MLV
Don à Charles d’Anjou, comte du Maine, du comté de Gien et des villes de Saint-Maixent, Melle, Civray, Chizé, Sainte-Néomaye.
- B AN JJ. 176, n° 178, fol. 121
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 146-152
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et advenir, comme dès le temps de nostre jeune aage, que feusmes par mariaige conjoings avecques nostre très chiere et très amée compaigne la royne, nous feussions trouvé present à la naissance de nostre très chier et très amé frere et cousin Charles d’Anjou, à present conte du Maine et de Mortaing1, [p. 147] qui dès l’eure de sa nativité [par] feue de bonne memoire nostre très chere et très amée mere Yolant, en son vivant royne de Jherusalem et de Sicile, sa mere, nous fut donné et baillé en especial recommandacion ; lequel, incontinent et si tost qu’il fut en aage d’avoir congnoissance des grans afferes que pour lors avions, à l’occasion des guerres de nostre royaume, et qu’il eut puissance de suivir les armes, se tira devers nous et en nostre service, ouquel jusques à present s’est continuellement tenu sans departir, et en touz voyaiges, armées et entreprises que nous avons depuis faictes, se est employé de corps, de chevance et de touz ses autres biens, tant que possible lui a esté, sans riens y espergnier ne avoir regart à domage ou autre inconvenient qui pour ce lui peust advenir, en demonstrant et desclairant par effect la vraye, parfaicte, naturelle et singuliere amour qu’il avoit à nostre personne et au bien et exaltacion de nostre seigneurie, pour laquelle à son povoir relever et descharger des oppressions et domaiges que noz anciens ennemis les Angloys y ont faiz et chascun jour s’efforcent de faire, icelui nostre frere et cousin desirant, ainsi que par experience il a bien monstré, l’expulsion, deboutement et confusion d’iceulx, a dès longtemps de lui meismes et comme nostre lieutenant general sur le fait de la guerre ès païs d’Anjou et du Maine et de la Basse Normandie, entretenu les gens estans ès frontieres des pays dessus diz et encores entretient, et en iceulx fait plusieurs belles destrousses et rencontres sur nos diz ennemis ; et qui plus est, depuis grant temps en ça, non sans grans labeur, paine, travail et soussy, a vertueusement soustenu et encores soustient le fait des frontieres de Evreux, Pontoise, Louviers et autres places estans de present en la frontiere de nosdiz ennemis dudit païs de Normandie. Et d’abondant, pour plus soy monstrer afectionné en nostre dit service et avoir noz afferes à cuer, a tousjours entretenu plusieurs cappitaines et gens de guerre qui continuelment [p. 148] nous ont obei, servi et servent à touz les sieges et entreprises que nous avons faictes à l’encontre de nos diz ennemis ; à l’occasion desquelles charges lui a convenu et convient faire et supporter, en oultre les inestimables perilz de sa personne, plusieurs grans fraiz, mises et despens, sans ce que par nous pour le temps passé ait esté soustenu, payé ne souldoyé, ou avoir eu aide que de po de chose, ne les diz services estre recongneuz ou pour ce fait aucune recompense jusques à present, ainsi que nous y repputons bien à tenuz. Pour quoy nous, aians consideracion ès choses dessus dictes, à la proximité du lignage et affinité en quoy nous attient icelui nostre dit frere et cousin, frere germain de nostre dicte compaigne, et que la plus grant partie de sa terre et seigneurie patrimonial est à present occuppée par nos diz anciens ennemis, et aussi que de ce nous a très humblement et instamment supplié et requis nostre très chier et très amé ainsné filz, le daulphin de Viennoys, affin de tousjours le esmouvoir et astraindre à soy employer de bien en mieulx en nostre dit service et donner aux autres exemple de pareillement faire, à icelui nostre dit frere et cousin, pour ces causes et autres, eu sur ce premierement l’advis et deliberacion des gens de nostre grant conseil, et pour plusieurs consideracions à ce raisonnablement nous mouvans, avons aujourd’uy, de nostre certaine science, puissance especial, grace et auctorité royal, baillé, donné, cedé, transporté et delaissé, baillons, donnons, cedons, transportons et delaissons par ces presentes perpetuelment, par heritaige et à tousjours mais, par donnaison vallable faicte entre les vifs, pour lui, ses hoirs et successeurs masles, descendans legitimement de sa char, et les heritiers masles legitimes descendans d’eulx, tant qu’il y en aura aucuns, pour le temps advenir, les choses et seigneuries qui