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MXXVII

Lettres exemptant de toute imposition, ainsi que du guet et de la garde des portes de la ville, les coutres du chapitre de la cathédrale de Poitiers.

  • B AN JJ. 200, n° 205, fol. 109 v° ; AN JJ. 211, n° 478, fol. 106 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 20-24
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de noz bien amez les doyen et chappitre de l’eglise cathedrale de Saint Pierre le Grant de Poictiers, contenant que, comme pour le service de la dicte eglise ilz aient aucuns serviteurs appellez coultres, c’est assavoir Thomas de la Barre1, Jehan Regnault, dit Meriault2, Herbert [p. 21] Maudouyn, André Galipeau, Jehan Charpentier3 et Jehan Gaudonneau, Pierre Ferrand, Jehan Guy4 et Jehan Chanvillon, lesquelz sont tenuz, chacun à son tour, de sonner les cloches à toutes les heures qui se dient en la dicte eglise et icelle garder de jour et de nuyt, et à ceste cause eussent iceulx coultres de toute ancienneté, quelque part qu’ilz feussent demourans en la ville et chastellenie de Poictiers, acoustumé de estre francs, quictes et exemps de toutes aides, tailles, subcides et subventions quelxconques, pour quelconque cause qu’ilz peussent estre mis sus en ladicte ville, et aussi des guectz et gardes de portes en icelle ville ; ce non obstant, les collecteurs des parroisses où les diz coultres sont demourans, se sont puis nagueres efforcez et efforcent de jour en jour de mectre, asseoir et imposer iceulx coultres et chascun d’eulx èsdiz aides, tailles et subcides, et de les contraindre à payer les taux ausquelx il avoient esté imposez, et aussi les maire et autres officiers de la dicte ville, eulx entremettans du guet et garde des portes d’icelle, les veullent pareillement contraindre à faire les diz guectz et gardes des portes, lesquelles choses ont esté et sont faictes ou très grant grief, prejudice et dommaige de la dicte eglise et des diz coultres, et plus seroit, se par nous ne leur estoit sur ce pourveu de nostre gracieulx et convenable remede, si comme ilz dient, en nous humblement requerant icelluy. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, desirans de tout nostre cueur le service divin estre fait et celebré en la [p. 22] dicte eglise de Saint Pierre, avons, en faveur des diz doyen et chappitre d’icelle eglise voulu et ordonné, voulons et ordonnons que les diz Thomas de la Barre, Jehan Regnault, dit Meriaut, Herbert Maudouyn, André Galipeau, Jehan Charpantier, Jehan Gaudonneau, Pierre Ferrant, Jehan Guy et Simon Chanvillon5, coultres de la dicte eglise de Saint Pierre de Poictiers, et autres qui pour le temps advenir le seront, soient et demeurent à jamais francs, quictes et exemps de toutes aides, tailles, subcides et subvencions quelxconques, mises et à mettre sus en la dicte ville de Poictiers, et aussi des guetz et gardes des portes d’icelle ville, des quelx nous les avons exemptez et affranchiz, exemptons et affranchissons à tousjours mais par ces presentes. Si donnons en mandement à nostre amé et feal conseillier maistre Regnier de Boulegny6, general conseillier sur le fait et gouvernement de toutes noz finances et autres generaulx conseilliers qui pour le temps advenir seront sur le fait et gouvernement de nos dictes [p. 23] finances, aux esleuz et commissaires, commis et à commettre, à mettre, asseoir et imposer les diz aides, tailles, subcides et subvencions quelxconques en la dicte ville et chastellenie de Poictiers, au maire7 present et avenir, et autres entremetteurs de guet et gardes des portes d’icelle ville, que de nostre presente grace, affranchissement, quictance et exempcion facent, seuffrent et laissent les dessus diz coultres de Saint Pierre le Grant de Poictiers et autres qui le seront ou temps advenir, demourans en la dicte ville et chastellenie de Poictiers, et chascun d’eulx, joir et user à tousjours plainement et paisiblement, sans leur faire ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné, ne à aucun d’eulx, pour occasion de ce que dit est, ores ne pour le temps advenir, aucun empeschement au contraire, mais se mis y estoit, le facent incontinent oster. Et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Poictiers, ou moys d’avril l’an de grace mil cccc. trente et ung après Pasques, et de nostre regne le neufviesme8.

Ainsi signées : Par le roy, vous, l’evesque de Sées9, les [p. 24] sires d’Argenton10, de Mortemer11 et autres presens. Coingnet. Visa.


