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MXXIX

Confirmation des privilèges et franchises des habitants de l’île de Noirmoutier.

  • B AN JJ. 216, n° 79, fol. 64 ; AN JJ. 224, n° 10, fol. 11 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 28-31
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. A tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Savoir faisons [p. 29] que, ouye par nous l’umble supplicacion de nostre cher et feal cousin, conseillier et grant chambellan, Georges seigneur de la Trimoïlle, de Craon, de Sully et de l’isle de Noirmoustier1, et des povres manans et habitans en ladicte isle, hommes et subgectz de nostre dit cousin, consors en ceste partie, contenant que feu nostre très chier seigneur et pere, cui Dieu pardoint, par l’advis de son conseil et pour les causes contenues plus à plain ès lettres de nostre dit feu seigneur et pere, desquelles la teneur est telle : « Charles, etc.2 », affranchy et exempta les diz habitans, et volt estre tenuz frans et quictez, dès lors en avant, de contribuer aux aides imposées et à imposer en ce royaulme pour le fait de la guerre, lesquelles lettres leur furent veriffiées et expediées par les generaulx conseillers sur le fait des aides lors ayans cours pour le fait de la guerre. Duquel previlege et exempcion ilz ayent joy et [p. 30] usé tout le vivant d’icelluy feu nostre seigneur et pere. Et combien que la cause pour laquelle fut aus diz supplians octroié la dicte exempcion et previlege soit aussi grande de present qu’elle estoit au temps de lors et que noz ennemis depuis deux ans en ça aient courue et arse la dicte isle3, et y pevent venir par mer, quant bon leur samble, à navire et autrement, ainsi que plusieurs foiz ont fait, et que de present les tailles et subcides qui se mettent et sont mises sus de par nous, depuis nostre partement de nostre ville de Paris, nous soient et aient esté octroyées par noz subgectz pour nous servir et aider à demener le fait de nostre guerre à l’encontre de noz ennemis et rebelles, et doient sortir la nature des dictes aides, desquelx, ainsi que dit est, et par les dictes lettres iceulx supplians ont esté et sont affranchiz et exemptez, ce non obstant noz gens et commissaires sur le fait des diz tailles et subcides les ont imposez et imposent à iceulx et s’efforcent de les contraindre à iceulx paier, ainsi que s’ilz n’eussent aucun previleige ou exempcion sur ce, et tellement les travaillent à cause de ce que, se par nous n’est sur ce pourveu aus diz habitans, il leur conviendra laisser le pays et la dicte isle comme inhabitée, au grand prejudice de nous et diminucion de nostre seigneurie et aussi de celle de nostre dit cousin, ainsi qu’il nous a fait remonstrer. Nous, ce consideré, voulans aus diz habitans secourir en leur neccessité, en faveur et contemplacion de nostre dit cousin, qui de ce nous a fait humblement requerir, à iceulx habitans de l’isle de Noirmoustier avons octroié et octroyons de grace especial, par ces presentes, que doresenavant ilz soient et demeurent frans, quictez et exemps de contribuer aux tailles, aides et subcides imposées et à imposer en nostre royaulme pour le fait de la guerre, ainsi comme en sont francs, quictes et [p. 31] exemps les habitans des dictes autres isles, et que les dictes aides n’aient aucun cours en icelle isle de Noirmoustier ne que elles ont eu ès isles dessus dictes. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx les generaulx conseilliers sur le fait et gouvernement de toutes noz finances, au gouverneur de la Rochelle et aux esleuz et commis et receveurs sur le fait des diz aides et subcides ou pays de Poictou et ès dioceses de Poictiers et de Xantonge, et à tous noz autres justiciers et officiers ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si comme à luy appartiendra, que les diz habitans et chacun d’eulx facent, seuffrent et laissent joïr et user plainement et paisiblement à tousjours de noz presens grace, exempcion et afranchissement, et contre la teneur d’iceulx ne les molestent, travaillent ou empeschent, ne facent ou seuffrent molester, travailler ne empescher en aucune maniere, mais tout ce qui seroit fait au contraire mettent et ramenent, ou facent mettre et ramener sans delay au premier estat et deu. En tesmoing de ce, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Donné à Poictiers, le dixiesme jour de may l’an de grace mil cccc. trente ung, et de nostre regne le ixme4.

