MCXIX
Lettres d’abolition octroyées à Guy de La Roche, écuyer, Pierre de Saint-Gelais, chevalier, Olivier et Jacques Perceval, Christophe Pot, Jacques Levraut, Guillaume Béjarry, et plusieurs autres qui avaient occupé Niort contre le roi, pendant la rébellion des princes, et depuis avaient persisté dans leur résistance et s’étaient rendus coupables de plusieurs crimes.
- B AN JJ. 178, n° 95, fol. 62
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 364-379
Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de noz chiers et bien amez Guy de la Roche1, escuier, seneschal d’Angolesme, Pierre de Saint [p. 365] Gellays, chevalier2, Olivier Perceval, Jaques Perseval3, Christofle Pot4, Jehan Saubert, Fouquet de Nantueil, Jehannot Guy5, Jehan Reculat, Jehan de Sonneville, Perrinet Du Bois6, Petit Andrieu, Jaques Levraut7, Guillaume [p. 366] Bejarry8, Jaquet de Noeszé, contenant que lesdiz supplians nous ont longuement servy ou fait de noz guerres, et les aucuns dès leur jeune aage, à l’encontre de noz anciens ennemis et adversaires les Anglois, tant en la compaignie de feu Jehan de la Roche, en son vivant nostre seneschal de Poictou, que depuis son decès, en plusieurs lieux et voiages, c’est assavoir ledit Guiot à grant compaignie de gens d’armes et de trait, lesquelz ont longuement vescu sur les champs, en noz païs de Poictou, Xanctonge, Lymosin et Angoumois, Berry et autres païs. Pendant lequel temps qu’ilz ont tenu les champs et autrement, ilz ont fait, commis et perpetrez plusieurs courses, destrousses, raençonnemens, pilleries, roberies, meurdres, forcé femmes, bouté feux et fait et commis plusieurs autres maulx et crimes ; à l’occasion desquelz nous octroyasmes l’an iiiic xxxi. ou environ9, noz lettres d’abolicion ausdiz Jehan de la Roche, de Saint Gellays et Percevaulx, et plusieurs autres nommez ès dictes lettres d’abolicion, qui de tous lesdiz crimes et autres declairez plus à plain ès dictes lettres d’abolicion [furent absolz]. Et depuis, pour ce que les gens dudit feu Jehan de la Roche avoient couru et fait plusieurs pilleries, roberies et destrousses, crimes et deliz, et aussi que lesdiz Jehan et Guy de la Roche, de Saint Gellays, Percevaulx et autres avoient esté en garnison [p. 367] en la ville de Nyort, en laquelle ilz avoient tenu plusieurs gens de guerre, qui avoient prins plusieurs places sur noz gens, desquelles ilz avoient fait guerre à nous, noz païs et subgiez, et faiz plusieurs autres maulx et dommaiges, lesdiz feu Jehan de la Roche, Guy, son frere, de Saint Gellays, les Percevaulx et autres, le xiiiime jour de septembre l’an mil cccc. quarante10, obtindrent de nous noz autres lettres d’abolicion. Après l’octroy et expedicion desquelles lesdiz Guy de la Roche, Pierre de Saint Gellays, Brunet de Saint Cire11, Olivier et Jaques Percevaulx, Jehan Raymond12, Perret de la Guirande13, Alixandre Morton et autres estans avec ledit de la Roche, par le moyen des places qu’ilz tenoient en noz païs de Poictou, Xanctonge, Lymosin et Angolmois en desobeissance envers nous, eussent esté par nous banniz de nostre royaume, ensemble leurs complices, et eussions prinses et mises en nostre main plusieurs places qu’ilz y tenoient14 ; lesquelz se retrahirent [p. 368] en la ville d’Angolesme, en laquelle ilz s’estoient tenuz et tindrent par aucun temps à l’encontre de nous, et à nostre très grant desplaisance, en faisant d’icelle ville et d’autres places qu’ilz tenoient destrousses, courses, pilleries, roberies, raençonnemens et prises sur noz subgiez, comme sur noz ennemys, meurdres et boutemens de feux et autres maulx et crimes innumerables, tant par eulx que par leurs gens, sur noz païs et subgiez, et mesmement firent certaine destrousse sur aucuns de noz gens estans [p. 369] soubz le bastard de Culant15 et autres, et en avoient plusieurs esté penduz, nayez, mors et mutilez, tant d’un costé que d’autre ; et s’estoit [ledit] de la Roche servy et aidé, ès choses dessus dictes, d’aucuns Anglois estans en la frontiere de Guienne à l’encontre de nous, comme souldoyers. Desquelz crimes et deliz