1 Un Thomas de la Barre, autrement dit de Touffou, rendit aveu au duc de Berry, le 1er mars 1403, et le renouvela à Charles, dauphin, comte de Poitou, le 2 janvier 1420 n.s., pour son hébergement de Marit qui lui venait de sa mère. (Arch. nat., R1* 2171, p. 35, et P. 1145, fol. 90 v°.)

2 Var. Meryault (JJ. 211).

3 Deux aveux de soixante prébenderées de terre au Theil, paroisse de Chenay, furent rendus par un Jean Charpentier et sa femme aux comtes de Poitou, le premier en date du 18 mai 1407, le second de l’année 1418. (R1* 2171, p. 376 ; P. 1144, fol. 26.)

4 Un inventaire du xvie siècle des Archives de la ville de Poitiers mentionne une adjudication aux enchères du quart de la dîme de Chaumont qui appartenait à Jean de la Mollière, et qu’il possédait par indivis avec les seigneurs de la Suze et de Chéneché, faite, le 6 septembre 1414, à Jean Guy pour le prix de 30 livres et à la charge des foi et hommage envers le seigneur de Rochefort. (Rédet, Inventaire des Arch. de la ville de Poitiers, p. 314, n° 1974.)

5 Au commencement de l’acte, il est nommé Jean Chanvillon.

6 Régnier de Boullegny, ou de Bouligny, faisait partie de l’administration des finances dès l’année 1412. En 1418, il accompagna le dauphin à Bourges et à Poitiers et entra dans le conseil souverain. Dans un mandement du roi à lui adressé d’Amboise, le 4 juin 1433, il est qualifié « general conseiller par nous ordonné sur le fait et gouvernement de toutes noz finances, tant en Languedoïl comme en Languedoc ». L’an 1435, les États du haut Limousin lui firent, ainsi qu’à d’autres conseillers du roi, des dons pour services rendus au pays. (A. Thomas, Les États provinciaux du centre de la France sous Charles VII, t. I, p. 310 ; t. II, p. 51, 67.) Le volume 450 des Pièces originales à la Bibl. nat. contient un certain nombre de quittances de Renier de Bouligny. En 1441, il y avait trois généraux conseillers des finances : Renier de Bouligny, Jean de la Barre et Jean Chastenier ; en 1444, ils étaient remplacés tous les trois. Bouligny continua néanmoins à siéger au conseil. Au mois de mai 1445, il était avec le comte de Vendôme, Jean Rabateau et autres, l’un des représentants du roi aux conférences de Châlons. (De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. III, p. 465 ; t. IV, p. 131, et passim.) Il était mort avant le 12 mai 1456. A cette date, sa veuve Marguerite la Touroulde, chez laquelle Jeanne d’Arc avait résidé pendant son séjour à Bourges, après le sacre, témoignait à Paris en faveur de la Pucelle et rendait hommage à sa piété, à sa charité et à la pureté de ses mœurs. (J. Quicherat, Procès de réhabilitation de Jeanne d’Arc, t. III, p. 83.)

7 « Maire » manque dans JJ. 200.

8 L’original de ces lettres patentes est conservé aux Archives de la Vienne, ainsi que des lettres de Louis XI et des rois ses successeurs confirmant les privilèges des coutres du chapitre cathédral, et des documents au nombre de cent cinquante relatifs à ces officiers, entre les années 1381 et 1776. (G. 389, 390 et 391.) Le texte des lettres de Charles VII est transcrit deux fois sur les registres du Trésor des chartes, la première dans une confirmation donnée par le roi Louis XI, à Poitiers, février 1465 n.s. (JJ. 200, n° 205, fol. 109 v°), et la seconde dans un vidimus de Charles VIII, daté de 1484, sans indication de lieu ni de mois. (JJ. 211, n° 478, fol. 106 v°.) Il est imprimé dans le recueil des Ordonnances des rois de France, in-fol., t. XVI, p. 302.

9 Robert de Rouvres, maître des requêtes de l’hôtel, membre du conseil de Charles VII et garde du sceau royal, avait été élu et confirmé évêque de Séez le 1er juillet 1422. Il fut transféré, le 4 mars 1433, au siège de Maguelonne, où il ne résida guère, étant retenu le plus souvent à la cour ou envoyé en mission par le roi ; néanmoins il en demeura titulaire jusqu’à sa mort, arrivée à la fin de l’année 1453. (Cf. Gallia christ., t. VI, col. 801, et t. XI, col. 698.)