Par le roy, Christofle de Harecourt5, les seigneurs de Gaucourt6 et de Mortemer7, et maistre Jehan Rabateau8, presens. — Signé Cotereau.


1 Quelques années avant la date de cette confirmation, l’île de Noirmoutier était profondément divisée et agitée par les querelles et contestations incessantes qui surgissaient entre les officiers et sujets de Georges de La Trémoïlle et ceux de l’abbaye dite de l’Isle-Dieu. Les religieux portèrent plainte au Parlement de Poitiers, « en cas d’excès et attemptats ». Leur fondateur, qui était à la fois seigneur de la Garnache et de Noirmoutier, avait disaient-ils, complètement affranchi le monastère et ses sujets de toutes tailles et subsides, ainsi que de la justice qu’il exerçait dans le reste de l’île. Ils se plaignaient que les officiers de La Trémoïlle cherchaient constamment à empiéter sur leurs privilèges, les troublaient dans l’exercice de leurs droits et depuis quelque temps empêchaient même le service divin au monastère, par suite de leurs exactions et de leurs violences. Ces derniers, de leur côté, adressaient reconventionnellement les mêmes reproches aux officiers et sujets de l’abbaye, particulièrement en ce qui touchait le droit de naufrage et d’épave qu’ils prétendaient appartenir à leur maître. De plus, ils accusaient l’abbé et ses moines de ne point vivre selon la règle, de porter des armes, etc. On peut lire dans les intéressantes plaidoiries des 26 février, 19, 26 et 29 avril 1425, les griefs détaillés invoqués par les deux parties et les cas particuliers de violence dont ils se plaignaient réciproquement. (Arch. nat., X1a 9198, fol. 35, 59, 63 v°, 64 v°.)

2 Suit le texte des lettres du 25 octobre 1392, portant exemption des aides pour le fait de la guerre, en faveur des habitants de l’île de Noirmoutier et en considération de leur belle conduite, lors d’un récent débarquement des Anglais, lettres qui ont été imprimées dans le tome VI de notre collection, p. 88 (t. XXIV des Archives hist. du Poitou).

3 Nous n’avons point trouvé de renseignements sur la descente des Anglais à Noirmoutier en 1429.

4 Deux copies de cette confirmation, y compris les lettres du 25 octobre 1392, se trouvent sur les registres du Trésor des chartes ; car elle est insérée dans les vidimus de Louis XI (le Plessis-lès-Tours, mars 1479 n.s.) et de Charles VIII (Gien-sur-Loire, décembre 1484). Tous ces actes sont publiés dans le recueil des Ordonnances des rois de France, in-fol., t. XVIII, p. 459.

5 Christophe d’Harcourt, souverain maître et réformateur des eaux et forêts de France. (Ci-dessus, p. 27.)

6 Raoul VI sire de Gaucourt, premier chambellan du roi et grand maître de France, avait été sénéchal de Poitou de décembre 1427 à juin 1429. (Voir notre vol. précédent, p. xxix, et 285, note.)

7 Jean de Rochechouart, sr de Mortemart. (Cf. ci-dessus, p. 24, note.)

8 Jean Rabateau, né à Fontenay-le-Comte vers 1370 ou 1375, d’abord procureur, puis avocat en Parlement, avocat général près cette cour à Poitiers, membre du conseil privé, président lai de la Chambre des comptes de Bourges, et enfin président à mortier au Parlement, mort en 1451. Nous ne saurions mieux faire que de renvoyer, pour la biographie de ce célèbre Poitevin, à l’intéressant ouvrage récemment publié par M. Henri Daniel-Lacombe, sous le titre : L’hôte de Jeanne d’Arc à Poitiers, maître Jean Rabateau, président au Parlement de Paris (Extrait de la Revue du Bas-Poitou), Paris, Niort, in-8° de 192 pages. Un dépouillement attentif des registres du Parlement nous a fait connaître quelques traits inédits de la vie de Rabateau, échappés aux recherches de son consciencieux biographe. Peut-être aurons-nous occasion de les présenter dans un autre endroit de notre publication.