que avions très à cuer et en grant desplaisance, lesdiz Guy de la Roche et autres dessus nommez, voyans que les avions du tout prins en indignacion, doubtans ou temps avenir que on voulsist proceder contre eulx par pugnicion corporelle ou autrement rigoureusement, nous firent humblement supplier et requerir qu’il nous pleust les acueillir en nostre grace et [p. 370] benivolence, et leur pardonner et abolir les faultes, crimes et choses dessus dictes, et les mettre hors de nostre cuer, et qu’ilz estoient prestz de faire ce qu’il nous plairoit, et obeir d’ilec en avant à nous et à noz commandemens, et estre bons et loyaulx envers nous. Oye laquelle requeste et aussi en faveur de nostre très chier et très amé frere et cousin le duc d’Orleans, duquel ilz sont serviteurs, qui de ce nous fist prier et requerir par nostre chier et amé cousin le bastard d’Orleans, lequel à ceste cause vint par devers nous par plusieurs foiz16, et aussi en faveur et pour consideracion des bons et agreables services que les predecesseurs dudit Guy nous avoient faiz, et esperions que lui et autres nous feissent, nous à icellui Guy de la Roche et autres dessus nommez, et à tous leurs gens, serviteurs, compaignons de guerre et autres de leur compaignie, et de chascun d’eulx, de quelque estat, nacion ou condicion qu’ilz feussent, et qui les avoient aidiez, soustenuz, favorisez et confortez à l’encontre de nous, durant les dictes divisions, et aussi aux maire, bourgois et habitans de la dicte ville d’Angolesme, en tant que, à l’occasion des choses dessus dictes, ilz pourroient avoir mespris ou forfait envers nous, en quelque maniere que ce feust ; pour ces causes et autres à ce nous mouvans, quictasmes, remismes, pardonnasmes et abolismes toutes manieres de destrousses [p. 371] qu’ilz ou leurs gens avoient ou povoient avoir faictes, durant les dictes divisions, tant sur les gens dudit bastard de Culant que autres noz gens, serviteurs et subgiez, meurdres, larrecins, boutemens de feux, ravissement de femmes, sacrileges, pilleries, roberies, et aussi tout ce que ledit Guy povoit avoir fait envers nous, en tant qu’il avoit souldoyé nos diz ennemys et s’en estoit servy à l’encontre de nous, comme dit est, et generalment tous autres cas, crimes, deliz et malefices qu’ilz ou aucuns d’eulx, ou leurs diz gens quelzconques, avoient ou povoient avoir faiz, diz, commis ou perpetrez à l’encontre de nous, de nostre magesté royal, ne à aucun de noz subgiez, soubz umbre desdictes divisions ne autrement, en quelque maniere que ce feust, de tout le temps passé jusques alors, et les rapelasmes, remismes et restituasmes en nostre bonne grace et bienvueillance, à leur bonne fame et renommée, au païs et à tous leurs biens, meubles et heritaiges, debtes, maisons, possessions, terres, seigneuries et autres biens quelzconques, quelque part qu’ilz feussent situez et assis. Non obstant quelzconques criz, publicacions, bannissemens, confiscacions de corps et de biens, qu’ilz ou aucuns d’eulz povoient avoir commis envers nous, dons ou transpors que aurions ou pourrions avoir de leurs diz biens, terres, seigneuries et heritaiges, par le moyen et à l’occasion des choses dessus dictes, en quelque maniere que ce feust. Lesquelz nous par nos dictes lettres d’abolicion revocquasmes et adnullasmes, en ostant et levant de et sur leurs diz biens nostre main, ou cas qu’elle auroit esté mise et apposée en aucuns d’iceulx biens, pour occasion de ce que dit est. Et voulusmes les choses dessus dictes et chascunes d’icelles estre dictes et reppellées comme non faictes, dictes et non avenues, sans ce que les dessus diz ne aucuns d’eulx feussent tenuz d’iceulx cas autrement specifier ne declairer, ne que à l’occasion ne par le moyen des choses dessus dictes ne d’aucunes d’icelles, nostre procureur ne autres quelzconques [p. 372] leur en puisse aucune chose impugner ne demander, ne à aucun d’eulx, ne à leurs diz compaignons ne autres gens quelzconques, lors ne ou temps avenir, par juste requeste de partie ne autrement, en quelque maniere que ce feust. Et quant à