10 Guillaume d’Argenton, chevalier, seigneur dudit lieu, de Gourgé, Onzain, etc., fils de Geoffroy, sr d’Orfeuille, Gourgé, etc., et de Jeanne de Vernou, fut l’un des confidents de Charles VII. Il assista ce prince, alors dauphin, lors de l’accord qu’il conclut à Angers avec le duc de Bretagne, le 2 juillet 1417, et plus tard il devint gouverneur du dauphin Louis. Le sire d’Argenton s’était marié, en 1403, à Chiché, avec Jeanne, fille unique d’Hélène de Naillac, sr d’Onzain, et de Marie d’Amboise, après l’avoir enlevée de la maison de sa mère, alors femme en secondes noces de Guy d’Argenton, oncle paternel de Guillaume, qui s’opposait au mariage pour garder la tutelle de cette riche héritière. (Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. I, p. 102.) Les registres du Parlement, où Guillaume d’Argenton soutint un assez grand nombre de procès, fournissent sur ce personnage des renseignements intéressants. On peut voir, entre autres, un accord conclu le 31 mars 1419 n.s. entre lui et son frère Jean, sr d’Orfeuille, au sujet du partage qui leur avait été fait par leur mère Jeanne de Vernou, dans lequel Guillaume se prétendait lésé, et aussi touchant la succession de leur oncle Guy, sire d’Argenton (Arch. nat., X1c 117) ; une autre transaction passée entre Guillaume d’Argenton, d’une part, Amaury d’Estissac et sa femme, Jeanne Guenant, tutrice de ses enfants du premier lit, Pierre et Madeleine d’Amboise, d’autre part. Charles dauphin et régent avait fait don au sire d’Argenton de la part qui devait revenir à Isabelle d’Amboise, femme de Guy d’Aigreville, sur la châtellenie de Chaumont-sur-Loire. Cette dernière était la sœur d’Hugues III d’Amboise, sr de Chaumont, père de Pierre et Madeleine, et sa succession aurait dû revenir à ceux-ci. De là le litige. (X1c 123.) Le 3 août 1425, Guillaume d’Argenton obtint du Parlement un arrêt touchant la restitution du château de « Saint-Verain-des-Bois » (de Sancto Verano de Boscis), dont il avait confié la garde à Jean de Lesgoy, chevalier. (X1a 9190, fol. 353.) La même année, de concert avec Thibaut Chabot, sr de la Grève, Jean Rabateau et autres, il poursuivait au criminel Jean Lorson, prieur d’Angles, pour excès et graves préjudices. L’affaire est curieuse, mais nous devons, pour ne pas nous étendre démesurément, nous contenter de donner les cotes. (Voir X2a 18, fol. 83 v° ; X2a 19, fol. 18 ; X2a 20, fol. 8 ; X2a 21, fol. 28, 31, 34 v° ; X1a 9190, fol. 344 v° ; et X1a 9198, fol. 48-50, 53, 55 et 87, plaidoiries). Un autre procès intéressant à un autre point de vue est celui que le sire d’Argenton soutint contre Catherine de la Haye, veuve de Geoffroy de Beaumont, Louis de Beaumont, Guy de Chourses (ou de Sourches), à cause de sa femme, Marie de Beaumont, touchant la dot de sa tante, Yolande d’Argenton, mariée à Thibaut de Beaumont, et autres biens patrimoniaux provenant de son grand-père et de sa grand’mère. (Plaidoiries, 11 février 1433 n.s., X1a 9200, fol. 112 ; long arrêt du 13 septembre 1434, X1a 9193, fol. 50 v° ; voir aussi X1a 9194, fol. 79 v°.) Enfin l’an 1447, Guillaume était poursuivi au Parlement pour excès et violences par Jean de Montours, chevalier, ainsi que François de Beaumont, chevalier, son capitaine d’Argenton, et Pierre Fouchier, son châtelain audit lieu. (X2a 23, fol. 337, au 7 septembre 1447.)

11 Ce nom dans la souscription des lettres royales est écrit tantôt Mortemer, tantôt Mortemar. Selon toute vraisemblance, il s’agit non pas de Geoffroy Taveau, sr de Mortemer, mais de Jean de Rochechouart, chevalier, sr de Mortemart, de Vivonne, de Saint-Germain, etc., conseiller et chambellan de Charles VII, créé gouverneur de la Rochelle en 1426, mort avant le 6 avril 1437. (Cf. notre précédent vol., p. 372, note.)