MCXXXI
Lettres d’abolition générale octroyées à tous les habitants des villes et campagnes du Poitou et aux officiers royaux du pays, moyennant une composition pécuniaire de 18,000 livres.
- B AN JJ. 178, n° 194, fol. 113
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 413-418
Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue [p. 414] l’umble supplicacion des manans et habitans ès bonnes villes et plat pays de nostre pays et conté de Poictou, et aussi de noz officiers oudit pays, contenant que plusieurs des diz habitans ont esté le temps passé commissaires et colecteurs à lever de par nous plusieurs tailles, aides et subsides à nous octroyez et levez en nostre dit pays de Poictou, et que aucunes foiz les diz commissaires et colecteurs ont mis et imposé oultre et par dessus les sommes ausquelles les habitans des chastellenies et parroisses dont ilz estoient commissaires et colecteurs avoient esté tauxez et imposez par noz esleuz de Poictou ou autres commis de par nous, aucunes sommes de deniers ; et icelles sommes ont levées, exigées et applicquées à leur proufit ou autrement en [ont] fait à leur plaisir et voulenté. Ont aussi les aucuns des diz habitans marchandé et donné cours à monnoyes d’or defendues de par nous, en venant contre noz defenses et commandemens. Et avecques ce, ont fait et passé plusieurs contractz fains et simulez, tant en acquisicions de heritaiges, rentes et revenues comme autrement en plusieurs et diverses manieres. Et en oultre ont baillé, presté et avancé argent à heure ou à temps, pour en avoir proufit de ceulx ausquelz ilz le prestoient. Ont aussi les aucuns des diz habitans, officiers, vassaulx et subgiez du dit pays de Poictou commises et perpetrées plusieurs faultes, crimes et abuz en fait de justice, touchant les excecutions de noz tailles et aides, mis et levé de leur auctorité plusieurs tailles, aides, pastiz et autres subvencions, et commis autres cas criminelz, dont la congnoissance appartenoit et devoit appartenir à noz juges. Et pareillement aucuns officiers ont mis et imposé ou consenti mettre et imposer, à la requeste d’autres et sans avoir exprès mandement ou commandement de nous, plusieurs grandes sommes de deniers avec noz tailles, et icelles sommes ont tolleré et souffert prendre sans le nous faire savoir. Et aussi ont levé grandes sommes de deniers soubz couleur des [p. 415] fraiz ou autrement. Ont aussi, eulx et autres, prins et exigé excessifz salaires pour leurs journées, voiages, escriptures, indicacions de procès et autrement en diverses manieres, pour le fait et excercice de justice. Et semblablement aucuns noz receveurs tant des tailles et aides, comme de nostre demaine en icellui pays, ont promis et exigé salaires excessifz de leurs quictances. Et aussi ont les aucuns prins et tenu de nous aucunes fermes à meindres pris qu’elles ne valoient. N’ont aussi noz officiers ordinaires et autres fait diligence et poursuite de noz causes pour actaindre les cas de noz droiz, ne fait telles pugnicions des delinquans, malfaiteurs et detenteurs de noz diz droiz, qu’ilz estoient tenuz faire. Ont aussi recelé et teu aucuns crimes et deliz et autres excès pour argent ou autrement, en telle maniere que les cas sont demourez impugniz et nos diz droiz diminuez, au moins n’ont mis les delinquans et malfaicteurs en telles amendes envers nous que le cas le requeroit. Et souventes foiz ont prins dons d’argent ou autre chose à l’equipolant des diz malfaicteurs et delinquans, et d’autres, pour les mettre et constituer en meindres amendes ou autrement qu’ilz ne devoient estre mis et condempnez, ou pour avoir plus legieres composicions pour les lettres de justice ou expedicion de plusieurs lettres, que avions données à plusieurs des habitans de nostre dit pays de Poictou, et les dictes amendes et composicions, après qu’elles avoient esté adjugées et declairées, ont diminuées et mis après à meindres sommes. Et avec ce, ont recelé et recepté aucuns de noz officiers ou fermiers leurs exploiz et adjournemens, et pour ce faire ont prins proufit des parties. Pour lesquelles causes et autres, les diz supplians doubtent que plusieurs particuliers des diz habitans peussent, à l’occasion des diz cas ou aucuns d’iceulx, cheoir en dangier de justice et d’iceulx estre puniz, se sur ce ne leur estoit pourveu de nostre grace, en nous suppliant et requerant humblement que des diz cas leur vueillons donner abolicion et quictance [p. 416] generale, et tout leur remettre et pardonner, moyennant la somme de dix huit mil livres tournois, laquelle nous ont liberalment offerte pour reparacion et satisffacion des charges et faultes dessus dictes.
