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MCXVI

Rémission octroyée à Jean de La Brunetière, écuyer. Obéissant à François de Montcatin, capitaine de la Roche-sur-Yon, il avait résisté de vive force à Guy d’Aussigny, qui venait prendre possession de cette ville au nom du roi.

  • B AN JJ. 177, n° 208, fol. 138 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 352-355
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre chier et bien amé Jehan de la Brunetiere1, escuier, contenant que, ung an et demy a ou [p. 353] environ, quoy que soit, durant le temps que estions ès marches de Lorraine, nostre amé et feal chevalier, Guy d’Auxigny, seigneur de Treves, vint avec puissance de gens et à port d’armes devant la place et forteresse de la Roche sur Yon, où le dit de la Brunetiere estoit lors demourant, pour icelle place et forteresse assaillir, comme l’en disoit. A l’encontre duquel d’Auxigny François de Montcatin, capitaine de la dicte forteresse, fist une saillie, en la compaignie duquel de Montcatin estoit ledit de la Brunetiere, et à icelle saillie fut tué ung homme de la compaignie dudit d’Auxigny ; lequel de la Brunetiere ne le tua ne frappa, ne [p. 354] par lui morut, mais seulement fut en la compagnie dudit de Montcatin. A la quelle cause il doubte que, pour le temps avenir, on ne lui en donne, en corps ou en biens, aucun destourbier ou empeschement, et pour ce nous a fait requerir que, comme le temps passé il nous ait servy à l’encontre de noz ennemys, ou fait de noz guerres, à l’occasion desquelles il ait esté par plusieurs foiz prisonnier et mis par eulx à grosses et excessives raençons, aussi qu’il ne fut pas cause de la dicte saillie ne dudit meurdre, mais seulement estoit en la compaignie dudit de Montcatin2, comme dit est, et que en tous autres cas il a esté homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans jamais avoir esté actaint d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise sur ce lui impartir nostre grace. Pour quoy nous, ces choses considerées et les bons services que nous a faiz en nos dictes guerres le dit de la Brunetiere, les grans peines et miseres qu’il a eues et soustenues ès dictes prisons, et les grans et excessives raençons que nos diz ennemis ont à ceste cause de lui exigées, ainsi qu’il nous a fait remonstrer, voulans pour ces causes et en [p. 355] faveur aussi de nostre très chier et très amé nepveu le duc de Bretaigne3, qui de ce nous a requis, misericorde preferer à rigueur de justice, à icellui de la Brunetiere, suppliant, avons ou dit cas quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschal de Poictou et bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Razillé près Chinon, ou mois de may l’an de grace mil cccc. xlvi, et de nostre regne le xxiiiime.

Ainsi signé : Par le roy, monseigneur le daulphin, monseigneur le duc de Bretaigne, vous, les sires de la Varenne, de Pressigny, de Blanville et plusieurs autres presens. Giraudeau. — Visa. Contentor. P. Le Picart.


1 Il s’agit de Jean de La Brunetière, écuyer, seigneur du Ponceau, fils aîné d’Olivier et de Marguerite de Mauges, qui appartenaient à une famille noble, originaire des confins de l’Anjou et du Poitou. (Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. II, p. 58.) On a vu la part de complicité de ce personnage dans l’incarcération et les mauvais traitements infligés par le capitaine de la Roche-sur-Yon à Geoffroy Le Ferron, trésorier de France, pour lui extorquer une grosse rançon (ci-dessus, p. 247, note). Il avait été ajourné d’abord à la cour d’Angers, le 9 décembre 1445, se présenta, fut incarcéré dans les prisons du chapitre, puis mis en liberté moyennant une caution de 500 livres tournois, que Jean de La Roche, écuyer, sr de la Menatière, et Robin Gauterin, écuyer, sr de la Porte, fournirent pour lui. (X2a 26, fol. 272 v°.) Le sr du Ponceau fut ensuite poursuivi au Parlement avec les autres complices et fit défaut. Son fils, Jean de La Brunetière, le jeune, fut aussi gravement compromis dans cette affaire ; après une longue procédure, ce dernier fut condamné par contumace au bannissement, à la confiscation et à une forte amende au profit de la victime. (Cf. la note 2 de la p. suivante.) Le sr du Ponceau, le père, mourut en 1448, bien avant la fin du procès. Dans la requête adressée par Le Ferron à la cour, le 29 mai 1449, afin que les poursuites fussent continuées contre la veuve et les héritiers du défunt (le Dict. des familles du Poitou le dit par erreur décédé sans alliance), on lit que Jean de La Brunetière, sr du Ponceau, ab anno citrà dies suos clausit extremos. (Arch. nat., X2a 26, fol. 17 v° et 33.) Un frère de celui ci, Guillaume de La Brunetière, était, en 1420 et 1421, écuyer de François comte de Montfort, depuis duc de Bretagne, et l’an 1424, il fut chargé par ce prince de la garde du château de Succinio près Vannes. (Dom Morice, Hist. de Bretagne, Preuves, t. II, col. 1065, 1085.) C’est ce qui explique l’intervention du duc pour faire obtenir au sr du Ponceau ces lettres de rémission. Plusieurs années après, le 12 mai 1469, on retrouve un Jean de La Brunetière prisonnier à la conciergerie du Palais à Paris, appelant d’une sentence du sénéchal de Poitou, qui l’avait condamné à 50 livres parisis d’amende envers le roi, à 50 livres parisis envers partie et à tenir prison, parce qu’il était convaincu d’avoir usé de contrainte contre un nommé Jean Champtefain, après l’avoir fait venir de force à « Orson », pour obtenir de lui un acte de renonciation à une rente de 240 écus et de seize charges de seigle. (X2a 35, à la date.)

