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MLXXVII

Rémission accordée à Julien Denyau, de Saint-Pierre de Roussay, poursuivi à Poitiers, comme complice d’un faux fabriqué par [p. 211] Hugues Russon, prêtre, chapelain à Tiffauges.

  • B AN JJ. 177, n° 95, fol. 53
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 210-214
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Julien Denyau, laboureur, demourant en la parroisse de Saint Pierre de Roussay sur les marches d’Anjou, contenant que, deux ans a ou environ, le dit suppliant, ou nom des habitans du dit lieu, impetra en nostre chancellerie à Paris certaines noz lettres, par lesquelles avons donné congié et licence ausdiz habitans de mettre sus et imposer sur eulx mesmes la somme de deux cens livres tournois, pour icelle employer ès fraiz et mises qu’ilz avoient fait et encores leur convenoit faire à la poursuite de certain procès, pendant par devant noz amez et feaulx conseillers les generaulx sur le fait de la justice des aides à Paris, entre le procureur et receveur de nostre très chier et très amé frere et cousin le roy de Jherusalem et de Secille1, demandeurs, d’une part, et les diz habitans, defendeurs d’autre, pour raison de certaines tailles excessives qu’ilz vouloient exhiger sur les diz habitans2 ; lesquelles [p. 212] lettres le dit suppliant presenta au bailli de Touraine, ou à son lieutenant, auquel les dictes lettres s’adreçoient. Lequel leur donna ses lettres executoires adreçans au premier nostre sergent, auquel estoit mandé par les dictes lettres executoires dudit bailli mettre à execution nos dictes lettres. Lequel suppliant presenta icelles noz lettres et celles dudit bailli à Françoys Guybert, sergent dudit bailliage, lequel sergent regarda et leut les dictes lettres, et pour ce que le dit sergent vit par les dictes lettres que n’avions donné faculté aus diz habitans de mettre sus, pour frayer à ce que dit est, que deux cens francs seulement, il dist audit suppliant qu’il portast à Hugues Russon, prebstre à Thiffauges, et lui fist mettre deux cens francs davantaige dedans, car desjà les gens de la dicte parroisse ont despendu cent escuz pour la delivrance des gens de la dicte ville qui estoient prisonniers à Angiers, et plus, et si ne fait que commancer le procès, et ne pourroit fournir la dicte somme de deux cens livres à la moictié des despenses qu’il leur convendra faire à le poursuir ; et que le dit prebstre feroit très bien la besoingne ; car il ne l’oseroit faire lui mesmes, pour ce que sa main seroit congneue. [p. 213] Et atant se departit le dit suppliant et reprint nos dictes lettres et celles dudit bailli, et par le conseil dudit sergent, les porta audit prebstre, et lui dist que le dit sergent lui avoit conseillé venir par devers lui, pour lui faire adjouster èsdictes lettres, oultre les diz deux cens francs, autres deux cens francs, et pria le dit prebstre qu’il le fist ; et pour ce faire lui donna iii. solz iiii. deniers tournois. Lequel prebstre print les dictes lettres et y adjousta deux cens francs, et fist certaine rasure qui après a esté congneue. Lequel suppliant print les dictes lettres et les retourna audit sergent, lequel, par vertu d’icelles, mist sus la dicte somme de quatre cens livres tournois, et rebailla les dictes lettres audit suppliant. Laquelle somme par vertu des dictes lettres fut levée sur les diz habitans et employée aus diz fraiz et mises. Et que, depuis ung mois ença, nostre procureur en la seneschauciée de Poictou a fait adjourner les commissaires, ou ceulx qui avoient receue la dicte somme de iiiic livres tournois, à certain jour ensuivant par devant le dit seneschal de Poictou ou son lieutenant, pour oyr et veoir le compte de la dicte somme mise sus. Auquel jour iceulx commissaires comparurent et exhiberent leurs dictes lettres, par vertu desquelles avoient mis sus la dicte somme de iiiic l.t. Et si tost que nostre dit procureur vit les dictes lettres, apperceut la dicte adicion de iic l.t. et la dicte rasure. Et viii. jours après, nostre dit procureur fist adjourner les diz comissaires à certain jour brief à escheoir, pour lui respondre sur la dicte adicion et radicion ; et aussi a fait adjourner le dit suppliant sur ce que dit est. Lequel doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu que le dit suppliant est homme simple et ygnorant en telles matieres, et n’est clerc ne lettré, ne aucunement ne scet lire ne escripre, porta les dictes lettres au dit chappellain par le conseil du dit sergent, comme le dit [p. 214] sergent a confessé devant gens dignes de foy, au lict de la mort, lequel est nagueres trespassé, et que le dit suppliant ne fist pas la dicte adicion et rasure ès dictes lettres, mais la fist le dit prebstre devers lequel le dit sergent avoit envoyé le dit suppliant, etc., il nous plaise sur ce lui impartir nostre grace. Pour quoy nous, etc. au dit suppliant avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, seneschal de Poictou, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, le xxviie jour d’octobre l’an de grace mil cccc. xlv, et de nostre regne le xxiiiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Charretier. — Visa. Contentor. Et. Du Ban.


