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MCXIV

Lettres d’abolition octroyées à Pierre Pommier, de Ménigoute, homme d’armes de la compagnie du sire de Culant, pour tous les excès dont il s’est rendu coupable durant les guerres.

  • B AN JJ. 178, n° 105, fol. 69
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 347-349
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l’umble supplicacion de Pierre Pommyer1, homme de guerre, natif de nostre pays de Poictou, de la parroisse de Menigoute, estant à present de la retenue [p. 348] et compaignie de nostre amé et feal chevalier, conseillier et chambellan, le sire de Culant2, contenant que, comme il nous ait par longtemps servi ou fait de noz guerres, tant en la compaignie dudit sire de Culant que de plusieurs autres capitaines, et lui estant en nostre service et en la compaignie des diz capitaines, a en ce royaume sur plusieurs noz subgiez estans et demourans en plusieurs et divers païs d’icellui, pillé, robé, destroussé marchans, batu et navré gens de divers estaz, raençonné gens, villes, villaiges, chevaulx, beufz et autre bestial gros et menu, et fait plusieurs autres grans maulx dont il ne lui souvient, et lesquelz cas il ne sauroit ne pourroit reciter. A l’occasion desquelz maulx et dommaiges ainsi faiz à nos diz subgiez, il doubte que ou temps à venir on lui en voulsist aucune chose demander, et pour ce nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu qu’il nous a le temps passé bien et loyaument servi ou fait de noz guerres, sans avoir jamais tenu autre party que le nostre, et que les maulx qu’il a ainsi faiz a esté à l’occasion de nostre dit service et parce qu’il n’avoit de nous aucuns gaiges, souldes ne autres biens faiz dont il se peust entretenir en nostre dit service, que de [p. 349] sa voulenté il faisoit et pour soy plus honnorablement entretenir en nostre dit service, il a fait lesdiz maulx, et aussi qu’il nous a pleu octroyer abolicion generale à tous les compaignons et gens de guerre qui nous ont servy oudit fait de la guerre, qui se vouldront retraire et vivre ainsi que gens de bien doivent faire, sans plus retourner à la pillerie ne continuer la mauvaise vie qu’ilz ont menée le temps passé ; et que ledit suppliant est du tout deliberé et disposé, à l’aide de Dieu, de bien vivre et de soy garder de plus rencheoir ès maulx qu’il a faiz, ne en aucuns d’iceulx, qu’il nous plaise lui extendre nostre grace et misericorde sur ce. Pour quoy nous, ces choses considerées et les bons et agreables services que ledit suppliant nous a faiz le temps passé ou fait de noz guerres, et esperons que encores face ou temps avenir, voulans en ceste partie, en faveur des choses dessus dictes, misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit suppliant avons quicté, remis, pardonné et aboly, etc., excepté toutesvoyes meurdre d’aguet apensé, ravissement de femmes, violé eglises et boutemens de feux, lesquelz quatre cas ne voulons estre comprins en ceste presente abolicion. Si donnons en mandement à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. quarante six, et de nostre regne le xxiiiie, après Pasques.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rolant. — Visa. Contentor. P. Le Picart.


1 Le registre JJ. 178 contient des lettres semblables et de même date, en faveur d’un Étienne Pommyer, peut-être parent de celui-ci ; mais elles sont conçues en termes vagues, ne permettant pas d’identifier sûrement le personnage et ne donnant pas de renseignements précis sur les expéditions auxquelles il prit part. Elles sont adressées à la fois au prévôt de Paris, aux baillis de Vermandois, de Sens et de Saint-Pierre-le-Moutier, aux sénéchaux de Poitou et de Limousin. (N° 70, fol. 43 v°.) — Un Christian Pommier (aliàs Paulmier), écuyer, sr de Seyvre, ayant pour femme Jeanne Légier et vivant le 8 mai 1498, est dit fils de feu Pierre Pommier et de Marie du Retail, celle-ci alors remariée à Jacques de Poignes, écuyer, sr de la Chapelle. (Voy. A. Richard, Inventaire des arch. du château de la Barre, t. I, p. 140, 148, ouvrage dans lequel sont nommés plusieurs autres membres de la famille Pommier.)

2 Charles seigneur de Culant, neveu de l’amiral Louis de Culant, chambellan du roi, gouverneur de Mantes et de Paris, mort en 1460. Il s’était distingué, sous les yeux de Charles VII, au siège de Montereau (sept. 1437). Nommé grand-maître de France en 1449, il fut dépouillé de cet office l’année suivante, à la suite de malversation dans le maniement des fonds destinés à la solde des troupes. Des lettres lui furent accordées, à Tours, au mois de mars 1451 n.s., portant remise des peines qu’il avait encourues pour ce crime et aussi pour avoir prêté l’oreille, à l’âge de 18 ou 19 ans et n’étant que sr de la Crète, à un projet formé contre la vie de son oncle l’amiral. Un nommé Guillaume Pepin lui avait proposé de prendre Louis de Culant et de le faire étrangler, afin d’hériter de toutes ses terres et possessions, « à quoy il presta oreilles et le oy sans le reprimer ». L’amiral depuis se saisit dudit Pepin, l’emprisonna à Châteauneuf, puis au château de la Croisette, et le fit périr sans jugement. Ces lettres ont été publiées par M. Tuetey, Les Écorcheurs sous Charles VII, t. II, p. 449-454. Louis, fils de Charles de Culant, devint seigneur de Mirebeau en 1486, et sa fille Marguerite épousa, le 27 novembre 1455, Louis de Belleville (Harpedenne), dont il sera question dans la suite de notre publication. (Cf. aussi le Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. II, p. 766.)