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MCXXVI

Rémission accordée à Thomin Guichart, homme de guerre, originaire de Normandie, demeurant à Mauléon en Poitou, qui avait frappé mortellement un passant, habitant de Saint-Mesmin, parce que, lui ayant demandé son chemin, il s’était moqué de lui.

  • B AN JJ. 178, n° 51, fol. 32 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 396-399
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, [p. 397] nous avoir receue l’umble supplicacion de Thomin Guichart, jeune homme de guerre, natif du païs de Normandie, logié à Mauleon en la seneschaucée de Poictou, contenant que, la veille de la feste saint Michiel derrenierement passée, ledit suppliant se partit dudit lieu de Mauleon, pour cuider aler au lieu des Arbiers1, à trois lieues ou environ dudit lieu de Mauleon, querir la selle d’un sien cheval qui nagueres avoit esté mort audit lieu des Arbiers, et en soy en alant, ledit suppliant qui n’est pas du païs et ne savoit les chemins, se esgara. Et quant il se vit ainsi esgaré et hors de son chemin, fut bien esbahy et print fort à chevaucher et tant qu’il aconsuivit quatre hommes qui menoient des potz de terre en charrettes ; ausquelz ledit suppliant demanda s’ilz savoient le chemin aux Arbiers. Lesquelz lui respondirent que non et qu’ilz n’estoient pas du païs, et ne lui sauroient enseigner. Et lors icelui suppliant vit ung homme nommé Ylaire Bergeron, de la parroise du Vieil Saint Mesmin, à trois lieues ou environ du dit Mauleon, qui aloit devant lui, et demanda ausdiz quatre hommes : « Celuy qui va devant vous en scet il riens ? » A quoy ilz respondirent qu’ilz ne savoient. Et adonc icelui suppliant chevaucha si fort qu’il aconsuivy ledit Ylaire Bergeron près de la ville de la Closseliere2, auquel il demanda s’il savoit point où estoit le chemin aux Arbiers. Lequel Ylaire lui respondi par maniere de moquerie ces paroles ou autres semblables en effect et substance : « Helas ! sire, vous ne le savez mie. » Et adonc ledit suppliant lui respondi que vraiement il ne le savoit point et que s’il l’eust sceu, il ne lui eust point demandé. Et lors ledit Ylaire lui dist : « Vecy deux chemins, prenez lequel que bon vous semblera, et autre chose ne vous en diray. » Et quant icelui suppliant vit qu’il estoit ainsi esgaré, et [p. 398] qu’il ne lui vouloit point enseigner ledit chemin, mais se moquoit de lui, quant il le demandoit, fut de ce fort courroucé et marry, et illec eschauffé, mal meu et tempté de l’ennemi, tira ung espée qu’il avoit, et en cuida donner du plat audit Ylaire ; mais de male aventure elle lui tourna en la main et le frappa de courage marry ung seul cop sur la teste ; duquel cop ledit Ylaire cheut à terre, et fut mené en son hostel audit lieu de Saint Mesmin, ouquel, deux ou trois jours après, par faulte de garde, bon gouvernement ou autrement, il ala de vie à trespas. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs et n’y oseroit retourner, demourer ne converser, se sur ce ne lui estoient imparties noz grace et misericorde, si comme il dit, en nous humblement requerant que, ce consideré et que le dit suppliant nous a tousjours bien et loyalment servi ou fait de noz guerres, et a laissié et habandonné tous ses biens et heritaiges qu’il avoit ou dit pays de Normandie, pour nous servir et estre et demourer soubz nous et en nostre obeissance, et encores a entencion de nous bien et loyalment servir, et qu’il a fait et commis les fait et cas dessus diz par temptacion de l’ennemi et par eschauffement et de courage mal meu, et que, quant il trouva ledit Bergeron, il estoit fort marry et courroucié de la fortune qui lui estoit avenue de son cheval qui peu de temps par avant avoit esté mort, et dont il aloit querir la selle, comme dessus est dit, et aussi que en tous autres cas il a esté et est de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans oncques avoir esté reprins d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, nous lui vueillons sur ce impartir nosdictes grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans en ce cas misericorde estre preferée à rigueur de justice, au dit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné [p. 399] à Chinon, ou mois d’octobre l’an de grace mil cccc. quarante six, et de nostre regne le xxiiiime.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Pregrimaut. — Visa. Contentor. Charlet.


1 Sic. Lisez des Herbiers.

2 Sic. Lisez la Flosselière.