converser ne demourer, et seroit en aventure de finer miserablement ses jours, si par nous ne lui estoit sur ce impartie et estendue nostre grace et misericorde, si comme ilz dient, en nous humblement suppliant que, attendu et consideré que la dicte Thomasse fust confessée et absolte, et fist son testament bien et deuement, comme bonne catholique, et que en l’article de la mort pardonna au dit Jehannot le fait dessus dit, disant qu’elle lui avoit mauvaise compaignie et qu’elle avoit bien deservi la dicte pugnicion, et aussi que ses parens et amis ont quictié et pardonné au dit Jehannot le dit fait, en tant qu’il leur peut toucher et appartenir, et mesmement qu’il a esté tout son temps homme de bonne vie, renomée et conversacion honeste, sans oncques mais avoir esté reprins, convaincu ne attaint d’aucun autre villain cas ou reprouche, nous sur ce veuillons impartir et extendre ycelle nostre grace. Pour ce est il que nous, etc., au dit Jehannot ou cas dessus dit avons quictié, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine, par ces presentes, et des ressors et Exemptions d’Anjou, du Maine et de Poitou, etc. Donné à Paris, ou mois de may l’an de grace mil iiiic et cinq, et de nostre regne le xxvme.
Par le roy, à la relacion du conseil. M. de la Teilleye.