MXLVII
Rémission accordée à Jean de Siquenville, écuyer de Gascogne, qui, conduit prisonnier à Montaigu, par ordre du dauphin, pour avoir rançonné plusieurs villages du Poitou et de l’Anjou, s’était évadé pour échapper à la question, et avait exercé des violences contre Philippe François, avec qui il était en procès.
- B AN JJ. 176, n° 84, fol. 50 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 118-124
Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan de Siqueinville, escuier du païs de Gascoigne, contenant que, deux ans a ou environ, le feu sire de Raiz1, en son vivant nostre conseiller, chambellan [p. 119] et mareschal de France, soubz lequel le dit suppliant estoit, dist à icellui suppliant qu’il vouloient aler au Mans, et qu’il vouloit qu’il prenist la charge et gouvernement des gens de guerre, que avoit lors une appellée Jehanne, qui se disoit pucelle2, en promettant que, s’il prenoit le dit Mans, qu’il en seroit cappitaine ; le quel suppliant, pour obeir et complaire au dit feu sire de Raiz, son maistre, duquel il estoit homme à cause de sa femme, lui accorda, et print la dicte charge, et se tint par certain temps entour les païs de Poictou et d’Anjou, et pour avoir vivres et patiz pour les soustenir et entretenir jusques au retour de son dit feu maistre, et jusques à ce qu’il eust nouvelles de lui commant il avoit à besongner, icellui suppliant envoya certaines cedulles en plusieurs villaiges estans ès diz païs de Poictou et d’Anjou, et manda aux habitans estans en icelles qu’ilz se venissent appatisser à lui, ou que lui et sa dicte compaignie yroient logier ès diz villaiges. Durant [p. 120] lequel temps qu’il tenoit ainsi les champs, nostre très chier et très amé filz le daulphin de Viennois, que envoyasmes en nostre païs de Poictou3, pour oster les pilleries et faire vuidier les gens de guerre qui estoient en icellui, après ce qu’il fut venu à sa congnoissance que le [p. 121] dit suppliant tenoit ainsi les champs et appatissoit nos diz païs, envoya prandre le dit suppliant, et fut mené prisonnier ou chastel de Montagu4, où lors nostre dit filz et son conseil estoient. Et pour ce que les gens du dit conseil d’icelui nostre filz, devant lesquelz il fut mené, le vouloient questionner et examiner sur les choses dessus dictes, et doubtant qu’on voulsist rigoureusement proceder par justice à l’encontre de lui, et pour eschever les perilz et dangiers qui eussent peu avenir en sa personne, il rompy la prison où il estoit et s’en eschappa, combien que de chose qu’il eust fait il ne cuidoit point avoir mesprins ne en estre reprins, veu l’adveu qu’il avoit de son dit feu maistre. Et avecques ce, à l’occasion de ce que ung nommé Philippon François et Macée Françoise, sa suer, eulx disans cousins et heritiers de feu maistre Maurice Hubert5, avoient paravant ce mis en procès le dit suppliant [p. 122] par devant nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant, à cause de certains heritages assis en nostre païs de Poictou, que avoit ja pieça baillez apperpetuité, à certains tiltres et moyens, au dit suppliant feu Anthoine Hubert, qui disoit iceulx heritaiges à lui competter et appartenir, comme vray heritier du dit maistre Maurice, et desquelz le dit suppliant avoit joy paisiblement l’espace de quatre ans et plus, et jusques à son dit empeschement de prison, et que durant icellui procès, ou quel avoit esté procedé par plusieurs journées devant nostre dit seneschal ou son dit lieutenant, icellui Phelippon se fist mettre en nostre sauvegarde contre le dit suppliant. Lequel, depuis qu’elle lui fut notiffiée, et depuis son dit eschappement de prison et qu’il lui fut rapporté que le dit Phelippon avoit, durant son dit empeschement, telement procedé par contumaces à l’encontre de lui, que par deffaulx il l’avoit subcombé et obtenu gaing de cause contre lui, et que encores non content de ce et qu’il eust et detenist les diz heritaiges, il s’efforçoit et mettoit toute peine et diligence de destruire de tous poins le dit suppliant, et sy le menaçoit de faire grief de son corps, dont le dit suppliant estoit très fort yré et courrocié. Monta ung jour dont il n’est recors à cheval, lui et ung sien varlet, cuidant corrompre son courroux, et s’en ala en son hostel vers sa femme ; et en y alant, passa par l’ostel dont le dit procès sordy et rencontra en son chemin, en ung champ hors dudit hostel le dit Phelippon, qui ainsi l’avoit menacié ; lequel il ne cuidoit point trouver. Entre lesquelz Phelippon et suppliant se meurent paroles et tellement que le dit suppliant lui bailla plusieurs cops de son espée et d’icelle le bleça jusques à effusion de sang. Et si print le dit varlet d’icellui suppliant, en la manche du dit Phelippon, pluseurs lettres royaulx et autres, les quelles il apporta au dit suppliant, son maistre, qui ne savoit que c’estoit ; et incontinant il qui n’est point clerc et lui estant encores [p. 123] meu et eschauffé du dit debat, les geta en ung feu, cuidant non mesprandre, se non envers le dit Phelippon. Et tantost après se party et absenta du païs et s’en ala en nostre service en nostre ville de Louviers6, en laquelle il s’est tousjours depuis tenu et encores fait de present, en exposant chascun jour son corps et faisant fait de guerre de tout son povoir à l’encontre de noz anciens ennemis et adversaires les Anglois. Et se doubte que, à l’occasion des choses dessus dictes ; il ait esté appellé aux droiz de justice et qu’on ait procedé ou vueille l’en proceder contre ses personne et biens par ban et autrement, par quoy il n’oseroit retourner ne converser au païs, ne aler veoir sa femme et mesnage, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie. En nous humblement requerant que, attendu ce que dit est et que ce qu’il fist, durant le temps qu’il tint les champs ès diz païs de Poictou et d’Anjou, fut par l’adveu et commandement du dit feu sire de Raiz, et au regard du dit eschappement de prison, fut pour eschever le peril et dangier de sa personne, et que en tous autres cas il a tousjours esté de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans oncques mais avoir esté actaint ou convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, et nous a bien et loyaulment servy ou fait de noz guerres, sans jamais avoir adheré ne tenu autre party que le nostre, il nous plaise les faiz et cas dessus diz, ensemble les circonstances et deppendences lui remettre, quicter et pardonner, et le restituer et remettre à ses biens, droiz et actions, et sur tout lui impartir nostre grace. Pour ce est il que nous, ces choses considerées et les bons et aggreables services que le dit suppliant nous a faiz le temps passé en noz guerres, à l’encontre de nos diz ennemis et autrement, en [p. 124] maintes manieres, fait chascun jour et esperons que encores face, etc., à icelluy suppliant avons les faiz et choses dessus dictes, etc., quictées, remises et pardonnées, etc. Sy donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, etc. Donné à Saint Denis en France, ou mois de juing l’an de grace mil cccc. quarante ung et de nostre regne le xixe.
Ainsi signées : Par le roy, le sire de Saintrailles7, et autres presens. D. Budé. Visa.