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CCCCLXXXVI

Révocation du don du manoir de Silly, obtenu frauduleusement par Robert Frétart, et restitution dudit manoir à sa mère, Philippe de Montjean, dame de Sautonne.

  • B AN JJ. 100, n° 280, fol. 82
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 32-34
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l'umble supplicacion de Philippe de Montjehan, dame de Sautonne1, contenant que, comme jà pieça, pour secourir à la povreté et misere de Robert Fretart2, son filz, prisonnier de noz ennemis ou fort de Montbason, elle, meue d'amour naturele, eust vendu son hostel de Sillé et appartenances d'icellui, qui estoit son propre heritage, à feu Pierre du Saut3 ; chevalier, par la mort duquel chevalier le dit heritage eschey et descendi à sa femme et à feu Jehan du Saut, chevalier, filz du dit feu Pierre du Saut, et de rechief, par la mort du dit feu Jehan du Saut, à Germon du Saut, chevalier, et à Geffroy du Saut, son frere, demourans en Guyenne, noz ennemiz et rebelles, par le consentement des quelz Germon et Geffroy, le fort de la Mote de Baussay a esté prins et occupé par noz ennemiz, qui de jour en jour font guerre contre nous et noz subgiez. Et pour ce, la dite suppliante, pour aucunement estre remunerée de ses dommages et depers, eust envoié par devers nous le dit Robert, [p. 33] son filz, à tout une certaine supplicacion ou requeste, contenant en effect et en substance que le dit manoir et appartenances d'icelluy voulsissions à elle et à son dit filz donner et octroier, comme à nous confisquié et acquis par les causes et moiens dessus diz, et il fust ainsy que le dit Robert, son filz, frauduleusement et par desordenée et dampnable convoitise et avarice, fist faire la dite requeste en son propre et privé nom, en taisant du tout le fait de sa dite mere, qui pour lui a bien esté adommagée de la valeur de mil frans et plus ; et par importunité nous, non sachans la fraude et malice du dit Robert, lui donnasmes et octroiasmes le dit manoir et appartenances pour lui et pour ses hoirs, par noz lettres en las de soie et cire vert4, et qui pis est, le dit Robert, en sa derniere volenté, pour desheriter sa dite mere, a donné et transporté ycelui heritage à sa femme et auz hoirs d'icelle, ce que faire ne povoit ne devoit, attendu la fraude dessus exprimée, si comme la dite suppliante nous a fait exposer, requerans sur ce nostre grace et misericorde. Pour ce est il que nous, consideracion eue aus choses dessus dites et par especial à la fraude du dit Robert, et à ce que plus convenable chose est que la dite suppliante retourne en son dit heritage que ce que il fust apliqué à ceulz qui onques en ycelui ne orent aucun droit, attendu ossi les grans pertes et dommages que elle a euz et soustenuz par le fait de noz guerres, et en remuneracion d'icelles, à icelle avons donné et octroié et par ces presentes donnons et octroions, de grace especial et certaine science, le dit hostel de Sillé et appartenances d'icellui, à le tenir et possesser par lui et par ses hoirs heritablement et à tous jours, ou cas dessus dit, pourveu toutes fois que, se aucun traictié ou accort se faisoit entre nous et nos ennemis, par lequel ceus qui auroient tenu leur parti deussent retourner à leurs heritages, [p. 34] nous ne soions aucunement tenus à en faire recompensacion à la dite suppliante, ne à ceus qui de lui auront cause. Si donnons en mandement au seneschal de Touraine, ou à son lieutenant à Loudun, en commettant, se mestiers est, que la dite suppliante mette en possession et saisine du dit manoir, hostel et appartenances, et d'iceulz le face joir et user paisiblement, nonobstant don, alienacion ne transport fait du dit heritage à la femme du dit Robert, par la maniere dessus dite ; les quels don, alienacion et transport nous rappelions et anullons par ces presentes, par les quelles nous mandons à noz amés et fealx gens de noz comptes à Paris et à tous commis et deputés sur le fait des dites confiscacions, que de nostre presente grace la facent et seuffrent joir et user paisiblement. Et pour ce que ce soit ferme, etc. Sauf, etc. Donné en nostre hostel lez Saint Pol, à Paris, l'an de grace mil ccc. lxix, siziesme de nostre regne, ou mois de decembre.

Par le roy en ses requestes. P. Briet.


1 Nous avons consacré une notice à cette dame, dans notre volume précédent, p. 365 n.
2 Voy. id. ibid., p. 406.
3 Sur ce personnage et sa famille, voy. id. ibid., p. 320, 333 n., 366 et note, 403 n, 428, 429.
4 Il s'agit des lettres de mai 1369 publiées dans notre précédent vol., p. 365, 367.