ce imposons silence perpetuel à nostre dit procureur et à tous autres quelzconques, et [avons] voulu que nostre seneschal de Poictou feist publier nos dictes lettres d’abolicion, et enregistrer en sa court ordinaire de Poictiers, afin de memoire perpetuel, et que au vidimus d’icelles fait soubz seel royal ou auctentique plaine foy feust adjoustée comme à l’original des dictes lettres. Et avec ce, de nostre plus ample grace, leur octroyasmes que la dicte publicacion de nos dictes lettres d’abolicion, qui seroit faicte en la court dudit seneschal leur vaulsist et à chascun d’eulx pleniere verifficacion et enterinement des dictes lettres d’abolicion, comme se faicte estoit en nostre court de Parlement, sans ce qu’ilz ne aucun d’eulx feussent tenuz de presenter en personne ne autrement nos dictes lettres, pour avoir l’enterinement d’icelles, ne les veriffier ne enteriner autrement, ne pour ce comparoir en personne par devant ledit seneschal ne ailleurs par devant quelzconques juges, en quelzconques juridicions que ce feust, si comme par les dictes lettres d’abolicion l’en dit ces choses et autres plus à plain apparoir.
Depuis laquelle publicacion de nos dictes derrenieres lettres d’abolicion, les diz Guy et autres dessus nommez ont obey à nous, et nous ont servi tant ou voiage de Chartres, en la compaignie de nostre chier et feal cousin le bastard d’Orleans, conte de Dunoys, au siege de Galardon17, et en retournant dudit voiage passa ledit Guy par [p. 373] les pays de Nyvernois, Berry, Limosin, Poictou et autres, ayant l’enseigne de nostre dit cousin, acompaigné de plusieurs capitaines de gens d’armes et de trait, c’est assavoir du Roucin, Dymanche de Court, Ravenel18 et autres ; et oyt ledit Guy nouvelles de la prinse de Chevetonne, qui estoit à feu Brisset de Saint Cire19, en son vivant chevalier. [p. 374] Et dedans la dicte place, estoient aucuns gens d’armes. Et se transporta audit lieu de Chevetonne, acompaigné de plusieurs gens de guerre, et fut prinse ladicte place et les compaignons qui lors estoient dedans ; desquelz les aucuns furent penduz et les autres menez en nostre ville de Poictiers, [p. 375] pour en faire justice et pugnicion. Et depuis nous a ledit Guy servy et les autres en la compaignie de nostre très chier et très amé filz le daulphin de Viennois, ou voiage d’Alemaigne20 et autre part, où il nous a pleu les emploier, tant en la frontiere de nos diz ennemis en Guienne, Bourdeloys que ailleurs, où il nous a pleu l’emploier, [p. 376] à grans charges et compaignies de gens d’armes et de trait. Lesquelz ont tenu les champs et vescu sur iceulx, pillé, robé, raençonné et destroussé toutes manieres de gens, tant nobles, gens d’eglise, marchans que toutes autres manieres de gens, qu’ilz ont peu trouver et raencontrer, couru foires et marchiez, aguetté chemins, de jours et de nuiz, prins bestial, vendu, mengié, butiné et raençonné, assally eglises et forteresses, pour avoir des vivres et autrement, èsquelz assaulx y a eu aucunes gens mors et aucuns bleciez, prinses les dictes places par force et bouté feux en icelles pour les avoir, prins femmes par force, et raençonné noz subgiez, comme s’ilz eussent esté noz ennemys, et fait plusieurs autres pilleries, roberies, crimes, maulx et dommaiges à nos diz subgiez. Et depuis noz defenses faictes que aucuns, sans nostre congié et licence, ne tenist compaignie de gens d’armes et de trait sur les champs, si non ceulx à qui aurions donné charge et ordonnance21, a le dit Guy tenu compaignie de gens de guerre sur noz subgiez et païs, lesquelz ont fait pilleries, roberies et autres maulx et crimes dessus diz. Pour occasion desquelz ilz doubtent que ou temps avenir, on vueille contre eulx proceder à pugnicion ou autrement, se nostre grace et misericorde ne leur estoit sur ce impartie, si comme ilz dient, humblement requerans icelle. