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MCXXIX

Lettres d’amortissement, en faveur de l’abbaye de Saint-Laon de Thouars, d’une rente annuelle de 200 livres donnée par feu Marguerite d’Ecosse, femme du dauphin Louis, pour la fondation d’une chapelle dans ledit monastère.

  • B AN JJ. 178, n° 111, fol. 72
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 404-408
D'après a.

Karolus, etc. Ad perpetuam rei memoriam. Preclari meriti opus haud dubium agere credimus, si his que divini cultus augmentum concernunt et Christi fidelium pia vota exequntur, regie liberalitatis gratiam impartimur. Sane pro parte dilectorum nostrorum Nicolai, abbatis moderni, atque conventus monasterii Sancti Launi de Thoarcio1, ordinis Sancti Augustini, Pictavensis dyocesis, nobis extitit nuper expositum quod deffuncta carissima filia nostra, carissima Margareta, quondam serenissimi principis fratris, consanguinei et confederati nostri Jacobi, Scotorum regis, primogenita, uxorque, dum ageret in humanis, precarissimi primogeniti nostri Ludovici, delphini [p. 405] Viennensis2, pio laudabilique ducta proposito ac de salute sua cogitans, ad omnipotentis Dei gloriam et laudem, ac in honorem gloriose virginis Marie, cappellaniam seu cappellam quamdam in monasterio predicto extrui et edificari atque vocabulo Dominici Sepulcri ordinavit appellari, instituitque preterea ut qualibet die dominica missa de ipsa Virgine beatissima alta voce decentique ritu per religiosos antedictos, vita sua durante, et post ejus obitum, cessante illa missa, alia pro deffunctis per generalem ecclesie institucionem dici consueta, cum ministerio dyaconi atque subdyaconi, qualibet die lune, pro remedio ac salute anime sue suorumque predecessorum perpetuo haberet celebrari. Ordinavit insuper quod eisdem anno et die quibus genitor suus ab hac luce subtractus est, anniversarium solenne cum tedis et cereis atque campanarum assueto sonitu perpetuis ibidem fieret temporibus. Pro cujus quidem cappelle structura perfectiorique debito et missarum atque anniversarie commemoracionis prefatis fundacione dotacioneque perneccessariis, quarum admortizationem [p. 406] oportunam eadem filia procurare promiserat, iidem abbas et conventus à prenominata filia certum pignus valoris seu extimacionis sexcentorum aureorum3 usualium tunc temporis receperunt. Quorum pars una in explemento ipsius edifficii, reliqua vero in fundacione dotacioneque predictis deberet converti. Postmodum vero ipsa filia morte immatura prerepta, ejus pia intencio, prout superius declaratum est, nequivit adimpleri, quamquam iidem exponentes divini cultus obsequium modo pretacto actenus continuaverint, supplicantes humiliter per nos super his provisione oportuna graciosaque sibi provideri. Hinc est quod nos, premissis consideratis, desiderantes divinum cultum semper adaugeri, ac ipsius filie salubrem intencionem effectum plenarium sortiri, contemplacione eciam inite pridem affinitatis ac regie prosapie, utque preterea nos ac successores nostri hujus modi spiritualium bonorum participes imposterum efficiamur, habita quoque consilii nostri deliberacione matura, eisdem abbati et conventui [p. 407] ut ducentas libras Turonensium annui et perpetui redditus per eosdem acquisitas aut acquirendas, simul vel successive, ad fundacionem et dotacionem sepedictas et missarum anniversariique solennium atque ceterorum predeclaratorum debitum complementum, possint et valeant habere ac retinere, et perpetuo, tanquam rem suam propriam ecclesiasticam, possidere, absque eo quod eas extra manus suas ponere teneantur, nec quod ad hoc de cetero cogi possint quoquomodo, ex nostra certa scientia, auctoritate regia, potestatis plenitudine et gratia speciali concessimus atque concedimus per presentes, solvendo tamen semel per eosdem abbatem et conventum, nobis aut successoribus nostris, moderatam propter hoc financiam. Quocirca tenore presentium damus in mandatis dilectis et fidelibus gentibus camere compotorum nostrorum atque thesaurariis, senescallo Pictavie, ceterisque justiciariis et officiariis nostris, aut eorum loca tenentibus, presentibus et futuris, et eorum cuilibet, prout ad eum pertinuerit, quatinus prenominatos abbatem et conventum, ac eorum successores, nostris presentibus gratia atque concessione uti et gaudere plene, libere atque pacifice faciant et permittant, nullum impedimentum, vexacionem aut disturbium super his sibi prestando, faciendo, aut a quoquam prestari vel fieri deinceps permittendo. Quoniam sic fieri volumus, statutis ac editis in contrarium non obstantibus quibuscumque. Quod ut firmum et stabile perpetuo perseveret, nostrum litteris presentibus fecimus apponi sigillum. Nostros in aliis et alieno in omnibus jure semper salvo. Datum in Montiliis prope Turonis, mense januarii anno Domini millesimo ccccmo xlvito, regni vero nostri xxvto.

Sic signatas : Per regem, vobis, comite Ebroicensi4, [p. 408] domino de Precigniaco5, magistro Johanne Burelli6 et aliis presentibus. Giraudeau. — Visa. Contentor. P. Le Picart.


