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MLXXV

Rémission en faveur de Thomas Lambert, de Saint-Vincent-la-Châtre, qui, aux noces de la fille de Jean Aymer, de Moissac, s’étant pris de querelle avec une bande d’anciens compagnons de guerre qui voulaient prendre part au festin, quoique non invités, avait en se défendant frappé l’un d’eux, nommé Robin la Trompette, d’un bâton ferré dont il était mort plusieurs jours après.

  • B AN JJ. 176, n° 372, fol. 265 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 205-208
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons [p. 206] à tous, presens et advenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Thomas Lambert, dit Brigueron, jeune simples homs de labour, de la parroisse de Saint Vincent de la Chartre en la chastellenie de Lezay, ou pays de Poictou, chargé de jeune femme, contenant que comme, ung jour de jeudi après la saint Mandé derrenierement passée1 ou environ, eussent et aient esté faictes ou lieu de Moissac en la dicte chastellenie de Lezay, en l’ostel de Jehan Aymer2, les nopces des espousailles de Jehan Aubery, laboureur, et de Guillemette Aymere, fille dudit Jehan Aymer, ausquelles nopces le dit suppliant, qui y avoit esté invité, fust venu pour honnorer et faire valoir la feste de son povoir. Et environ minuyt, après ce que les espoux et espousée se furent retraiz, eust le dit suppliant veu que ung appellé Robin la Trompette, demourant lors à Saint Maixant, qui longuement avoit frequenté la guerre, et autres compaignons estans lors ou dit hostel ouquel se faisoient les dictes nopces, avoient sans congié prins ou dit hostel, pour manger et banquetter, de la poullaille, et non contens de ce, pour ce qu’ilz s’efforçoient par leur oultraige de rechief en prendre et ravir de l’autre oudit hostel, sans le sceu et voulenté de ceulx à qui il appartenoit, le dit suppliant et autres eussent dit gracieusement audit Robin la Trompette et autres de sa compaignie que s’estoit très mal fait de prendre ladicte poullaille et qu’il souffisoit de ce qui en avoit esté fait. A quoy le dit Robin la Trompette, qui avoit et portoit son espée soubz son bras, eust dit et respondu bien arrogamment qu’ilz en auroient encores, et se esmeut entre eulx noise de paroles seulement, laquelle ung peu [p. 207] appaisiée, s’en voulu aler le dit suppliant, et de fait eust prins congié, mais le dit Robin la Trompette et ses diz compaignons, qui ne queroient que noise et riote, commancerent à courir et à frapper sur ceulx qui les avoient blasmez, comme le dit suppliant, et les aucuns à suivir et aler après icellui suppliant, lequel ce voyant et qu’il ne povoit seul contrarier à eulx ne les evader, doubtant leur fureur, mesmement dudit la Trompette qui avoit longuement suivy et frequenté la guerre, s’en fust retourné avecques les autres, ausquelx ledit la Trompette et ses compaignons couroient sus, et se fussent entrebatuz, et en y ot d’un costé et d’autre de bleciez, et en eulx combatant eust ledit suppliant prins et recouvert de la main d’un certain sergent ung baston ferré, duquel icellui suppliant en soy defendant des diz Robin la Trompette et ses compaignons, frappa et bleça icellui la Trompette par la hanche, dont il a esté fort malade. Et depuis a esté par plusieurs journées par la dicte ville de Saint Maixent, et disoit lors qu’il estoit guery de la dicte bleceure, mais depuis par son mauvais gouvernement il est rencheu malade au lit, ouquel il a esté l’espasse de trois sepmaines ou environ, et après est alé de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, le dit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit jamais bonnement ne seurement demourer ne converser, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu ce que dit est et que le dit suppliant a tousjours esté de bonne vie, etc., et que depuis le dit cas advenu le dit la Trompette a vesqu six sepmaines ou environ, nous lui vueillons sur ce impartir nos dictes grace et misericorde. Pour ce est il que nous, consideré ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, avons ou cas dessus dit, quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de juing [p. 208] l’an de grace mil cccc. xlv, et de nostre regne le xxiiie.

Ainsi signé : Par le conseil. Bonney. — Visa. Contentor. N. Aymar.


1 Le 18 novembre, jour de la fête de saint Mandé, tomba un mercredi en 1444.

2 On remarquera que ce Jean Aymer habitait la région où plusieurs membres de la famille noble de ce nom avaient leurs possessions. A cette époque vivaient Jean Aymer, valet, sr de Sainte-Rue et de Lallier (paroisse de Saint-Médard), et son cousin, aussi nommé Jean Aymer, sr de la Chaume. (Voy. Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. I, p. 214, 218.)