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DCCCCXXXVI

Rémission accordée à Jacques du Chastenay, clerc au service de Jean Bréchou, seigneur de Puissec, détenu prisonnier au Châtelet de Paris comme faussaire, sauf qu’il restera en prison fermée un mois entier, au pain et à l’eau.

  • B AN JJ. 163, n° 108, fol. 58 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 26, p. 156-161
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Jaquet du Chastenay, povre jeune homme servant, clerc non marié du pays de Poictou, contenant que, ou moys de juillet derrenierement passé, le dit suppliant estant sur son partement pour venir en nostre ville de Paris pour les besongnes d’un appellé Jehan Brichou, seigneur de Puissec1, son maistre, [p. 157] demanda à Françoise Gauvaigne, damoiselle, sa parente de bas, se elle vouloit riens mander à Paris ; laquelle lui dist que oil et de fait lui bailla sept escus tant pour impetrer [p. 158] de nous aucunes lettres de justice qui lui estoient necessaires, comme pour bailler aux conseillers, procureurs et advocas que la dicte Françoise avoit en nostre Chastellet de Paris, pour le demené de certaine cause qui lors pendoit en nostre dit Chastellet entre Jehan Buor, escuier2, comme aiant la garde, gouvernement et administracion de Jaques Buor, son filz mineur d’ans, escollier estudiant en l’Université de Paris, demandeur et complaignant en cas de saisine et de nouvelleté, d’une part, et la dicte Françoise, deffenderesse et opposante, d’autre, pour raison entre autres choses de tous et chascuns les biens meubles et immeubles demourez du decès de feu Jehan de La Croys, ayeul maternel du dit mineur3. Et après ce fait, [p. 159] le dit suppliant en venant son chemin droit à Chinon, trouva d’aventure auprès d’une petite ville appellée Bornan, à cinq lieues ou environ du dit Chinon, un compaignon nommé Jehan Blanchet4, avec lequel il eust debat et contens de fait et de parole, telement que pour occasion du dit debat le dit suppliant fu, en passant la dicte ville de Chinon, arresté et detenu prisonnier par aucun temps ; pour lequel arrest et empeschement il lui convint paier huit livres x. solz tournois d’amende, et atant s’en parti en continuant son chemin jusques en nostre dicte ville de Paris, où il fu, tantost après ce qu’il y fu venu, detenu [p. 160] de fortune malade d’un oeil, le quel depuis, non obstant qu’il lui ait assez cousté en mires, il l’a perdu. Et pour ce le dit suppliant, considerant qu’il avoit eu l’argent de la dicte Françoise, lequel il avoit jà despendu en choses dessus dictes et que par ce il n’en povoit rien bailler ne emploier ou fait d’icelle Françoise, ainsi qu’elle lui avoit enchargié, icellui suppliant, cuidant couvrir sa faulte et honte de s’en retourner sans rien faire, par temptacion de l’ennemi fist de son simple mouvement, sans autre introduction, deux lettres closes, l’une adreçant ou nom de la dicte Françoise à Jehan Jamet, son procureur ou dit Chastellet, et l’autre à Guillaume Picart, procureur dudit Buor, ou nom qu’il proceda, que ledit suppliant signa ou nom du dit Buor, qui rien n’en savoit. Par lesquelles en effect il estoit mandé aus diz procureurs que iceulx Buor et Françoise estoient d’accort que la delivrance des diz biens meubles contencieux fust faicte et la main levée d’iceulx au prouffit d’icelle Françoise, et que à ce ils se consentissent en jugement. A quoy le dit procureur du dit Buor, cuidant icelles lettres venir du propre de son dit maistre, se consenti, et après en leva ledit suppliant lettre ou acte qu’il emporta au pays et bailla à la dicte Françoise, en lui disant qu’il lui avoit bien fait sa besongne. Laquelle, cuidant qu’il lui deist verité en fu bien joyeuse, et atant print congié d’elle sans lui rien dire du dit fait. Pour lequel cas, informacion precedent faicte par un certain nostre commissaire ou dit Chastellet, au pourchas d’icellui Buor ou dit nom ou autrement, le dit suppliant a esté puis nagueres prins et amené en nostre dit Chastellet prisonnier, et doubte estre pour ce griefment puny, se de nostre grace ne lui est sur ce pourveu, si comme il dit, en nous humblement requerant que, attendu ce que dit est et que le dit suppliant en autres cas a tousjours esté de bonne vie et renommée, sans aucun autre villain blasme ou reprouche, et que la dicte acte ou sentence sur ce par lui levée en [p. 161] nostre dit Chastellet n’a aucunement sorty effect ne execucion, mais ont esté depuis et encores sont de present les dictes parties de bon accort sur tout leur dit debat et procès, et aussi que de ce le dit suppliant a satisfait à sa voulenté, le dit Jehan Buor, ou nom qu’il procede, de l’interest et dommage que pour occasion du dit fait il a eu et supporté pour icellui attaindre, nous lui vueillons sur ce impartir nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, au dit suppliant ou cas dessus dit avons quicté, remiz et pardonné, etc., parmy ce que le dit suppliant demourra l’espace d’un moys entier en prison fermée, au pain et à l’eaue. Si donnons en mandement par ces presentes au prevost de Paris, au bailli de Touraine et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de novembre l’an de grace mil cccc. et huit, et de nostre regne le xxixe.