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, ausdiz supplians et à leurs gens et serviteurs, compaignons de guerre et autres de leur compaignie, et de chascun d’eulx, de quelque estat, nacion ou condicion qu’ilz soient, et qui les ont aidez, soustenuz, favorisez et confortez et les noms desquelz ledit Guiot sera tenu de bailler ou faire bailler en escript par devers nostre dit seneschal de Poictou, ou son lieutenant à Poictiers, dedans ung an prouchainement venant, [p. 377] avons remis, quicté, aboly et pardonné, et de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, remettons, quictons, pardonnons et abolissons les faiz et cas dessus diz et autres quelzconques, qu’ilz et chascun d’eulx ont faiz, commis et perpetrez, ou consenty et commandé faire, commettre et perpetrer, durant les dictes guerres et autrement, en quelque maniere que ce soit ou puisse estre, le temps passé jusques à present, et lesquelz nous voulons estre cy tenuz pour exprimez, sans ce qu’il soit besoing ne qu’ilz soient tenuz en faire autre declaracion ne autrement les speciffier ne declairer, et lesquelz nous voulons et tenons icy pour exprimez, avec toutes peines, amendes et offenses corporelles, criminelles et civiles, en quoy ilz et chascun d’eulx, et leurs gens et serviteurs, compaignons de guerre et autres qui les ont aidiez, favorisez et confortez, pourroient estre encouruz envers nous et justice, et les avons restituez et restituons à leur bonne fame et renommée, au païs et à leurs biens non confisquez. Et sur ce imposons silence perpetuel à nostre procureur. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans et qui tendront nostre Parlement, aux seneschaulx de Poictou, Xanctonge, Lymosin, gouverneur de la Rochelle, et à tous noz autres justiciers ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que les diz Guy de la Roche, Pierre de Saint Gellays, Olivier et Jaques Percevaulx, Christofle Pot, Jehan Faubert22, Fouquet de Nantueil, Jehannot Guy, Jehan Reculat, Jehan de Someville23, Perrinet Du Bois, Petit André, Jaques Levraut, Guillaume Bejarry24, Jaques de Noiszé, et chascun d’eulx, et tous leurs gens et serviteurs, et autres de leur compaignie, et chascun d’eulx, tant en particulier comme en general, facent, seuffrent [p. 378] et laissent joïr et user paisiblement et à plain de nostre presente grace, pardon, quictance, abolicion et octroy, sans leur faire mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné, ores ne pour le temps avenir, aucun arrest, ennuy, destourbier ne empeschement, en corps ne en biens, ne à aucun d’eulx, en quelque maniere que ce soit ou puisse estre, ainçois se fait, mis ou donné leur avoit esté ou estoit fait au contraire, si les mettent ou facent mettre tantost et sans delay, chascun en son endroit, au premier estat et deu, et à plaine delivrance. Et noz presentes lettres face ledit seneschal de Poictou, lequel nous avons à ce commis et commettons, publier et enregistrer en sa court ordinaire de Poictiers ; au vidimus des quelles fait soubz seel royal ou auctentique, nous voulons plaine foy estre adjoustée, comme à ce present original. Et de nostre plus ample grace voulons et nous plaist, et audit Guy de la Roche et autres dessus nommez, et à tous autres de leur compaignie, aliez, favorisans et complices, avons octroyé et octroyons, par ces presentes, que la dicte publicacion de ces dictes presentes, qui sera faicte en la court dudit seneschal, en la maniere devant dicte, leur vaille et à chascun d’eulx pleniere verificacion et enterinement de ces dictes presentes, comme se faicte estoit en nostre court de Parlement, sans ce que ilz ne aucun d’eulx soient tenuz presenter ces dictes presentes pour avoir l’enterinement d’icelles25, ne autrement les veriffier ou enteriner, ne pour ce comparoir ailleurs que par devant ledit seneschal ou son lieutenant, ne devant quelconque autre juge ne en quelque juridicion que ce soit. Et afin, etc. nous avons, etc. Sauf, etc. Donné à Razilly lez Chinon, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. xlvi, et de nostre regne le xxiiiie.
Ainsi signé : Par le roy, vous, les contes de Foix26, de [p. 379] Laval27, les sires de la Varenne, de Pressigny, de Blanville28 et plusieurs autres presens. Giraudeau. — Visa. Contentor. P. Le Picart.