2 Aussitôt après qu’il eut recouvré sa liberté, Geoffroy Le Ferron déposa une plainte entre les mains du roi contre François de Montcatin et ses complices. La première mention du procès intenté à ceux-ci par Geoffroy et le procureur du roi en Parlement est un défaut adjugé à ceux-ci, le 14 décembre 1445, contre les coupables qui n’avaient pu être pris au corps et s’étaient gardés de comparaître à l’ajournement. (Arch. nat., X2a 24, à la date.) L’affaire fut évoquée au grand conseil, qui par arrêt condamna à mort le capitaine de la Roche-sur-Yon et son principal complice, Jacques Chabot, chargés d’ailleurs d’autres crimes. Ils furent exécutés vers la fin de mars 1446. (Cf. ci-dessus, p. 249, note.) Puis Jean de La Brunetière mourut en 1448, avant d’avoir obtenu l’entérinement de ses lettres de rémission. Les autres complices de François de Montcatin, renvoyés devant la cour de Parlement, étaient : Jean de La Brunetière, fils, Guillaume Chabot (celui-ci paraît avoir été mis hors de cause), Germain Chabot, qui, grâce à des lettres de rémission, fut l’objet d’une poursuite spéciale (opposition à l’enregistrement de ces lettres, ci-dessus, p. 321, note), Eustache Blanchet, prêtre, Jean Moreau, avocat fiscal du duc d’Anjou en la châtellenie de la Roche-sur-Yon, François Biette, Guillaume Levron, Alain de Coëtquen, Gervais Courtelance, Jean de Beauce, dit Gredin, Guillaume Bouchart, changeur à Angers, Olivier Hémonnet, Étienne Morin, Pierre Barateau, Baltazar Planque. Ajournés à plusieurs reprises devant la cour, ils firent constamment défaut (le 1er défaut adjugé au profit de Geoffroy Le Ferron est du 11 janvier 1448 n.s., et le dernier du 2 mars 1451 n.s.). Le Parlement ne rendit son arrêt définitif que le 18 mai 1453, portant condamnation de tous les contumaces solidairement à restituer à Geoffroy Le Ferron les biens qui lui avaient été pris, soit 1100 écus d’or, 24 marcs d’argent vermeil représentant le poids de douze tasses, plus 212 écus pour les autres objets précieux qu’il avait dû livrer pour sa rançon, à faire amende honorable au roi et au trésorier de France en la cour de Parlement et à la Roche-sur-Yon, en place publique et à jour de marché, en chemise, nu-tête et pieds nus, tenant chacun une torche de cire ardant, du poids d’une livre, en déclarant que faussement, mauvaisement et damnablement ils avaient commis et perpétré les excès, crimes et malefices énoncés. Jean de La Brunetière, le jeune, et Eustache Blanchet devaient payer chacun 300 livres d’amende à Le Ferron et autant au roi ; Guillaume Levron, Gervais Courtelance, Alain de Coëtquen, Olivier Hémonnet, Étienne Morin et Jean de Beauce, dit Gredin, chacun 200 livres à Geoffroy, et 200 au roi, et ils étaient tenus de rester en prison jusqu’au parfait payement desdites sommes. Les autres ne sont pas nommés. La cour condamnait en outre tous ces complices de François de Montcatin au bannissement perpétuel et à la confiscation de leurs biens, sur lesquels devaient être prélevées premièrement les amendes prononcées contre eux. (Arch. nat., X2a 26, fol. 272 r° à 280 v°.)

3 François Ier comte de Montfort, né le 11 mai 1414, fils aîné de Jean V et de Jeanne de France, fille de Charles VI, avait succédé à son père comme duc de Bretagne, le 28 août 1442. Marié d’abord à Yolande, fille de Louis II, duc d’Anjou, roi de Sicile, et d’Yolande d’Aragon (morte en 1440), il épousa en secondes noces, le 30 octobre 1441, Isabelle Stuart, fille de Jacques Ier, roi d’Écosse, et mourut le 18 juillet 1450, ne laissant que deux filles, Marguerite, mariée le 16 novembre 1455 à François comte d’Étampes, puis duc de Bretagne, et Marie, femme de Jean II de Rohan.