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MCXXVIII

Rémission octroyée à Jean et Olivier Berlant, et à leur père Jean, seigneur de Jeu, à cause du meurtre de Jean de la Gaubertière, avec lequel ils étaient en procès touchant la possession de la métairie de la Brosse, mouvant dudit Jeu.

  • B AN JJ. 178, n° 185, fol. 108 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 399-404
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Berlant1, l’ainsné, aagé de [p. 400] soixante ans ou environ, Jehan et Olivier les Berlans, freres, enfans dudit Jehan Berlant, contenant que à eulx compete et appartient la terre et seigneurie de Jeu, en laquelle pieça ilz misdrent ung mestayer, leur fermier, nommé Michault Denis, lequel pour labourer la mestayerie de la Broce, qui lui appartenoit et en avoit joy de long temps, s’estoit retrait et alé audit lieu de la Broce, pour faire ses vignes, auquel lieu ung nommé Jehan de la Gobertiere2, qu’il disoit avoir droit en ladicte mestayerie de la Broce, batit très enormesment ledit fermier, telement qu’il en fut longuement malade et en dangier de sa vie, et le chassa hors de sa dicte mestayerie. Laquelle chose venue à la congnoissance…3, desplaisans dudit oultraige, conceurent [p. 401] hayne, et se meurent à ceste cause paroles entre ledit Jehan Berlant le jeune et le dit Jehan de la Gaubertiere, qui à ceste occasion print asseurement dudit Jehan Berlant. Et depuis, iceulx supplians qui pretendoient droit en la dicte mestayerie de la Broce, tant parce qu’elle estoit d’ancienneté du fief et hommaige dudit lieu de Jeu, que aussi par laiz et transport dudit Michault Denis, ou autrement, obtindrent noz lettres patentes de complainte en cas de saisine et de nouvelleté, lesquelles ilz firent executer et mettre ladicte mestayerie en nostre main et gouvernement soubz icelle, jusques à ce que par justice en feust autrement ordonné. Et à l’excecution d’icelles estoit present ledit Jehan Berlant, le jeune, qui soubz umbre de ce que les commis de par nous au gouvernement de la dicte mestayerie, quelque commandement qu’ilz feissent faire audit Jehan de la Gaubertiere de partir, ne vouloit vuidier, requist à Thomassin Valut4, nostre sergent, qui avoit excecuté les dictes lettres de complainte, lequel il trouva en la ville d’Angle en Poictou, en la halle d’ilec, qu’il y pourveust en maniere que ledit fermier dudit Gaubertiere vuidast, ou semblables paroles dit en effect audit sergent. Laquelle chose Estienne Perrot, pere de la feue femme dudit Gaubertiere, illec present, contredit. Sur quoy paroles hayneuses se meurent entre ledit Jehan Berlant, le jeune, et ledit Perrot, et entre autres paroles ledit Jehan Berlant dist audit Estienne Perrot qu’il queroit tousjours debat et qu’il estoit mauvais vilain ; et le dit Estienne Perrot dist audit Jehan Berlant qu’il n’estoit vilain, [p. 402] mais comme… (sic). Et ledit Jehan Berlant lui dist que se ledit Perrot vouloit dire qu’il feust vilain comme lui, que il mentoit, et se voulu approucher d’icellui Estienne Perrot, mais ung gentilhomme [nommé] Caraleu l’empescha qu’il ne le ferist que ung cop. Et lors le dit Estienne Perrot le frappa d’un baston sur la teste. Et après ledit Jehan Berlant le frappa de son espée et le bleça ung peu ou braz, et tantost après, ainsi que ledit Jehan Berlant, le jeune, s’en vouloit aler audit lieu de Jeu et estoit prest de monter à cheval, le dit Gaubertiere survint tout esmeu et tenant en sa main une grant espée toute nue, voulu courir sus audit Jehan Berlant, le jeune, mais le dit Caraleu, qui illec estoit et autres presens l’en garderent ; dont ledit Gaubertiere fut très mal content, et dist qu’ilz se trouveroient ailleurs qui n’y aroit pas tant de tesmoings, et dist plusieurs injures et menaces audit Jehan Berlant, le jeune. Et voyant qu’il ne povoit illecques acomplir sa voulenté, s’en ala en disant que ainsi ne demourroit pas, et qu’il en y auroit qui demourroient sur les carreaulx, avant qu’il feust Noel, ou parolles semblables en effect. Durant lesquelles, ledit Jehan Berlant demanda à ung notaire illec present instrument de ce que ledit Gaubertiere le menaçoit, veu qu’il estoit en seurté de lui. Et après ledit Jehan Berlant tantost monta à cheval, pour s’en aler audit lieu de Jeu. Et quant il fut sur le chemin, il vit ledit Gaubertiere qui chevauchoit par ung autre chemin, tirant au chemin par où aloit icellui Jehan Berlant, le jeune, lequel estoit seul. Et lors se doubta et s’en couru audit lieu de Jeu, et dist audit Olivier Berlant, son frere, que les diz Estienne Perrot et Gaubertiere lui avoient fait oultraige audit lieu d’Angle, en la maniere dessus dicte, et l’avoient voulu batre, et que il avoit veu ledit Gaubertiere ou chemin illec près, qui le suivoit ne savoit pour quoy ne à quelle intencion, combien que se feust le chemin pour s’en aler en son hostel. Et tantost ledit Olivier Berlant, courroucié des choses dessus [p. 403] dictes, monta à cheval et s’en ala avec ledit Jehan Berlant le jeune, son frere, au chemin par lequel aloit le dit Gaubertiere, près dudit hostel de Jeu. Et tantost que ledit Gaubertiere les vit, s’avança lors vers eulx et tira son espée toute nue en son poing, en criant : « A mort ! » Et lors les diz freres, dont l’un avoit une espée qu’il tira toute nue, et l’autre avoit une javeline et espée, de laquelle javeline ledit Olivier qui la tenoit fery ledit Gaubertiere ou cousté, où il fut ung petit bleciez. Et lors ledit de la Gaubertiere print la dicte javeline et l’osta audit Olivier, et l’en bleça en la main. Et lors se joingnirent ensemble chascun son espée toute nue, en frappant l’un sur l’autre, et d’un cop que ledit Gaubertiere cuida frapper sur la jambe dudit Olivier, lui couppa son esperon, et les diz freres le frapperent plusieurs coups en plusieurs parties de son corps. Durant lequel debat, Jehan Berlant, l’ainsné, pere des diz freres, voulant eschever l’inconvenient, couru illec sans aucun baston, en cryant et disant à ses enfans ces parolles ou semblables : « Ne le tuez pas, ne le tuez pas ! mais couppez lui les bras et les jambes ! » Pour occasion desquelz coups, ledit Gaubertiere tantost après ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, les diz supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du pays, où ilz n’oseroient repairer ne converser, se nostre grace et misericorde ne leur estoit sur ce impartie. Requerans humblement que, attendu que ledit cas est advenu de mal aventure, qu’ilz sont extraiz de noble lignée et nous ont loyaument serviz ou fait de noz guerres, à leur povoir, etc., nous leur vueillons subvenir de nostre grace et misericorde. Pour quoy nous, voulans iceulx grace et misericordre preferer à rigueur de justice, ausdiz suplians avons quicté, remis et pardonné, etc., satisfaction faicte à partie civilement tant seulement. Si donnons en mandement, par ces presentes, aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné [p. 404] à Tours, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc.xlvi, et de nostre regne le xxve.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. N. du Brueil. — Visa. Contentor. P. Le Picart.


