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MLXXIII

Rémission octroyée à Antoine de La Maudaye, lieutenant de Parthenay, et à Maurice Pia. Ils avaient fait pendre sans jugement à la Ferrière en Gâtine un homme de guerre qui avait abandonné la compagnie du capitaine Adam de la Rivière et vivait sur le pays.

  • B AN JJ. 177, n° 147, fol. 97
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 200-203
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Anthoine de la Maudeaye1, escuier, et Morice Pia, contenant que, ou mois de decembre en l’an mil cccc. xliii. derrenier passé, et pour lors que nous envoyasmes à Grantville2 entre autres capitaines Geuffroy [p. 201] de Couvran, chevalier, Olivier de Broon et Adan de la Rivière3, capitaines de gens d’armes soubz nostre très chier et amé cousin le conte de Richemont, connestable de France, icellui nostre cousin commanda et ordonna de par nous audit Anthoine, lieutenant de Partenay, que, s’il trouvoit nulz des gens des diz capitaines qui, sans vouloir aler avec eulx, retournassent vivans et robans sur le pays, qu’il les preneist ou fist prendre comme gens habandonnez et les amenast à justice, pour en faire telle punicion et justice que au cas appartiendroit ; et que tantost après, lui feust rapporté qu’il y avoit des gens desdiz capitaines qui s’en retournoient, vivoient, sejournoient, roboient et prenoient sur le pays de Gastine, assez près dudit Partenay, ce que bon leur sembloit. Après lequel rapport, ledit Anthoine appella ledit Morice, en lui disant : « Vien t’en avec moy », monterent à cheval et s’en alerent savoir quelz gens c’estoient. Et quand ilz furent à Eron, trouverent deux hommes de guerre, l’un mareschal et l’autre trompette, qui se disoient estre à Adan de la Riviere, [p. 202] l’un des diz capitaines, qui estoit alé audit lieu de Grantville. Et pour ce qu’ilz s’en retournoient sans estre alez avec leur dit capitaine, ilz les prindrent et menerent jusques en ung villaige nommé la Ferriere en Gastine, et illec les baillerent en garde aux bonnes gens et s’en alerent savoir s’ilz en trouveroient plus nulz autres, et jusques au landemain qu’ilz retournerent audit lieu de la Ferriere. Et pour ce qu’ilz sceurent que les diz mareschal et trompette s’en alloient et avoient, comme l’on disoit, prins et receu gaiges et souldées pour aler audit lieu de Grantville, ouquel voiage ilz avoient habandonné leur dit maistre, et aussi que les bonnes gens du païs disoient qu’ilz estoient mauvaiz garnemens et feroient du mal beaucoup qui les en laisseroit aler, iceulx supplians firent pendre en ung grant chemin publicque, près dudit lieu de la Ferriere, la dicte trompette par ledit mareschal, son compaignon, à ung jour de mercredi, jour des Quatre temps devant Noel ou dit an. Et le jeudi ensuivant, laisserent aler le dit mareschal, et lui osterent ce qu’il avoit, comme personne habandonnée. Lequel se departist d’eulx et s’en ala où bon lui sembla, telement que oncques depuis n’en oyrent nouvelles. Et combien que ce qu’ilz en firent estoit pour faire et acomplir, comme il leur sembloit, ce que nostredit cousin le connestable avoit de par nous commandé et ordonné audit Anthoine, suppliant, neantmoins iceulx supplians doubtent que, pour occasion dudit cas et de ce qu’ilz firent la dicte execucion, sans mener à justice lesdiz malfaicteurs, ilz ne soient ou puissent estre et encourir en dangier de justice, se ilz n’en avoient de nous noz lettres de grace et remission, ainsi qu’ilz nous ont fait dire et remonstrer, en nous humblement requerant que, attendu ce que dit est et qu’ilz sont gens paisibles et de bonne renommée et honneste conversacion, sans oncques avoir esté reprins ne convaincuz d’aucun vilain cas, blasme ou reprouche, et que ledit Anthoine longtemps nous a servy en noz guerres à l’encontre [p. 203] de noz ennemys et adversaires, il nous plaise sur ce leur impartir nostre grace. Pour quoy nous, les choses dessus dictes considerées et que ce que les diz supplians firent en ceste partie fut et estoit fait, comme il leur sembloit, pour obeir à ce que nostre dit cousin le connestable leur avoit commandé et ordonné, etc., avons aus diz supplians et à chascun d’eulx, etc., remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Nancey en Lorraine, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. xliiii, et de nostre regne le xxiiime.

Ainsi signé : Par le roy, en son conseil. Gilet. — Visa. Contentor. E. Duban.


1 Antoine de La Maudaye n’est pas autrement connu. Son nom n’est même pas mentionné par le savant auteur de l’histoire de Parthenay.

2 En 1436, Granville n’était encore qu’un rocher presque tout environné de mer, où il n’y avait aucun édifice ni habitation, sauf une église dédiée à Notre-Dame qui était un lieu de pèlerinage très fréquenté et servait de paroisse à plusieurs villages et hameaux d’alentour. Les Anglais, alors complètement maîtres de la Normandie, créèrent en cet endroit « ville et chastel comme en la plus forte et avantaigeuse place et clef de pays par mer et par terre, que l’on peust choisir et trouver afin de tenir ledit pays de Normandie et les marches voisines en subgection ». Cette place ne leur servit pas longtemps. Elle fut, au milieu de l’année 1442, réduite en l’obéissance de Charles VII, qui y mit pour capitaine Jean de Lorraine, la fit emparer et fortifier à nouveau, et la munit abondamment de gens de guerre, d’artillerie et de vivres. En outre, par lettres données à Chinon en [mars] 1446 n.s., il octroya à tous ceux qui voudraient venir demeurer dans la nouvelle ville la concession gratuite de terrains à bâtir et l’exemption de toutes aides, tailles, emprunts, subventions et autres impôts quelconques. (JJ. 177, n° 164, fol. 110. Ordonnances, t. XIII, p. 459.) C’est de ces lettres que sont extraits les renseignements qui précèdent. « Richemont fondait de grandes espérances sur cette place, admirablement située pour favoriser les attaques dirigées de la Bretagne sur le Cotentin. Il mit donc à Granville une forte garnison sous Geoffroy de Couvran, Olivier de Broon et Adam de la Rivière, puis il revint à Parthenay, déc. 1443. » (E. Cosneau, Le connétable de Richemont, p. 345.)

3 Ces trois capitaines étaient originaires de Bretagne et au service d’Artur comte de Richemont. En 1449, Geoffroy de Couvran et Olivier de Broon conduisirent les cent lances du connétable à l’attaque de Saint-James de Beuvron, qui fut pris le 29 juin. Richemont récompensa le premier en lui donnant une pension annuelle de 100 écus d’or sur les revenus de la terre de Gavray. Dans des actes du 16 mars 1450 n.s. et du 8 octobre 1456, Couvran est qualifié capitaine de Coutances. (Bibl. nat., coll. Fontanieu, vol. 121-122 ; Pièces originales, vol. 919, dossier Couvran, n° 13.) Il combattit à Formigny à la tête d’une compagnie de cinquante lances des ordonnances. Olivier de Broon tenait garnison à Carentan, en 1449, et était capitaine d’une compagnie de quarante lances.