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MCXXXIII

Rémission octroyée à Louis Raoul, paroissien de Saint-Philibert de Luçon, coupable de meurtre sur la personne de son beau-frère, Guillaume Boyneau.

  • B AN JJ. 178, n° 147, fol. 88 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 422-424
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de Loys Raoul, povre homme, laboureur de braz, chargié de femme et d’enfans, parroissien de Saint Philebert de Luçon ou païs de Poitou, contenant que jà pieça ledit suppliant et feu Guillaume Boyneau espouserent les deux seurs germaines et demourerent ensemble communs en biens par long temps, en l’ostel du feu sire de la Floceliere, audit lieu de Luçon1, faisant leurs labouraiges [p. 423] en paix, sans avoir debat ne contemps l’un à l’autre, jusques à six ans a ou environ que, ung jour de dimanche devers le soir, ainsi que les diz suppliant et Bouyneau donnoient à mengier à leurs beufz trayans et les gouvernoient comme ilz avoient acoustumé de faire, iceulx suppliant et Bouyneau, qui ledit jour avoient esté par longue espace de temps en la taverne, et beu excessivement et oultre raison, eurent paroles de controverse ensemble en gouvernant leurs diz beufz, pour occasion de ce que le dit feu Bouyneau ne vouloit aler querir du foin pour leurs diz beufz, ainsi que faisoit ledit suppliant ; lequel fut de ce desplaisant, pour ce que ledit feu Bouyneau estoit marié à la plus jeune des dictes seurs, et estoit ledit suppliant plus aagé dudit Bouyneau, et avoit le gouvernement de l’ostel par dessus lui. Lequel feu Bouyneau, desplaisant de ce que ledit suppliant lui remonstroit ce qu’il devoit et estoit tenu faire, print ledit suppliant au corps et le gecta soubz lui à terre. Et pour le cry qui fut entre eulx, survindrent deux des femmes dudit hostel, c’est assavoir Michelle Brillouete2, vefve de feu Berthomé Charruya, pere des femmes desdiz suppliant et Bouyneau, et la femme dudit suppliant, lesquelles les departirent. Et ce fait, le dit feu Bouyneau, qui fut meu de mauvais couraige, incontinant qui fut levé, print une fourche de fer à deux broz et en frappa ledit suppliant sur la teste très enormeement et tellement qu’il le deut veoir à terre dudit cop. Lequel suppliant, soy voyant ainsi frappé et que ledit feu Bouyneau s’efforçoit encores de le vouloir frapper, et lui couroit hastivement sus, tira ung couteau de quoy il avoit acoustumé trancher son pain et [p. 424] en frappa le dit feu Bouyneau parmy le ventre, à l’occasion duquel cop ledit feu Bouyneau ala tantost après, par faulte de gouvernement ou autrement, de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, le dit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, humblement requerant que, attendu que en tous autres cas le dit suppliant a esté et est homme de bonne fame, renommée, etc., que le dit Bouinneau fut aggresseur de la voye de fait et que le dit suppliant, quant ledit Bouinneau l’eust ainsi feru, s’efforça de le ferir, fut fort esmeu et troublé, aussi que premiers mouvemens ne sont pas en la puissance de l’omme, et que ledit cas est avenu de chaude cole, il nous plaise sur ce lui impartir icelle. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons, ou cas dessus dit, quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge, gouverneur de la Rochelle, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de mars l’an de grace mil cccc. quarante et six, et de nostre regne le xxve.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Tribolé. — Visa. Contentor. P. Le Picart.


1 Jacques II de Surgères, seigneur de la Flocellière, chambellan de Charles VII, mort entre le 2 décembre 1435, date de son testament, et le 21 mai 1437. (Cf. notre vol. précédent, p. 193, note.) Sa maison de Luçon s’appelait l’hôtel de la Coudraye et avait été saccagée et incendiée par Tristan Chabot, capitaine de Luçon pour Georges de La Trémoïlle, avec la complicité de ses trois frères. Le sr de la Flocellière les poursuivit à ce sujet au Parlement de 1423 à 1431. (Arch. nat., X2a 18, fol. 5, 216, 261 v° ; X2a 19, fol. 28 v° ; X2a 20, fol. 15 v° ; X2a 21, fol. 2 v°, 72 v°.)

2 Les auteurs du Dictionnaire des familles du Poitou (2e édit., t. I, p. 782) mentionnent une dizaine de membres de cette famille du Bas-Poitou, qui tira probablement son nom du bourg de Saint-Étienne de Brillouet dans la Vendée.