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MLVIII

Lettres permettant à Jean de Marconnay, chevalier, de fortifier son lieu et hôtel de la Barbelinière.

  • B AN JJ. 184, n° 603 bis, fol. 409
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 157-160
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de nostre amé et feal chevalier, Jehan de Marconnay1, seigneur de la Barbelinire, [p. 158] contenant que audit lieu de la Barbelinire ledit suppliant a toute justice et juridicion haulte, moyenne et basse et tout ce qui s’en deppend, et plusieurs hommes et subgiez couchans et levans, lesquelz à l’occasion des gens d’armes et routiers qui continuelement sont sur le païs, soustiennent plusieurs grans pertes et dommaiges ; et pour ce ledit suppliant, afin de preserver et garder son corps, ses biens et ses diz hommes et subgiez et leurs biens des pilleries et roberies qui par les dictes gens d’armes et routiers leur sont faictes et continuées chascun jour, fortiffieroit [p. 159] et empareroit voulentiers son dit lieu et hostel de la Barbeliniere, lequel est aisié à fortiffier et emparer, en lieu avantageux, se sur ce il nous plaisoit lui impartir nostre grace, si comme il dit, requerant humblement icelle. Pour quoy nous, ces choses considerées, audit de Marconnay suppliant, pour ces causes et en faveur des bons et agreables services que icelui suppliant nous a faiz ou fait de noz guerres, mesmement à nostre siege de Ponthoise2, et autrement en maintes manieres fait chascun jour et esperons que encores face ou temps avenir, avons donné et octroyé, [p. 160] donnons et octroyons, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par ces presentes, congié et licence de fortiffier et emparer son dit lieu et hostel de la Barbeliniere de murailles, tours, fossez, barbacannes, eschiffes, pons leveiz et autres choses neccessaires pour ladicte fortification et emparement, tout ainsi que bon lui semblera, pourveu toutesvoyes que ce [ne] nous tourne à prejudice ou dommage, ne à aucun, et que les diz hommes et subgiez, et autres retrayans oudit lieu et hostel, seront tenuz de faire guet et garde là où ilz l’ont acoustumé faire d’ancienneté. Si donnons en mandement par ces dictes presentes à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace, congié et licence facent, seuffrent et laissent ledit suppliant joïr et user plainement et paisiblement, sans lui faire, mettre ou donner ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun empeschement ou destourbier au contraire. Car ainsi nous plaist il et voulons estre fait, non obstans quelzconques editz, statuz, ordonnances, mandemens ou deffenses à ce contraires. Et afin que ce soit ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Poictiers, ou mois de juing l’an de grace mil cccc.xliii, et de nostre regne le xxie.

Ainsi signées : Par le roy, Jamet de Tillay3 et autres presens. Giraudeau. — Visa. Contentor. E. Duban.


1 La généalogie de la famille de Marconnay imprimée dans l’ancienne édition du Dictionnaire des familles du Poitou est remplie d’erreurs graves en ce qui concerne ce Jean de Marconnay. On en fait le fils de Simon vivant en 1337, homme d’armes dans la compagnie de Guillaume Larchevêque, à Angoulême, le 19 juin 1345. Il aurait eu pour mère une Jeanne de Coulombiers, dont il représentait les droits, en 1433, dans une contestation au Parlement de Poitiers, contre Catherine de la Haye-Passavant, dame de Clairvaux. Enfin il aurait été maître d’hôtel de Jean duc de Berry du 26 mai 1401 au 13 juin 1402, sous le nom de Jean de Coulombiers. On le suit jusqu’au 9 novembre 1445, qu’il donna quittance de la dot de 1000 écus d’or apportée par Jeanne Chaperon, en épousant son fils aîné, Simon de Marconnay. Il y a évidemment une génération de sautée dans cette filiation. Jean serait mort plus que centenaire s’il avait eu pour père celui qui lui est attribué. Il fut seigneur de Colombiers, non par sa mère, mais à cause de sa femme, comme nous allons le voir. Dans les registres de comptes de l’hôtel du duc de Berry, on trouve fréquemment mention d’un Jean du Colombier, qualifié maître d’hôtel de ce prince, entre 1398 et 1401, mais ce nom est presque toujours accompagné du titre de chevalier, seigneur de Montgauguier. (Arch. nat., KK. 253, fol. 89 v° ; KK. 254, fol. 10 v°, 42, 68, 96 v°, 123 v°.) Or Jean de Marconnay n’était encore qu’écuyer en 1429 et il ne posséda jamais la seigneurie de Montgauguier.