Par le roy, à la relacion du conseil. Mauloue.


1 Jean Bréchou, sr de Puissec, fils de Gilles (cf. t. V, p. 413 note). On trouve sous son nom plusieurs aveux au comte de Poitou, puis au roi, pour son hébergement de Puissec, mouvant de Fontenay-le-Comte, et pour un autre fief situé dans les faubourgs de cette ville qui avait appartenu aux Prévôteau et que l’on appelait le Petit-Puissec ou le fief Prévôteau. Ces actes sont du 10 janvier 1402 n.s., de 1418 et du 8 mai 1423. (Arch. nat., R1* 2172, p. 1073, 1081 ; P. 1144, fol. 46 v° ; P. 1145, fol. 46 et 48.). Le 7 janvier 1417 et en juillet 1426, il recevait de Guillaume de La Roche, chevalier, sr du Porteau, un aveu pour cette seigneurie, et le 29 mars 1430, il était en procès au Parlement siégeant à Poitiers, contre ses neveux Jean et Jeanne Girard, enfants mineurs de Pierre Girard et de Catherine Bréchou. (X1a 8604, fol. 144 v°.)

Dès 1416 et pendant les années suivantes, Jean Bréchou exerçait les fonctions de lieutenant du capitaine de Fontenay-le-Comte. C’est en cette qualité qu’il fut poursuivi au Parlement par la prieure et les religieuses du prieuré de Vix près Fontenay, membre dépendant de l’abbaye de Notre-Dame-hors-les-Murs de Saintes. Ce prieuré, comme l’abbaye dont il dépendait, n’était soumis, au dire de la plaignante, à aucun autre seigneur temporel que le roi de France, sous la sauvegarde duquel il était placé, avec exemption de tous subsides, redevances et impôts. Au mépris de ces privilèges et sous prétexte que la terre de Vix était dans le ressort de la châtellenie de Fontenay-le-Comte et que parfois les sujets du prieuré avaient donné de l’avoine et autres denrées, même de l’argent, aux capitaines et gardes du château de Fontenay, pour s’attirer leur bienveillance et être préservés d’oppression, Jean Bréchou, en qualité de lieutenant du capitaine (on verra ailleurs que le capitaine était Jean de Torsay, sénéchal de Poitou), voulut contraindre les habitants de ladite terre et seigneurie à lui payer chaque année 24 livres tournois ou à faire au château deux guets chaque jour, et à fournir deux hommes pour les réparations et fortifications du château. En outre, Guillaume Vasselot et Jean Le Veneur, à la tête de gens armés, étaient venus de nuit à Vix et avaient fait prisonniers plusieurs sujets du prieuré que, par manière de rançon, ils avaient taxés à de fortes sommes, sans parler d’autres excès et vexations qu’ils avaient fait endurer à la prieure et à ses hommes. Sur leur plainte et après enquête, J. Bréchou, G. Vasselot, J. Le Veneur, Simon Hervé, Jean de Dinan, Jean Giboin et Jean Marot furent ajournés au Parlement, pour répondre au procureur général et à la prieure. Les défendeurs, pour leur décharge, affirmaient que les plaignants étaient du ressort de Fontenay, dont Vix n’est distant que d’une lieue, qu’ils en étaient justiciables et soumis aux guet, gardes et réparations du château et des fortifications, comme tous les autres sujets de la châtellenie. Parfois l’hiver, quand, à cause des inondations, la terre de Vix étant située circa maris litora et aquis circundata, il était difficile auxdits habitants de venir à Fontenay pour les gardes et le guet, on avait pu les en dispenser moyennant une taxe de 24 livres par eulx consentie. Mais depuis les guerres, plusieurs forteresses des environs étant occupées par les ennemis du roi et du dauphin, dont il fallait craindre les embûches et repousser les entreprises, il avait été signifié publiquement à tous les sujets de la châtellenie en général, et expressément aux habitants de Vix, de venir faire le guet en personne à Fontenay. Ces derniers refusèrent d’obéir, furent mis en défaut et, qui pis est, faisant acte de rébellion, entourèrent leur ville d’un retranchement d’arbres abattus et plusieurs fois y donnèrent asile aux ennemis. Sur quoi Vasselot, procureur du roi en la châtellenie, commis au fait du guet par le sénéchal de Poitou, assembla les autres défendeurs avec quelques habitants de Fontenay et se rendit à Vix pour s’emparer des dits ennemis. Ceux-ci s’étant prudemment retirés, le procureur du roi exigea de la prieure et de ses sujets une réparation pécuniaire, qui fut fixée par composition à 68 livres tournois. Sur cette somme, 20 livres furent distribuées à ceux qui avaient accompagné Vasselot et avaient bien mérité cette récompense, et le reste remis entre les mains de Simon Hervé, receveur des amendes pour défaut de guet. L’acte qui contient l’exposé de ces faits intéressants est du 23 décembre 1419 ; c’est un appointement donné par la cour entre les parties, les invitant à prouver leurs allégations, et prescrivant une nouvelle enquête. (X1a 9190, fol. 67 v°.)