1 L’abbé de Saint-Laon de Thouars, Nicolas Lecocq (quelquefois nommé Leroy), avait succédé depuis peu de temps à Nicolas Gadart (et non Gadieu ou Godier, comme l’appelle la Gallia christ., t. II, col. 1345), ce dernier mentionné dans des actes de 1430, 1436 et 1444, dans ces deux derniers absque cognomine. Nicolas II gouvernait l’abbaye en 1446 et est assez fréquemment cité dans les textes entre cette date et le 14 janvier 1481. L’abbaye de Saint-Laon était en procès, le 3 juillet 1380, contre l’abbé de la Trinité de Mauléon, au sujet du prieuré de Beaulieu. (Permission de conclure un accord. X1a 29, fol. 76.) A la date du 27 mai 1419, les registres du Parlement de Poitiers contiennent un long arrêt rendu entre les Frères prêcheurs de Thouars et Saint-Laon. (X1a 9190, fol. 59.) L’abbé Nicolas Lecocq poursuivit au criminel un nommé Nicolas Morin, praticien en cour laie. (Actes des 10 décembre 1467, 22 avril et 11 août 1468, X2a 35.) Rappelons aussi que le 17 juillet 1447, Louis d’Amboise, vicomte de Thouars, fit élection de sépulture dans l’église de cette abbaye et y fonda un service et des messes. (Coll. dom Fonteneau, d’après le chartrier de Thouars, t. XXVI, p. 399.)

2 Marguerite, fille aînée de Jacques I Stuart, roi d’Écosse, avait été fiancée par traité conclu à Chinon, le 30 octobre 1428, et mariée à Tours, le 24 juin 1436, avec dispense de l’archevêque de Tours, parce que le dauphin Louis n’était pas encore entré dans sa quatorzième année et que la jeune épouse avait à peine douze ans accomplis. La dauphine, après huit ans d’une union qui ne lui apporta qu’une profonde tristesse, mourut à Châlons-sur-Marne, le 16 août 1445, sans postérité. M. de Beaucourt entre dans quelques détails au sujet d’une enquête ordonnée sur les causes de ce décès, qui parut mystérieux. (Hist. de Charles VII, t. IV, p. 106-111, 181.) Le corps de Marguerite d’Écosse fut déposé dans la cathédrale de Saint-Étienne de Châlons, où il demeura jusqu’au 31 octobre 1479. Il fut alors transporté à l’abbaye de Saint-Laon de Thouars, et y fut inhumé le dimanche 14 novembre suivant, dans un tombeau, à droite de la chapelle de la Vierge. Ce fait était rappelé dans l’épitaphe de l’abbé Nicolas Lecocq : « Hic jacet Nicolaus, miseratione divina abbas hujus regalis monasterii, qui dum vixit, anno scilicet 1479, Margaritam, Jacobi regis Scotorum filiam, Ludovici XI, dum esset delphinus Viennensis, uxorem, sepelivit in capella Sepulcri Domini nostri J.-C. à se ædificata, ultimus regularium abbas. » (Gall. christ., loc. cit.)

3 Ce gage consistait en un Livre d’heures de Notre-Dame richement enluminé, que Marguerite avait mis en dépôt entre les mains de l’abbé, et qui fut rendu au roi Charles VII, l’an 1459. Nicolas Gadart, le prédécesseur immédiat de l’abbé Nicolas Lecocq, avait fait commencer les travaux de la chapelle, avant d’avoir reçu la somme promise, mais ils restèrent longtemps en suspens. Par lettres données en chapitre le 25 septembre 1459, l’abbé et les religieux de Saint-Laon prirent l’engagement de continuer et d’achever cet édifice, qui, suivant l’intention de la fondatrice, devait être sous le vocable du Saint-Sépulcre et reproduire le tombeau de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et de célébrer le service anniversaire de la dauphine et les messes tous les lundis de l’année. Dans cet acte sont rappelées les présentes lettres d’amortissement. (Original scellé de deux sceaux, celui de l’abbé et celui du monastère, Arch. nat., J. 467, n° 104.) A cet engagement est annexée une quittance de l’abbé Nicolas II, en date du 18 novembre 1459. Il reconnaît avoir reçu, ce jour, de Mathieu Beauvarlet, notaire et secrétaire du roi, commis à la recette générale des finances, la somme de 825 livres tournois, pour 600 écus d’or que feu Mme la dauphine nous donna en son vivant pour fonder en notre église, pour le salut de son âme, une messe chaque lundi de l’année, un Ne recorderis à l’issue de ladite messe, et un anniversaire perpétuel pour le roi d’Écosse son père, « pour seurté de laquelle somme elle nous bailla en depost certaines heures bien riches qu’elle avoit, lesquelles nous avons rendues au roy. » (Original scellé, id., n° 104 bis.)

4 Jean Stuart, comte d’Aubigny, connétable d’Écosse, à qui Charles VII avait fait don du comté d’Evreux, par lettres de janvier 1427, était mort au service du roi, le 12 février 1429. Le comté avait alors fait retour au domaine. Quand la ville d’Evreux fut reprise sur les Anglais, le 15 septembre 1441, Pierre de Brézé reçut de Charles VII le titre de comte d’Evreux, suivant M. de Beaucourt (Hist. de Charles VII, t. III, p. 292.) C’est donc lui qui est désigné ainsi en cet endroit.

5 Bertrand de Beauvau, sr de Pressigny (ci-dessus, p. 273, note 3).

6 Jean Bureau (ci-dessus, p. 172, note 3).