Un accord enregistré au Parlement de Poitiers, le 30 avril 1421, nous apprend que Jean de Marconnay avait épousé la fille aînée de Briand, sr de Colombiers. Ce dernier, marié à Marguerite de Frontdebeuf, vivait en 1382 (Ledain, Hist. de Bressuire, p. 400, 412) et rendit aveu au duc de Berry pour les moulins de Supplise sur le Clain, mouvant de la tour de Maubergeon, le 15 mars 1406 n.s. (Arch. nat., R1* 2171, p. 162.) Il eut deux fils : Briand, mort jeune, et Jean, dit Blondeau, qui, après le décès de son père et de son frère aîné, le 15 septembre 1408, fit aveu à son tour desdits moulins (P. 1145, fol. 83) et le renouvela au dauphin Charles, comte de Poitou, en 1418 (P. 1144, fol. 7) ; et quatre filles, la première mariée à notre Jean de Marconnay, les deux autres à Simon de Saint-Martin, chevalier, et à Jean Briffaut, dit la Rue, écuyer, et la dernière, nommée Philippe, non encore mariée en 1421, et qui épousa depuis Jean de Couhé, sr de Chergé. L’accord dont il vient d’être parlé fut conclu entre Jeanne Briand, damoiselle, veuve de Jean ou Blondeau, en son vivant écuyer, seigneur de Colombiers, d’une part, et les sœurs et beaux-frères de son mari, d’autre part. Jeanne prétendait avoir en douaire, suivant la coutume, le tiers par indivis de tous les biens et héritages du défunt et la jouissance de tous les conquêts. Elle voulait continuer à demeurer dans le château fort de Colombiers, principale et habituelle résidence de son mari. Or ses beaux-frères s’étaient emparés de toute la succession. Un jour qu’elle avait dû s’absenter pour ses affaires, ils en avaient profité pour s’introduire dans la tour et la forteresse, lui en avaient fermé les ponts et les portes, et avaient fait main basse sur les objets mobiliers et argent monnayé lui appartenant, qu’elle estimait à la somme de 3000 livres. Ils avaient même retenu ses femmes et domestiques. Par la transaction qu’elle accepta, Jeanne Briand dut renoncer, au profit de Jean de Marconnay, à l’hôtel et forteresse de Colombiers et se contenter, pour sa demeure, de l’hébergement des Closures et ses dépendances, dont elle aurait l’exploitation et les fruits, à condition qu’ils ne dépassent pas le tiers des revenus de son feu mari. Jean de Marconnay s’engageait à donner à ses cohéritiers telle compensation que leurs amis aviseraient. Quant aux dettes personnelles du défunt, on s’en remettait, pour leur paiement, au jugement de Guillaume Taveau, chevalier, sr de Mortemer. Il fut aussi accordé que « le trait, arbalestes, canons et autres abillemens de guerre qui à present sont en la dite forteresse de Coulombiers, demoureront en icelle pour sa garde, jusques à ce que autrement en soit ordonné par mondit sr de Mortemer. » Telles sont les principales dispositions de la transaction du 30 avril 1421. (Arch. nat., X1c 121, à la date.)

Nous dirons quelques mots encore d’autres procès soutenus par Jean de Marconnay. Le premier, commencé du vivant de Blondeau de Colombiers, ne prit fin qu’en 1434. Il s’agissait d’un droit de chasse prétendu par ce dernier dans les garennes de Clairvaux et de Scorbé et que lui contestait Goffroy de la Haye, sr de Clairvaux, puis le frère de celui-ci, Guillaume de la Haye. Héritier de Blondeau, Marconnay reprit pour son compte cette affaire pendante à Chinon, devant le lieutenant du bailli des Exemptions. Assigné d’abord le 19 octobre 1423 et le 18 janvier 1424, il fit défaut les deux fois. Ensuite il obtint du roi des lettres de relèvement de ces défauts, et comme le lieutenant du bailli refusa de les entériner, Jean releva appel au Parlement de cette décision ; mais la cour, par arrêt du 4 avril 1425 n.s., le déclara mal fondé et adjugea le bénéfice des deux défauts à Guillaume de la Haye. (Arch. nat., X1a 9190, fol. 338.) Près de dix ans plus tard, on retrouve Jean de Marconnay en présence de Catherine de la Haye, héritière de ses deux frères, Geoffroy et Guillaume décédés, et dame de Clairvaux. La cause n’était pas encore entendue. Enfin, le 23 février 1434 n.s., l’arrêt définitif fut rendu. Il confirmait purement et simplement la sentence du juge de Chinon, qui avait donné entièrement raison à la dame de Clairvaux et condamné son adversaire à l’amende et aux dépens du procès. (X1a 9193, fol. 4.) Le 12 mai 1429, Jean de Marconnay, dit Estelle, écuyer, était ajourné en personne au criminel, ainsi que Catherine de la Motte, damoiselle, Jean Vigeron, écuyer, et Jean Héraut de Coussay, à la requête de Jean Gouffier, chevalier. Par ordonnance de la cour, les premiers furent élargis et admis à se faire représenter par procureur, et il fut défendu à Gouffier de ne procéder ou faire procéder en aucune manière au mariage de Jean de Rouffignac, sous peine de cent marcs d’or. (X2a 21, à la date.) L’an 1435, Jean de Marconnay, qualifié alors chevalier, ayant entrepris de marier Guillemette Berland, contre le gré de son curateur, André Fourré, fut de nouveau ajourné à plusieurs reprises devant le Parlement. Il est question de cette affaire, dont on ne connaît pas la conclusion, aux registres des 7 février, 10 et 22 mars 1435 n.s. (Id., X2a 21, à ces dates.) Il s’agissait sans doute de Guillemine ou Guillemette, seconde fille de Turpin Berland, écuyer, dame en partie des Halles de Poitiers, qui épousa par la suite François Guérinet, écuyer, sr du Verger, général des aides en Poitou.

La généalogie imprimée donne pour femme à Jean de Marconnay Berthelonne de Ry. Si le renseignement est exact, il l’aurait épousée en secondes noces. La Barbelinière, qu’il obtint la permission de faire fortifier par ces lettres de juin 1443, était un château et ancien fief relevant de la baronnie de Thuré dans le duché de Châtellerault. Pierre de Marconnay, second fils de Jean, eut ce fief en partage et fut chef d’une branche dite de la Barbelinière.

2 Du 4 juin au 19 septembre 1441. (Cf. ci-dessus, p. 153, note 1.)

3 Sur ce personnage, cf. ci-dessus la note 5, p. 156.