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MXLVIII

Rémission octroyée à Pierre Texier, de Ruffigny, coupable de différents vols, de complicité avec des gens de guerre de Poitou.

  • B AN JJ. 176, n° 59, fol. 41
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 124-127
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Pierre Texier, laboureur, demourant à Ruffigné près Saint Maixant en nostre païs de Poictou, aagé de xxxii. ans ou environ, povres homs chargié de femme et de petiz enfans, contenant que, environ la saint Jehan Baptiste derrenierement passée ot ung an, ledit suppliant qui avoit et a perdu le sien pour les guerres et divisions qui ont esté au dit lieu de Saint Maixent et environ, et par raençonnemens de gens d’armes et autrement, se transporta en la Riviere de Ruffigné, en la compagnie de genz de guerre qui lors estoient à Mauzé pour nous en garnison, durans les dites guerres et divisions, et illec prindrent une jument, laquelle estoit à ung gentil homme du païs, du nom duquel de present ne se recorde. Laquelle jument ledit suppliant mena [p. 125] vendre à Fontenay le Conte ; au quel lieu il la vendi à ung marchant duquel il ne scet aussi le nom. Et pour ce que après ledit larrecin fait, ledit gentilhomme fist demande et poursuite de sa dicte jument, icellui suppliant, soy doubtant de la dicte poursuite, embla de rechief ladicte jument audit marchant qui l’avoit achettée de lui trois reaulx et la rendit audit gentilhomme. Et aussi ung an et demy a ou environ, ledit suppliant se transporta environ Pousauges, et illec embla deux beufz lesquelz il ne savoit à qui ilz estoient. Et pareillement, le jour de saint Pierre derrenierement passé, vindrent au molin de Candé, où estoit ledit suppliant, ung nommé Henry et Raoulet de Caley1, compaignons de guerre, environ heure de mynuit, lesquelz distrent audit suppliant qu’il alast avecques eulx à Artenay pour prendre deux jumens qui estoient à ung nommé Mery Martin ; lequel leur respondi qu’il estoit content de y aler. Et lors se mistrent tous ensemble à chemin, et quant ilz furent audit lieu d’Artenay, le dit suppliant enseigna et monstra la maison du dit Martin aux dessus diz, en laquelle estoient les dictes jumens ; et lors les diz Henry et Raoulet entrerent en la dicte maison et prindrent les dictes deux jumens, lesquelles ilz emmenerent à l’ostel du dit suppliant. Et quant ilz furent audit hostel, distrent à icellui suppliant que ilz s’en vouloient aler à Faye sur Ardin, pour vendre les dictes jumens, et incontinent qu’elles seroient [p. 126] vendues, ilz lui envoirroient sa part du butin. Et atant se departirent d’ensemble, prenans congié dudit suppliant, et emmenerent les dictes jumens. Et par aucun pou de temps après la dicte feste saint Pierre, le dit suppliant se transporta à Puy de Cerre près Vouvent ou dit païs de Poictou, pour trouver les diz Henry et Raoulet de Caley, pour avoir sa partie du dit butin des dites jumens prises au dit lieu d’Artenay. Auquel lieu de Puy de Cerre il trouva ledit Henry, qui illec avoit autres deux jumens qu’il avoit emblées auprès du Gué de Voluyre, lesquelles il bailla au dit suppliant pour mener à son hostel et les vendre à moitié de gaing. De quoy icelui suppliant se charga, combien qu’il savoit bien certainement qu’il les avoit emblées. Et sur ce se departit du dit Henry et mena les dictes jumens en son hostel. Et pou de temps après les dictes choses faictes, le dit suppliant a esté prins, saisi des dictes jumens et mené prisonnier en noz prisons de Saint Maixent, et icelles jumens prises et emmenées par ceulx qui le prindrent, ès quelles prisons il est encores detenu à grant povreté et misere. Pour occasion desquelles choses le dit suppliant est en voye de miserablement finer ses jours, et ses diz femme et enfans de querir et mendier leurs povres vies, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace, si comme il dit, requerant humblement que, comme les diz cas et choses dessus declarez le dit suppliant ait fait par povreté et indigence de lui et de son dit mesnage, et à ce condescendu par mauvais inductions et par le conseil des diz Henry et Raoulet de Caley, compaignons de guerre, et que en tous autres cas il ait esté et soit de bonne vie, renommée, non actaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ne reprouche, nous sur ce lui vueillons impartir nostre dicte grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit suppliant avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, [p. 127] à nostre seneschal de Poictou ou à son lieutenant, et à tous noz autres justiciers et officiers, etc. Donné à Pontoise, ou mois de septembre l’an de grace mil cccc. xli, et de nostre regne le xixe, seellées de nostre seel ordonné en l’absence du grant.

Ainsi signées : Par le roy, le conte de Tancarville2, l’admiral3, maistre Regnier de Boullegny4, et plusieurs autres presens. Burdelot.

Visa. Contentor. M. de la Teillaye.


1 Une famille de Calais (Caloys, Calaix), originaire de Sauzé, était établie au xve siècle dans la région voisine. Le premier membre connu, Guillaume, écuyer, demeurant à Sauzé, rendit aveu au duc de Berry, comte de Poitou, le 27 octobre 1404, de son hébergement de Puy-Boyer (auj. Puy-Danché) mouvant de Civray. (Copie du Grand-Gauthier, Arch. nat., R1* 2172, p. 1205.) Le même, dont le nom est écrit « Guillaume Caloys », paya, le 12 septembre 1418, à Pierre Morelon, receveur du dauphin Charles en son comté de Poitou, 60 sous de devoir pour ledit hébergement du « Puy-Bohier, sis en la parroisse de Vaussay », et plusieurs autres menus fiefs en la châtellenie de Civray. (P. 1144, fol. 65.) « Raoulet de Caley » appartenait peut-être à cette famille noble, sur laquelle on peut consulter la nouv. édit. du Dictionnaire des familles du Poitou, t. II, p. 118, 119.

2 Guillaume d’Harcourt, comte de Tancarville, vicomte de Melun, baron de Montgommery, seigneur de Montreuil-Bellay, etc., fils de Jacques II d’Harcourt, baron de Montgommery, et de Marguerite de Melun, comtesse de Tancarville, sa seconde femme, rendit de grands services à Charles VII contre les Anglais et l’assista aux sièges de Montereau (1437), de Pontoise (1441), de Rouen (1449), de Caen, Falaise, Cherbourg et Saint-Sauveur-le-Vicomte (1450), etc. On le trouve qualifié souverain maître et général réformateur des eaux et forêts de France dans des actes des années 1452 et 1453. Il vécut jusqu’en 1487. (Cf. le P. Anselme, t. VIII, p. 898.)

3 Prégent de Coëtivy, amiral de France depuis 1439.

4 Renier de Bouligny ou Boullegny (ci-dessus, p. 22, note 2).