1 Jean Berlant, écuyer, seigneur de Jeu, né en 1386, puisqu’il avait soixante ans à la date de ces lettres, marié vers 1420 à Catherine de Jeu. D’après la généalogie imprimée dans la nouv. édit. du Dictionnaire des familles du Poitou, il aurait été fils d’autre Jean, écuyer, sr de Jeu, et de Jeanne de Jeu. Il y a là une erreur que permet de rectifier le texte d’un accord du 29 août 1429, homologué au Parlement de Poitiers. (Arch. nat., X1c 138, à la date.) On lit dans cet acte que feu Simon Berlant, fils et héritier de feu Pierre Berlant, avait été en procès avec Gilles Bourgeois à propos de certains biens meubles et immeubles qui avaient appartenu à Philippe Boulanger, mère de Perrette Chauvais, femme dudit Gilles et depuis décédée, dont ledit Pierre Berlant avait eu autrefois la tutelle. Simon Berlant était mort avant le règlement de cette contestation, et ses enfants furent assignés devant le sénéchal de Poitou par Gilles Bourgeois. Ceux-ci étaient : Jean, Ithière, mariée dès lors à Jean de Couhé, écuyer, et Marie, qui épousa plus tard Pierre Prévost (avant le 7 avril 1432, Invent. des arch. du château de la Barre, t. II, p. 441). De ce texte il résulte que l’on doit réunir le § VI, dit branche de Châtellerault de la généalogie donnée par MM. Beauchet-Filleau, au § IV, branche de Jeu. On voit dans la rémission de novembre 1446 que Jean Berlant, sr de Jeu, eut au moins deux fils, Jean, le jeune, et Olivier. L’aîné était marié, depuis l’année précédente environ, avec Marie de Combarel, fille de François, chevalier, sr de Noaillé et de la Chèze, capitaine de Chauvigny, et de Jacquette de Mons. On ne sait rien du cadet.

2 La Gaubertière était un ancien fief mouvant de Montreuil-Bonnin, dont était seigneur, le 8 octobre 1364, un nommé Guillaume Pannet. (Aveu de cette date, Arch. nat., P. 1145, fol. 35 v°.) Il avait donné son nom à une famille, dont quelques membres, outre celui dont il s’agit ici, sont mentionnés dans des textes des premières années du xve siècle. Un autre Jean, aliàs Jacques, de la Gaubertière était prieur de Saint-Clémentin, et eut procès contre Jean de la Haye, écuyer, seigneur de Passavant, Clément de Montours, écuyer, Guillaume de Soussay, Jean Raflet, Nicolas Martineau, de Bressuire, etc. (Voir deux arrêts, l’un du 18 janvier 1413 n.s., le second, long et intéressant, du 18 janvier 1416 n.s., X1a 59, fol. 302 v° ; X1a 61, fol. 161 v°.) Nicolas de la Gaubertière était seigneur de la Chalopinière en Cirières, l’an 1393. (B. Ledain, Hist. de Bressuire, p. 404.) Pierre de la Gaubertière était garde du sceau aux contrats de la Roche-sur-Yon, de 1390 à 1394. (Cartulaire d’Orbestier, p. 246 et 327, note.)

3 Sic. Un membre de phrase a été omis ici par le copiste.

4 Les deux dernières lettres de ce nom sont douteuses. On pourrait lire aussi bien Valné ou Value. Ce qui nous a porté à l’imprimer sous cette forme Valut, c’est que l’on trouve dans un compte du 23 avril 1448 le nom d’un Guillaume de Velut (très lisiblement écrit), aussi sergent de la ville de Poitiers, qui avait été chargé à cette date d’aller mettre en état d’arrestation le capitaine de la Meilleraye et de l’amener à Poitiers. (Arch. nat., KK. 337, fol. 33 v°.)