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MXLIX

Rémission accordée à Jean Giffondeau, cordonnier de Chauray, ancien fermier des aides en plusieurs paroisses des châtellenies de Saint-Maixent et du Bois-Pouvreau, où il s’était ruiné. Il avait fait fabriquer par un graveur de Poitiers un sceau dont il se proposait de faire usage pour de faux mandements destinés à contraindre ses anciens débiteurs à s’acquitter envers lui.

  • B AN JJ. 176, n° 382, fol. 268 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 127-130
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Giffondeau, povre jeune homme, cordouannier, natif de la parroisse de Chaurray près Nyort en Poictou, chargié de femme et de trois petiz enfans, contenant que, comme le dit suppliant ait eu, tenu et affermé ou temps passé plusieurs fermes des impositions mises sus de par nous de douze [p. 128] deniers pour livre sur toutes denrées et marchandises, et aussi du viiie du vin vendu à detail en plusieurs parroisses assises environ les chastellenies de Saint Maixent et du Bois Povreau, èsquelles fermes il a beaucop perdu, et lui en est deu encores plusieurs restes, et lui a convenu que, pour paier les dictes fermes à noz officiers et receveurs, qu’il ait vendu la plus part de ses biens et heritaiges. Et pour ce qu’il n’avoit pas fait convenir dedens le temps des dictes fermes ses diz debteurs et que après il ne le povoit faire, comme il lui sembloit, sans noz lettres de provision ou de noz esleuz sur le fait de nos aides ou dit païs de Poictou. Pour laquelle cause et afin de contraindre iceulx ses debteurs à lui paier les restes d’icelles fermes, lui estoient necessaires avoir plusieurs mandemens ou commissions de nos diz esleuz, lesquelz mandemens le dit suppliant pour sa povreté n’eust peu paier ne fournir aux despenses qu’il lui eust convenu faire à la poursuite des dictes choses, le dit suppliant se feust trait à Poictiers, devers ung graveur de seaulx nommé Chavrouche1, dès environ la my aoust derreniere passée, et lui bailla à faire ung seel de la grandeur d’un petit blanc de cinq deniers, en ayant entencion pour eschever les dictes despences d’en vouloir seeller ou faire seeller les diz mandemens, et encharga au dit graveur [p. 129] qu’il meist ou dit seel ung escu à trois fleurs de liz et la lettre à l’environ : Karolus, Dei gracia Francorum rex, pour certain pris et somme d’argent qu’il en paya au dit graveur. Et quant le dit seel fut fait, le dit suppliant le ala querir à l’ostel du dit Chavrouche, et en le prenant du dit graveur, aucuns noz sergens et officiers au dit lieu de Poictiers survindrent illec, qui trouverent le dit suppliant saisi d’icellui seel, sans ce toutesvoies qu’il en eust oncques usé ne seellé aucune chose, le prindrent au corps et le menerent prisonnier en noz prisons de la conciergerie du dit lieu de Poictiers. Et incontinent que le dit suppliant fut illec amené, fut par le lieutenant de nostre seneschal au dit lieu de Poictiers interrogé et enquis par serement de dire verité et quelle entencion il avoit. Auquel fist response et confessa que le dit seel duquel il avoit esté trouvé saisi, il l’avoit fait faire pour ung sien frere, nommé Pierre Giffondeau, sergent du dit lieu de Chaurray, qui, ainsi qu’il disoit, lui avoit chargié de le faire faire, combien qu’il n’en estoit riens. Pour occasion du quel cas il fut dès lors detenu prisonnier ès dictes prisons de la conciergerie, où il a tousjours depuis esté et encores est à present en grant povreté et misere et en voye d’y finir brief miserablement ses jours, se nostre grace et misericorde ne lui est sur ce impartie, si comme il dit, en nous humblement requerant que, attendu qu’il a tousjours esté de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sans oncques mais avoir esté actaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, et aussi que pour le dit cas, il a souffert et enduré grant povreté et misere ès dictes prisons, et en faveur mesmement de ses diz povre femme et petiz enfans, lesquelz à ceste cause sont comme mendians et orphelins, nous lui vueillons sur ce impartir icelle nostre grace. Pour ce est il que nous, consideré ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, à icellui Jehan Giffondeau suppliant avons ou cas [p. 130] dessus dit quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Amboise, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc. quarente et ung, et de nostre regne le xxme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Ja. Aude. — Visa. Contentor. E. du Ban.


1 Jean Audebert, dit Chaveroche, de Poitiers, avait été constitué prisonnier en vertu de lettres obtenues par Jacques Jouvenel des Ursins, évêque de Poitiers, « occasione certorum magnorum et enormium criminum, excessuum, delictorum et maleficiorum per ipsum commissorum » (ils ne sont pas spécifiés autrement), et était mené sous escorte à Paris, pour être incarcéré à la conciergerie du Palais, quand son frère Me Guillaume Chaveroche, ayant attaqué ceux qui le conduisaient et blessé grièvement d’un coup de dague le sergent royal, parvint à le délivrer. Le Parlement décréta les deux frères de prise de corps, le 20 juillet 1456, puis, le 28 décembre suivant, les coupables ayant échappé à toutes les recherches, vu les informations faites contre eux, un nouveau mandement fut adressé par la cour au premier huissier ou sergent sur ce requis pour s’emparer d’eux, partout où ils pourraient être trouvés, ou les ajourner à cri public, sous peine de bannissement et de confiscation. (Arch. nat., X2a 27, fol. 161 et 238 v°.) Le graveur de sceaux nommé ici était sans doute parent de ces deux frères Chaveroche.