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MLXVI

Rémission en faveur de Jean de Noyers, écuyer, coupable d’un meurtre.

  • B AN JJ. 177, n° 3, fol. 1 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 185-187
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan de Noyers, escuier, aagé de xxxv. ans ou environ, chargié de femme et de sept petiz enfans, contenant que, environ la feste de saincte Katherine derreniere passée, le dit suppliant leva et acueilly ung nommé Laurens Jagueneau et Simonne Girardelle, sa femme, pour demourer en son hostel et le servir jusques à la feste saint Jehan Baptiste lors ensuivant et derreniere passée ; lesquelx Laurens et sa femme promisdrent servir le dit suppliant et sa femme bien et convenablement jusques audit terme, en les paiant de leurs salaires sur ce promis et accordé entre eulx, mais ce non obstant, le dit Laurens, qui est homme de legier couraige et de sa voulenté n’a peu parachever son dit service et s’en est alé sans le congié du dit suppliant, et sans avoir fait que la moitié de son dit service ou environ, et delaissa sa femme en l’ostel d’icellui suppliant, laquelle y a parachevé et demouré tout le temps de son dit service et certain temps oultre. Et il soit ainsi que, le xxime jour de juillet derrenier passé, la dicte Simonne, femme dudit Laurens, [p. 186] estant en ung champ appartenant audit suppliant, où elle seyoit des blez avec plusieurs autres, survindrent illec Guillemete Girardelle, mere, et le dit Laurens, mary d’icelle Simonne, lesquelx avoient chascun ung gros baston en leur main ; et incontinant qu’ilz furent près de la dicte Simonne, commancerent à frapper sur elle des diz bastons tant qu’ilz peurent. Et durant ce debat, le dit suppliant, qui venoit d’une sienne maison ou hostel appellé le Pas, arriva sur eulx et ne savoit riens de ce que dit est. Et si tost que la dicte Simonne vit icellui suppliant, couru vers lui en cryant et disant telles paroles ou semblables : « Monseigneur, ne me laissez pas batre ». Et adonc le dit suppliant leur demanda pourquoy ilz la batoyent ; lesquelx ne lui vouldrent dire la cause, ains frappoient tousjours sur elle, en disant plusieurs injures audit suppliant. Lequel indigné et courroucié tant de la dicte bateure que des dictes injures, se tray vers une haye ou closture de blez, parce qu’il n’avoit point de baston, et tira de la dicte haye ou closture ung baston, et incontinant qu’il ot ledit baston, s’aprocha des diz Guillemete, mere, et Laurens, mary de la dicte Simonne, qui incessanment frappoient sur icelle Simonne, en disant injures audit suppliant. Et quand le dit Laurens vit le dit suppliant approchier de lui, s’en fouy et la dicte Guillemete demoura, qui tousjours disoit et continuoit les dictes injures audit suppliant. Et lors icellui suppliant qui estoit fort eschauffé et esmeu, frappa la dicte Guillemete deux cops dudit baston, telement qu’elle chey à terre, et ce jour mesme ou le landemain, par son mauvaiz gouvernement ou autrement, et mesmement qu’elle estoit aagée de cinquante à soixante ans ou environ, ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas ainsi avenu que dit est, le dit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit jamais retourner, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, et pour ce nous a humblement fait supplier et requerir [p. 187] que, attendu que en tous autres cas le dit suppliant s’est toujours bien et doulcement gouverné, sans avoir fait ou commis ne esté actaint d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, et n’a esté fait ledit cas de guet apensé, mais de chaude cole, nous lui vueillons sur ce impartir nos dictes grace et misericorde. Pour ce est il que nous, etc., audit suppliant, en faveur de ses diz femme et enfans, avons ou cas dessusdit quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bar sur Aube, ou mois d’aoust l’an de grace mil cccc. quarante quatre, et de nostre regne le vint deuxiesme.

Ainsi signé : Par le conseil. Beauvarlet. — Contentor. P. Le Picart. Visa.