Pour ce est il que nous, attendans la grant loyaulté et vraye obeissance que tousjours les diz supplians ont eu envers nous et nostre seigneurie, et les bons et grans services, aides et secours de finances que en maintes manieres ilz nous ont faiz, le temps passé, en noz neccessitez et affaires bien liberalment. Considerans aussi les autres grans charges que ilz ont, ou temps passé, eues et encores de present ont à supporter en plusieurs manieres, tant pour le fait et soustenement de noz gens de guerre et de noz tailles et aides, comme autrement, en maintes manieres ; voulans pour ces causes et autres plusieurs à ce nous mouvans, iceulx estre favorablement traictiez et leur subvenir en leurs besongnes et affaires, par l’advis et deliberacion des gens de nostre grant conseil, avons à iceulx supplians et à chascun d’eulx, de quelque estat ou condicion qu’ilz soient, tant en general que en particulier, quicté, remis, pardonné et aboly, et par ces presentes, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, quictons, remettons, pardonnons et abolissons tous les cas, crimes, deliz, meffaiz, faultes et offenses dessus dictes, que eulx ou aucuns d’eulx ont eu et pevent avoir faiz, commis et perpetrez, en quelque maniere que ce soit, ou temps passé jusques aujourduy, avec toutes peines, amendes et offenses corporelles, criminelles et civiles, et toutes actions et interestz, en quoy ilz ou aucuns d’eulx sont ou pourroient estre encouruz envers nous et justice, à l’occasion des choses dessus dictes, et tout ainsi comme si les cas estoient exprimez et declarez specifiement et particulierement en ces dictes presentes, et sans ce que, ores ne pour le temps avenir, aux dessus diz ou aucuns d’eulx en soit ne puisse estre pour ce par nous ne par justice faicte aucune demande, action, reprouche ne poursuite, au regard [p. 417] de nous et de noz interestz, jaçoit ce que desjà aucuns en soient accusez et traiz en causes et procès ; lesquelz procès nous mettons et voulons estre mis du tout au neant par ces presentes, non obstant que tous les cas, seurprinses, crimes et deliz dessus diz ne soient particulierement speciffiez et declairez en ces mesmes presentes. Et lesquelz habitans, qui ès manieres dessus dictes auroient delinqué contre nous et nostre justice, et dont ilz pourroient estre accusez à l’occasion des dictes choses, leurs circonstances et deppendances, par quelque cause que ce soit, voulons estre quictes et deschargiez entierement, et les en quictons et deschargons absolument et chascun d’eulx, et generalment de tout le temps passé jusques à ores, de tous cas deppendans des choses dessus dictes, moyennant qu’ilz nous paieront la dicte somme de xviiim livres tournois, laquelle voulons estre receue par le changeur de nostre tresor1. Et ne voulons que pour le temps avenir ce leur tourne à charge [ne] reprouche en honneurs, franchises, privileges et libertez, en quelque maniere que ce soit, en les mettant et restituant, en tant que mestier est, à leur bonne fame et renommée et à leurs biens, s’aucuns estoient pour ce prins ou empeschiez. Et voulons et nous plaist, de nostre dicte grace, que ces dictes presentes lettres vaillent et soient de tele valeur et effect, comme de tous les diz cas, crimes et deliz, et aussi les noms et surnoms des diz supplians à qui la chose puet touchier, estoient especialment et particulierement speciffiez, escrips, denommez et declairez en icelles, et sortissent leur planier effect en tous cas, non obstant la dicte specificacion et declaracion des diz cas et crimes, laquelle nous ne voulons aucunement [p. 418] deroguer à la dicte generalité. Et sur ce imposons silence perpetuel à nostre procureur. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans et qui tendront noz parlemens, les gens de noz comptes et tresoriers, au seneschal de Poictou, et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace, remission, pardon et abolicion, facent, seuffrent et laissent joïr et user plainement et paisiblement les diz supplians et chascun d’eulx, comme leur pourra touchier, sans leur faire ne souffrir estre fait, mis ou donné aucuns troubles, molestes ou empeschemens au contraire ; ainçois, se faiz, mis ou donnez leur estoient, en corps ou en biens, le facent reparer, et tout mettre ou facent mettre au premier estat et plaine delivrance, incontinant veues ces presentes. Toutes voyes nous n’entendons pas que, se par informacion deuement faicte, il appert que aucuns noz officiers en recepte ou autres ayent recelé aucuns de noz deniers, et ne nous en aient tenu compte, ainsi qu’il appartient, que, par le moyen de ceste presente abolicion, ilz en demeurent quictes, mais voulons qu’ilz soient tenuz et contrains à les nous rendre et restituer. Et pour ce que de ces presentes l’on pourra avoir à faire en divers lieux, nous voulons que aux vidimus qui faiz en seront soubz seaulx royaux, plaine foy soit adjoustée comme à ce present original. Auquel, afin que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel. Sauf, etc. Donné aux Montilz lez Tours, ou mois de mars l’an de grace mil cccc. xlvi, et de nostre regne le xxvme.
Ainsi signé : Par le roy en son conseil. E. Chevalier. — Visa. Contentor. Ja. de La Garde.