s’ensuivent et en après desclarées, c’est assavoir les conté, terre et seigneurie de Gien sur Loire, les chasteaux, villes, terres [p. 149] et seigneuries de Saint Maxent, Melle, Civray, Chizet et Saincte Neomaye2, situez en nostre païs de Poictou, avecques toutes et chascunes leurs appartenances, appendences et deppendences, tant qu’ilz se pevent comporter en long et en large, avec les fons, treffons, fruictz, proffiz, revenues et emolumens, tant en cens, rentes d’argent, de [p. 150] vin, de grain que d’autres choses, hommes et femmes de corps, estangs, eaux, moulins, forestz, boys, prez, dismes, champs, pastures, collacions de benefices, nominacions d’offices qui sont en nostre collacion, fiez, arrierefiez, haulte justice, basse et moyenne, et touz autres droiz et seigneuries que nous avons et avoir povons de droit et de coustume èsdiz conté de Gien, chasteaux, villes et terres dessus dictes, et en chascune d’icelles, sans riens en retenir à nous ne à noz successeurs, en quelque maniere que ce soit, excepté les foiz et hommaiges qu’il et ses successeurs fera à nous et aux nostres, ressort et souveraineté, ensemble les foy et homage qui nous sont deuz à cause des chastel, terre et seigneurie de Partenay, s’ilz sont tenuz de nous, à cause d’aucunes desdictes places, terres et seigneuries tant seulement. Pour toutes lesdictes conté, terres et seigneuries dessus dictes et chascune d’icelles par nous données, baillées, cedées, transportées et delaissées à nostre dit frere et cousin, par la forme et maniere que dit est, avoir, tenir doresnavant et possider comme son propre heritaige et demaine à tousjours mais perpetuelment ; et dès maintenant par la tradicion de ces dictes presentes l’en laissons et faisons vray seigneur, proprietaire et ususfruitier, et nous en desvestons du tout et revestons nostre dit frere et cousin, ses diz hoirs et successeurs masles legitimes, descendans de sa char, et les heritiers masles descendans d’eulx pour le temps advenir. Voulans et expressement consentans qu’il en ait et puisse avoir incontinent, ou quant bon lui semblera prendre et apprehender par luy, ses procureurs ou commis, la possession actuelle, reelle et corporelle. Si donnons en mandement, par la teneur de ces dictes presentes, à nos amez et feaulx les gens tenans nostre Parlement, les gens de noz comptes, les generaulx conseillers par nous ordonnez sur le fait et gouvernement de toutes noz finances, les ballifs de Montargis, de Berry, seneschal de Poictou, les tresoriers sur le fait de nostre [p. 151] demaine, receveur general de toutes nos dictes finances, et à touz noz autres officiers, justiciers, presens et advenir, à leurs lieuxtenans et commis, et à chascun d’eulx, ausquelx appartendra, que de nostre dit don, cession et transport laissent, facent et seuffrent, chascun en droit soy, nostre dit frere et cousin, ses hoirs et successeurs masles, descendans de sa char par mariaige, et les heritiers masles descendans legitimement d’eulx pour le temps advenir, des diz conté de Gien, chasteaux, villes, terres et seigneuries de Saint Maxent, Melle, Civray, Chizec et Saincte Neomaye, ensemble de toutes et chascunes leurs appartenances, appendences et deppendences, joïr et user plainement et paisiblement, sans en ce les perturber ou empeschier en aucune maniere ; car ainsi nous plaist il et voulons estre fait. Et sur ce imposons silence perpetuel à noz advocat et procureur, et à touz noz autres justiciers et officiers, non obstant quelzconques edictz et ordonnances par nous ou aucuns de noz predecesseurs faictes de non desmembrer, vendre, donner, aliener ou transporter nostre demaine ; lesquelles, au regart de cestre nostre presente concession, de nostre plaine puissance et auctorité royal, ne voulons avoir lieu, ne sortir son effect aucunement, dons, pensions, provisions et biensfaiz autresfois par nous faiz ou à faire à nostre dit frere et cousin, et quelxconques autres choses à l’execucion de ces dictes presentes contraires. Ausquelles, en tesmoing de verité et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel ordonné en l’absence du grant. Sauf et reservé en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Montaulban, ou moys de fevrier l’an de grace mil cccc. quarante et deux, et de nostre regne le xxie3.
[p. 152] Ainsi signé : Par le roy en son grant conseil, ou quel monseigneur le daulphin, le conte de la Marche4, l’arcevesque de Vienne5, l’evesque de Magalonne6, l’admiral et plusieurs autres estoient. J. de la Loere. Visa.