1 René d’Anjou, duc d’Anjou, de Lorraine et de Bar, comte de Provence, roi de Sicile et de Jérusalem, né à Angers, le 16 janvier 1409, mort à Aix en Provence, le 10 juillet 1480. Deuxième fils de Louis II et d’Yolande d’Aragon, il avait succédé, le 15 novembre 1434, à Louis III, son frère aîné, comme duc d’Anjou.

2 Dans ce procès, les habitants de Roussay faisaient cause commune avec ceux des paroisses voisines du Longeron, de la Romagne, de Torfou et de Montigné, et étaient demandeurs en cas d’excès. Le 16 novembre 1442, ils se firent adjuger un premier défaut contre Person Muguet, receveur dudit aide, et les collecteurs nommés Henri Lallemant, Regnaut Duboulay, Perrot Huguet, Jean Lassis, poulailler, et Jamet Aubin, boucher. Le 28 du même mois, malgré la requête du procureur de ces derniers, le défaut fut maintenu au profit des demandeurs qui étaient venus à Paris « à grans fraiz et despens », tandis que les défendeurs, quoique personnellement ajournés, s’étaient abstenus de comparaître. Le 1er décembre suivant, un nouveau défaut fut adjugé auxdits habitants contre Hardouin Fresneau, me Jean Fournier et Pierre Dudoit, se disant commissaires en cette partie. Du même jour : « Veue certaine requeste faicte par les manans et habitans ès parroisses de Roussay, Tourfoul, Longeron, Montigné et la Romaigne, touchant la delivrance d’aucuns d’eulz estans prisonniers à Angiers, à l’occasion de certaine taille mise sus par le roy èsd. parroisses ; appoinctié que, en baillant par les diz supplians bonne et seure caucion, en la ville d’Angiers, de paier à l’ordonnance de la court les sommes pour lesquelles ilz sont prisonniers, ilz seront mis à plaine delivrance. Et pour ce faire, sera faicte commission adressant au bailli de Touraine ou à son lieutenant, et au premier huissier, sergent, etc., pour contraindre Person Muguet, receveur dudit aide, qu’il les mette à plaine delivrance, et ou cas qu’il en seroit reffusant, que l’executeur d’icelle le face, à son reffuz, en recevant ladicte caucion. » (Arch. nat., reg. de la Cour des aides, Z1a 13, fol. 114, 115 v°, 116 v°.) Il y a lacune de février à novembre 1443, et l’on n’a point trouvé la conclusion de cette affaire. Les monnayers de la Monnaie d’Angers se pourvurent aussi contre Person Muguet, receveur, qui les avait taxés malgré leurs privilèges, et l’on voit qu’il s’agissait des aides imposées en décembre 1440 et en juillet 1441 par le roi de France, dans les pays de l’obéissance du duc d’Anjou et d’accord avec lui, pour les besoins de la guerre. Les habitants de Roussay et des autres paroisses tendaient à obtenir une réduction de leur quote-part qu’ils jugeaient excessive. (Plaidoirie du 12 janvier 1443 n.s., id. ibid., fol. 123.)