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MLXX

Rémission accordée à Jean Couillart, de Jarzay, qui, en prenant fait et cause pour sa femme, avait frappé à mort le père de celle-ci, Huguet Lahou.

  • B AN JJ. 176, n° 356, fol. 259
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 192-194
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receu la supplicacion de Jehan Couillart, povre homme, laboureur du lieu de Jarzey ou bailliage de Touraine1, chargié de femme et de plusieurs petiz enfans, contenant que à certain jour, environ la feste de Toussains derreniere passée, feu Huguet Lahou, pere de la femme dudit suppliant, lequel estoit yvre et fort eschauffé, ala en l’ostel d’icellui suppliant, où estoit sa dicte femme, à laquelle il demanda bien impetueusement aucunes paelles et utenciles d’ostel, qu’il disoit qu’elle avoit, et elle lui respondi bien doulcement et humblement, comme à son pere, qu’elle n’en avoit nulles et ne savoit que c’estoit. Et le dit feu Huguet en jurant et faisant [p. 193] grant serement, lui dist qu’elle les lui bailleroit ou il la batteroit tant qu’il la fouleroit de coups, et durant leurs paroles et debat, survint ledit suppliant, qui demanda audit feu Huguet que c’estoit qu’il demandoit à sa dicte femme, et il lui respondi qu’il lui demandoit des utenciles, et qu’elle les lui bailleroit, ou la bateroit tant qu’il la feroit morir, ou paroles en substance, dont le dit suppliant fut mal content, et dist au dict deffunct qu’il ne la bateroit point et qu’elle n’estoit plus en son chastiement ; et icellui deffunt dist que si feroit et le dit suppliant avec, se il en parloit. Et de fait tira tantost ung grant coustel qu’il avoit pendu à sa sainture, et le dit suppliant et sa dicte femme, voulans et cuidans evader la fureur et male voulenté dudit feu Huguet, se encommancerent à fuir, et icellui feu Huguet après eulx, tenant son dit coustel nu, et en fuiant le dit suppliant trouva ung croq à nestoier les bestes ; et quant il vit qu’il ne povoit plus fuir, doubtant que le dit deffunct le tuast et sa dicte femme, ou l’un d’eulx, retourna contre icellui deffunct qui estoit homme noiseux, yvrongne et rioteux, et dudit croq le frappa seulement ung cop sur la teste à effusion de sang, dont le dit deffunct chey à terre, et après en fu relevé et sa playe appareillée par ung barbier. Et le jour mesme par son yvresse il se desappareilla et osta ce que on y avoit mis sur icelle playe ; et pour cuider courir sus audit suppliant et à sa dicte femme, yssy hors de son hostel et commança à seignier plus fort que paravant, et tellement que à l’occasion du dit coup et par son petit gouvernement il trespassa le lendemain. Et ledit povre suppliant se absenta, pour doubte de rigueur de justice, et furent tant pou de biens qu’il a arrestez et mis en main de justice, et est en voye que lui et sa dicte femme et leurs petiz enfans soient desers et mandians à tousjours, se nostre grace et misericorde ne lui est impartie, requerant humblement, etc. Pour quoy nous, attendues ces choses, voulans misericorde preferer à rigueur de justice et ayans pitié et [p. 194] compassion des diz femme et petiz enffans, audit Jehan Couillart suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, au bailli de Touraine et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de decembre l’an de grace mil cccc. xliiii, et de nostre regne le xxiiie.

Ainsi signé : Par le conseil. Valengelier. — Visa. Contentor. M. de la Teillaye.


1 C’est Jarzay en Mirebalais. Le village dépendait anciennement de la paroisse de Craon ; le fief et la haute justice relevaient de la baronnie de Mirebeau.