2 Ce Jean Buor, écuyer, avait obtenu, au mois de juillet 1398, des lettres de rémission pour l’enlèvement de Catherine Royrand, veuve de Colin de La Forêt, dont il avait fait sa femme. (Voy. notre volume précédent, p. 309.) Nous avons noté en cet endroit quelques renseignements sur lui et d’autres membres de sa famille. Ceux que contiennent les lettres de novembre 1408 et l’arrêt du Parlement analysé dans la note suivante permettent de compléter et de préciser un fragment de la généalogie de Buor, imprimée dans la nouvelle édition du Dictionnaire des familles du Poitou (t. II, p. 76). Les auteurs de ce recueil font de notre Jean Buor le chef d’une branche dite de Pacouinais, mais sans pouvoir la rattacher au tronc principal, ni faire connaître d’où lui venait cette seigneurie de Pacouinais. Or il est dit dans un acte du Parlement que Jean était fils d’Olivier Buor, sr de « la Louanchère » (voy. notre t. VI, p. 310 note) ou plutôt de la Bouanchère, et nous voyons ici que la mère de Jacques, étudiant à l’Université de Paris, et par conséquent la femme de Jean Buor, était sœur de Jean de La Croix. Nous savons d’autre part que Hugues de La Croix, procureur du roi en Poitou avant l’occupation anglaise, était seigneur de Pacouinais, dont l’hôtel fut incendié par les Anglais vers l’an 1372. (Cf. notre t. V, p. 377.) Évidemment Jean de La Croix était fils de cet Hugues, et comme il n’eut pas d’enfants, son neveu hérita de la terre de Pacouinais. Suivant MM. Beauchet-Filleau, Jacques Buor, étant encore mineur sous la tutelle de son père, en 1412, soutenait un procès contre Joachim de Vaux, écuyer, et aurait épousé une fille de N. Jousseaume, sr de Soulandeau.

3 Le procès dont il est question ici entre Jacques Buor, étudiant à Paris, et son père, d’une part, et Françoise Gauvaing, d’autre part, fut porté en appel du Châtelet au Parlement, et la cour rendit un arrêt non définitif, le 20 mars 1417 n.s. Françoise Gauvaing était alors remariée à Jean Marchant. Cette affaire dura de longues années ; elle avait été portée d’abord devant le bailli de Touraine et des Exemptions de Poitou, Maine et Anjou. Jean Buor réclamait toute la succession de Jean de La Croix pour son fils, qui était le neveu (nepos) du défunt. Françoise, d’autre part, prétendait que tous les biens meubles et tous les conquêts immeubles, ainsi que la troisième partie des propres héritages meubles et la moitié des biens roturiers et immeubles de son feu mari devaient lui appartenir, tant par testament du défunt que par la coutume du pays, à raison de sa dot. Les noms des terres de Jean de La Croix ne sont malheureusement pas indiqués. Par suite de cette contestation, les biens litigieux avaient été mis sous la main du roi. Jacques Buor étant venu étudier à Paris, la cause fut commise au Prévôt de Paris, comme juge et conservateur des privilèges de l’Université. Puis une transaction intervint entre les parties, le 30 octobre 1408, sous le sceau aux contrats de Niort, à la suite duquel mainlevée des biens saisis fut obtenue. Mais Françoise Gauvaing, après réflexion, s’opposa à l’exécution de l’accord et en demanda l’annulation, de concert avec son second mari, Jean Marchant. Le Prévôt de Paris, par sentence du 23 décembre 1411, admit les parties à faire la preuve de leurs allégations, et en attendant fit récréance à Buor de la moitié de la succession que la transaction lui avait attribuée. C’est alors que les époux Marchant relevèrent appel au Parlement de ce jugement. Le 17 janvier 1413 n.s., la cour ordonna que la sentence du Prévôt et l’accord de 1408 seraient mis à exécution provisoirement, sans préjudice de l’appel, et jusqu’au règlement définitif. Puis information fut faite de la valeur des propriétés en litige. Françoise contesta l’estimation des commissaires et fit de nouveau appel. Malgré toutes ces procédures, l’affaire était encore peu avancée le 20 mars 1417, puisque l’appointement de la cour à cette date porte que l’appelante produira le testament de Jean de La Croix et les autres titres sur lesquels elle appuie sa prétention. (X1a 62, fol. 91.)

4 Jean Blanchet, comme héritier de Berthomée Mercier, sa mère, rendit aveu au comte de Poitou, le 1er mai 1405, à cause de la prairie de Saint-Médard-des-Prés et d’une autre prairie enclose entre le Gué-d’Enfernet et la grande Vendée, le tout mouvant de Fontenay-le-Comte. (Arch. nat., R1* 2172, p. 1133.) Il renouvela cet acte le 16 janvier 1411 n.s. et le 19 octobre 1417. (P. 1144, fol. 48 ; P. 1145, fol. 44 v°, 46 et 49.)