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DCCCCLXIX

Rémission accordée à Pierre Charpentier, demeurant à Aulnay en Poitou, poursuivi pour avoir usé de violence envers Pierre Fourré, curé de ladite paroisse, qui lui avait fait certain tort.

  • B AN JJ. 167, n° 331, p. 475
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 262-265
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté humblement exposé de la partie de Pierre Charpentier, povre homme de l’aage de trente ans ou environ, demorant en la ville d’Aunay en Poictou, que comme, le jour de la feste saint Nicolas derrenierement passée, icelui exposant estant absent de son hostel où il demeure en la ville du dit Aunay, Pierre Fourré, prestre, curé de l’eglise parrochial du dit Aunay, acompaigné de pluseurs autres compaignons d’icelle ville, soubz umbre de certains jeulx, gales1 ou esbatemens qu’ilz font voulentiers le jour de la dicte feste saint Nicolas, qui est d’aler d’ostel en hostel en la dicte ville, pour demander ou avoir ce que les bonnes gens leur vouldront donner, comme eufs, lart, fromaiges et autres choses, pour aler boire ensemble en la taverne, ou autrement, se feussent transportez en l’ostel du dit exposant. Et pour ce qu’ilz trouverent la porte d’icelui hostel fermée, eussent pris au dehors d’icelle porte une grant paelle d’arain à lui appartenant, qui povoit bien tenir quatre ou cinq seaulx d’eaue ou environ, et icelle eussent emportée avecques autres choses, tant à celle heure comme depuis, de son dit hostel et en fait leur voulenté. Lequel exposant retourné, icelui mesmes jour, de sa marchandise dont il se mesle en son dit hostel, et à lui rapporté par sa femme ou ses gens l’injure et rudesse dessus dicte à lui faicte par icelui prestre et [p. 263] ses complices, il se feust transporté à l’ostel de Jehan Prevost, mareschal, demorant au dit lieu d’Aunay, ouquel hostel feust survenu icelui prestre et eust demandé au dit exposant pourquoy il avoit voulu batre un de ses compaignons, en appellant icelui exposant tribert2, malotru et lui disant que sa dicte paelle il avoit despecée et que bien la rendroit. A quoy icelui exposant, qui est homme marié et a bel, bon et honneste mesnaige, eust respondu à icelui prestre qu’il mentoit, et que icelui exposant n’estoit tribert ne malotru, mais estoit homme paisible, en requerant à icelui prestre qu’il lui rendist sa dicte paelle mesmement, car riens ne lui devoit, et n’avoit icelui prestre aucun droit de l’avoir prise, ne ses autres biens dessus diz. Le quel prestre, tendant à injurier et traveillier icelui exposant, par vengeance l’eust fait adjourner par un sergent du lieu en cas d’asseurement du dit jour au lendemain qui fu jour de jeudi, par devant le bailli ou juge du lieu. Et combien que ce jour mesmes au soir, Guillaume Clement, prestre, saichant que contre raison ilz avoient pris les diz gaiges d’icelui exposant, eust baillié à son varlet et restitué une saliere d’estain qui avoit esté prise en l’ostel d’icelui exposant, entre ses autres biens, par les diz complices, toutes voyes icelle paelle et autres choses prises en son dit hostel furent retenues et ne lui furent point baillées ne restituées pour lors, et encores les detiennent. Et le dit jeudi n’eussent point esté tenues les assises ou les plaiz d’icelui bailli ou juge d’Aunay, et pour ce n’eust point esté donné l’asseurement dessus dit. Et le dimenche au soir après soupper et le soleil couchié ou environ, eust rancontré icelui, devant son hostel au dit lieu d’Aunay, le curé ou prestre dessus dit, et lui eust requis qu’il lui rendeist sa dicte paellé, en lui disant s’il la r’aroit jamais, ou paroles semblables. [p. 264] A quoy le dit prestre ou curé lui eust respondu par maniere de desrision teles paroles ou semblables : « Agenouille toy devant saint Nicolas », et lui eust respondu icelui exposant que si feroit il, quant il seroit devant son autel, et non point devant le dit prestre. Lequel prestre de ce indigné et pour le plus courroucer et moquer, lui eust respondu qu’il estoit un meschant de soy en courroucer ; et atant s’en feussent alez et departiz d’ensemble et d’icelle place, le dit exposant suivant icelui prestre jusques devant l’ostel de Guillaume Billon au dit lieu d’Aunay, et là derechief eust demandé icelui exposant sa dicte paelle à icelui prestre, disant qu’il ne lui souffisoit pas d’avoir prise sa dicte paelle, mais avoit pris aussi, ou en sa compaignie ou soubz umbre de son fait avoient esté prises, en son dit hostel, certaines escuelles et autres choses sans cause, et que ses jeulx ne plaisoient point au dit exposant. A quoy icelui prestre lui eust respondu : « Vous avez menti, garçon que vous estes », ou paroles semblables. Et pour ce lui eust respondu icelui exposant : « Mais vous, ribaut prestre » ; lequel prestre après ces paroles eust mise la main à son coustel, qu’il avoit pendu à son costé, et pour ce icelui exposant qui n’avoit baton ne armeures, fors seulement sa dague pendue à sa sainture, ainsi qu’il l’a acoustumée de porter continuelment, eust prise une pierre et l’eust gectée contre le dit prestre, dont il feust cheu à terre, et eust descendu le cop jusques au visaige ou en la teste d’icelui prestre, dont il eust blecié en son dit visaige à sang et playe, ou au moins par le cheoir d’icelui prestre et par un mur ou maisieres ou pierres sur quoy il chey, ou se hurta en cheant, eust esté blecié en son dit visaige à sang et playe comme dessus, sans ce toutes voyes que du dit cop y ait eu mehain, mutilacion ou bleceure notable ou enorme en la personne d’icelui prestre, ne que le dit prestre en ait esté malade ne empeschié à aler et venir et faire ses besongnes comme il faisoit paravant. Pour occasion des queles choses, [p. 265] icelui exposant, doubtant rigueur de justice et que on lui peust ou voulsist opposer que en ceste matiere il eust commis fraction d’asseurement et de nostre sauvegarde en la personne d’icelui prestre, pour ce que, comme dit est, icelui prestre l’avoit fait adjourner oudit cas d’asseurement, jasoit ce que icelui asseurement n’eust pas esté juré ne donné de fait, se soit absenté de son pays, delaissié sa femme et son mesnaige, etc. Pour ce est il que nous, eue consideracion aus choses dessus dictes, etc., à icelui Pierre Charpentier, exposant, avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement aux gouverneur de la Rochelle, seneschal de Xanctonge et bailli de Touraine, etc. Donné à Paris, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. et quatorze, et de nostre regne le xxxiiiie. — Seellées de nostre seel ordonné en l’absence du grant.

Par le conseil. Haudry.


1 Gales, réjouissances, plaisirs, amusements. (Cf. Godefroy, Dictionnaire de l’anc. langue française.)

2 Celui qui cause du trouble, perturbateur, ou débauché. (Du Cange, Glossaire.)