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Lettres d’abolition données en faveur de Bertrand de Chanac, écuyer, capitaine de Château-Larcher pour le seigneur du lieu, de tous les excès, rançonnements et exactions dont il s’est rendu coupable dans ladite place.
- B AN JJ. 178, n° 132, fol. 82
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 408-413
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre amé Bertran de Chanac, escuier, contenant que despieça le seigneur de la place de Chastelachier1 en Poictou lui bailla [p. 409] l’administracion et garde d’icelle place, laquelle il a tenue et gardée jusques au decès dudit seigneur, sans pour ce avoir eu aucuns gaiges d’icellui seigneur ne d’autre, ne autres proufiz que les droiz de guetz appartenans en la dicte place, qui estoit pou de chose au regard des despenses, fraiz et mises qu’il a convenu faire audit suppliant, à cause de ladicte garde ; par quoy il ne se y est peu si [p. 410] licitement entretenir qu’il eust bien voulu, et a fait et souffert faire par ceulx qui estoient avecques lui en ladicte place et autrement plusieurs extorcions et prinses de biens, utenciles d’ostel et autres choses sur plusieurs noz subgiez, et mesmement le temps pendant qu’il estoit comme capitaine en icelle place, pour ce que aucunes gens qui y avoient certains leurs biens retraiz, avoient batu ung des [p. 411] gens de la garde d’icellui chastel telement que on esperoit qu’il decedast, le dit suppliant, par le commandement dudit seigneur de la dicte place ou autrement, fist prendre et porter ou donjon d’icelle place tous les biens qui appartenoient à icelles gens, qui à present en font question à icellui suppliant. Et avecques ce il, congnoissant qu’il avoit deux filles, pupilles en la terre et seigneurie d’icellui seigneur de Chastellachier, il fist mener l’ainsnée d’icelles filles en la dicte place, avec une damoiselle de bien, pensant qu’elle se voulsist condescendre à mariage selon le plaisir et voulenté d’icellui seigneur, ce qu’elle ne voult faire ; et pour ce s’en retourna en son hostel et fut mariée ailleurs à sa voulenté. Et aucun temps après, vint à la congnoissance d’icellui seigneur de Chastellachier que le mary d’icelle fille avoit trouvé certaine somme d’or et d’argent ou vielles murailles, en la dicte seigneurie de Chastellachier ; pourquoy icellui seigneur, auquel les espaves qui adviennent en sa seigneurie appartiennent, fist venir devers lui en la dicte place icellui mary de ladicte fille et le fist composer, pour raison d’icellui or et argent trouvé, à lui pour la somme de dix huit escuz d’or, à certain jour nommé, auquel il ne paya ladicte somme ; et pour ce ordonna icellui seigneur audit suppliant et à son receveur qu’ilz le feissent paier d’icelle somme de dix huit escuz ; laquelle chose fist le dit suppliant et receut pour le dit seigneur la dicte somme de xviii. escuz. Et oultre plus, pour ce que ung autre homme qui avoit retrait de ses biens en la dicte place et avoit procès au seigneur d’icelle, pour cause de certains devoirs qu’il ne vouloit paier audit seigneur, et ne vouloit aussi paier sa porcion de certains fraiz qui avoient esté faiz par le dit suppliant, pour faire remettre en point et usaige certains habillemens de guerre estans en icelle place, icellui suppliant saisi et arresta certains biens appartenans audit homme, et tant qu’il lui fist paier ce qu’il en devoit. Et depuis ces choses ainsi advenues, [p. 412] mandasmes et ordonnasmes mettre gens de guerre en garnisons ès places d’icellui païs, pour faire faire guerre à aucuns qui pour lors occuppoient contre nostre voulenté la forteresse de Gençay2 ; lesquelz gens de guerre vivoient sur le païs gracieusement. Si mist icellui suppliant des gens de guerre en la dicte place de Chastellachier, qui se y tindrent par aucuns temps et vesquirent sur les habitans dudit païs et ès environs, en faisant guerre aus diz adversaires et prenans gens prisonniers et raençonnans les biens, vivres et autres choses, prenans patiz sur le pays, occuppé par les diz adversaires, environ le dit Gençay, et autrement, ainsi que faisoient iceulx adversaires sur les tenans nostre party, et à l’environ dudit Chastellachier. Après lesquelles choses passées, le dit seigneur de Chastellachier obtint de nous don de certaine somme de deniers, à icelle avoir sur la taille pour lors de par nous imposée en sa seigneurie de Chastellaicher. Et pour ce qu’il eut besoing d’argent, il commanda audit suppliant qu’il fist diligence d’avoir argent par les commissaires ordonnez à lever icelle taille, ce que fist ledit suppliant. Mais le dit seigneur de Chastellachier ne fist nulle diligence de recouvrer acquict pour les diz commissaires, qui pour ce font question audit suppliant de la somme qu’ilz lui baillerent, ainsi que dit est. A l’occasion desquelz cas, ainsi que dessus est declairé, commis et perpetrez, le dit suppliant [p. 413] est à present poursuy par plusieurs personnes, et pourra plus encores estre ; et doubte que icelles personnes le vueillent mettre et envelopper à ceste cause en plusieurs et sumptueux procès et en divers lieux, se par nous ne lui estoit sur ce donnée provision, si comme il dit. Nous humblement requerant que, eu regard aux services par lui à nous faiz ou fait de noz guerres contre les diz adversaires, qui adoncques estoient audit Gençay, que en plusieurs lieux de nostre royaume, et aussi que en soy exposant en nos diz services, il n’a eu de nous aucun don ou bienfait, qu’il a tousjours tenu nostre party sans varier, et que avons donné abolicion generalle à tous les gens d’armes et de trait qui se sont exposez en nostre dit service ès dictes guerres, il nous plaise sur ce lui impartir nostre grace. Pour quoy nous, ayans consideracion aux services à nous par le dit suppliant faiz, ainsi que par aucuns de noz serviteurs estans autour de nous en avons esté informez, etc., avons audit suppliant aboly, quicté, remis et pardonné, etc., reservé meurdre, ravissement de femmes ou de filles, sacrilege et boutement de feux, que ne voulons estre comprins en ceste nostre presente abolicion, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou mois de fevrier l’an de grace mil cccc. quarante et six, et de nostre regne le xxvme.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. De la Loere. — Visa. Contentor. P. Le Picart.