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MCIV

Lettres d’abolition accordées à Pierre de Volon, écuyer, pour les pillages, détrousses et autres excès dont il s’est rendu coupable pendant les campagnes auxquelles il a pris part.

  • B AN JJ. 177, n° 205, fol. 137
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 314-317
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue l’umble [p. 315] supplicacion de Pierre de Volon1, escuier, contenant que tout son temps et dès son jeune aage il nous a bien et loyaument servy ou fait de noz guerres à l’encontre de noz anciens ennemys et adversaires les Anglois, sans oncques avoir tenu autre parti que le nostre, et en icelles se soit trouvé en plusieurs sieges, rencontres, entreprises et bonnes besongnes faictes sur iceulx et à leur confusion, tousjours bien souffisamment monté et habillé selon son estat, en quoy il a grandement frayé et despendu du sien propre, et exposé son corps en plusieurs perilz et dangiers, sans avoir eu de nous aucune soulde ou recompensacion, dont il se peust estre entretenu en nostre dit service, et aussi avoir acheté chevaulx, harnoiz et autres habillemens à lui neccessaires ; à laquelle cause il a souventes foiz esté contraint à tenir les champs, vivre sur noz pays et subgiez, courir et faire courir, etc.2. Et aussi s’est trouvé et peu [p. 316] trouver souventes foiz à plusieurs courses et destrousses faictes sur gens de guerre de nostre parti, prinses de places, chasteaulx et forteresses par force, d’emblée et autrement, èsquelles estoient ceulx dedens prins prisonniers et mis à raençon, ainsi que s’ilz feussent ennemis. Et aucunes foiz, pour la resistance qui se y faisoit par lesdiz de dedans, se sont ensuiz enormes bleceures et mutilacions de personnes. Et avecques ce ont esté pillées et robées, et les biens en icelles prins, venduz, butinez, distribuez et applicquez chascun à sa part et porcion, à son singulier proufit. Et generalment ait esté et se soit trouvé, pendant et durant qu’il a esté ainsi suivant lesdictes guerres en nostre service, tenant les champs sur nos diz païs et subgiez, à faire, commettre et perpetrer tous et chacuns les crimes et malefices que pevent et pourroient avoir faiz et commis, et que ont esté et sont coustumiers de faire gens de guerre. A l’occasion desquelz cas, crimes et malefices, ledit suppliant doubte justice ou temps avenir lui estre rigoureuse, et que à ceste cause on lui vueille mettre ou donner empeschement en corps ou en biens, se nostre grace ne lui estoit sur ce impartie, si comme il dit. En nous humblement requerant que, attendu que en tous autres cas il a tousjours esté homme de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans oncques mais avoir esté actaint ou convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise sur ce icelle nostre grace lui impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, et mesmement en faveur d’iceulx services ainsi à nous faiz par ledit suppliant, à icellui avons remis, quicté, pardonné et aboly, etc. les faiz et cas devant diz, ensemble tous autres qu’il a ou pourroit avoir faiz et commis en tout le temps passé jusques à present, en quelque maniere que ce soit ou ait esté, pendant et suivant lesdictes guerres, jasoit ce que autre declaracion ou specifficacion que dit est n’en soit [p. 317] faicte en ces presentes, etc., pourveu toutes voyes qu’il n’ait en sa personne fait ravissement de femmes, sacrilege, commis omicide voluntaire, bouté feu ne esté cause principal de le faire. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou, de Xaintonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois de avril l’an de grace mil cccc. xlvi, et de nostre regne le xxiiiie.

Ainsi signé : Par le roy, vous, les sires de la Varenne et de Precigny3 et autres plusieurs presens. Chaligaut. — Visa. Contentor. P. Le Picart.


1 Pierre de Volon ou de Voulon, écuyer, sur la famille duquel on ne possède que fort peu de renseignements, avait épousé Marie Janvre et avait, à cause d’elle, des possessions dans la Gâtine. Le 30 septembre 1434, il rendit aveu au connétable de Richemont de fiefs mouvant de la baronnie et du château de Parthenay, qu’il tenait à foi et hommage plein, avec la justice moyenne et basse, savoir son. « lieu et herbergement appellé Longeviniere et ses appartenances et appendences, assis en la parroisse de Mazeres, consistant tant en maisons, vergers, prés, bois, terres, etc., tenans d’une part au bois de Nucheze, d’autre aux terres de la Berthoniere, etc. ; item, une piece de pré, contenant demi quartier ; item, une piece de terre contenant une boicellée ou environ, tenant, d’une part, au chemin du Chaigne (le Chêne) à Partenay, etc., d’autre, aux terres de la Ferretiere, lesd. choses franches de disme et autres devoirs. » (Arch. nat., R1* 190, fol. 179 v°.) Ces biens appartenaient à Marie Janvre. A cette époque, c’est-à-dire dans la première moitié du xve siècle, la famille de Voulon habitait, ce semble, la région comprise entre Couhé, Melle et Civray. Dans une transaction intervenue à la suite de procès, le 11 septembre 1477, entre Helis de Mézieux, veuve de Thomas Acquez, et ses enfants, d’une part, et Jeanne du Vergier, femme de Jean de la Brousse, écuyer, d’autre, par laquelle les premiers abandonnent au profit de celle-ci, moyennant 115 écus d’or, leurs prétentions sur un hôtel ou hébergement, entouré de douves, sis au village du Grand-Serze (Mairé-l’Évescault), il est dit que cet hôtel avait appartenu à Jean d’Auton, puis à feu Jean de Voulon, seigneur du Breuil de Paretz, et enfin à un autre Jean de Voulon qui l’avait vendu à Thomas Acquez. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 434.)

2 La suite, sauf de légères modifications, comme dans les lettres d’abolition en faveur de Jean Chauvet (ci-dessus, n° MXCI, p. 268).

3 Pierre de Brézé et Bertrand de Beauvau. (Ci-dessus, p. 178, note 2, et p. 273, note 3.)