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CCCCXCIX

Remise à Regnaut Germaut, écuyer, de diverses rentes qu'il devait à Simon Burleigh à cause de sa femme, Marguerite de Bauçay, et à diverses autres personnes demeurant sous l'obéissance du prince de Galles.

  • B AN JJ. 100, n° 566, fol. 173
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 67-71
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que Regnaut Germaut1, escuier, nous a exposé que, comme il et son frere, ou temps que il vivoit, lequel a nagaires fini ses jours en la compaignie de nostre amé et feal chambrelan, Bertran de Guesclin, conte de Longueville, nous aient bien et loyalment servi en noz guerres, et encores fait le dit exposant de jour en jour, et tant que il a esté pris par noz ennemis et mis à grant et excessive raençon, pour la quelle paier et aussi pour soy monter et armer, il a ja pieça vendu de ses biens jusques à la value de xxx. livres ou environ de rente à pluseurs gens du païs de Guienne, tant il comme ses predecesseurs, et il soit ainsi que à present ledit exposant, sa mere et un sien oncle soient tenus en pluseurs rentes aux dictes [gens du païs] de Guyenne, en la somme et quantité de xliiii. sextiers de blé et en la somme de xlix. solz en deniers, c'est assavoir à Symon Burlé2, chevalier, à cause de sa femme, la somme de xiii. [p. 68] sextiers de blé de rente annuelle et perpetuelle, et ès arrerages de iiii. ans d'une part, et pluseurs autres du dit païs en la somme de trente un sextiers de blé et de xlix. solz en deniers de rente annuelle et perpetuelle et ès arrerages de trois ans ; la quelle rente et arrerages nous soient acquises et confisqués pour cause de la rebellion et desobeissance des dictes gens qui se sont portés et portent [p. 69] comme noz ennemis, si comme dit le dit exposant, le quel nous a humblement supplié que, consideré les services dessusdiz, ès quelz il est prest de continuer toutes fois que mestier sera, nous li vueillons donner la dicte rente, c'est assavoir que de la pourcion que il doit des dictes rentes annuelles à noz dis ennemis, le veillons tenir quicte et paisible à tous jours mais, et faire entrer en sa main sa [p. 70] dicte mere et son dit oncle du demourant des dictes rentes que doivent à noz dis ennemis, et leur faire commandement de par nous que doresenavant il les paient au dit suppliant, ses hoirs et successeurs. Nous adecertes, eu regart et consideration aux services et autres choses dessus dictes, avons donné et donnons, de grace especial et de certaine science, au dit suppliant, pour li, ses hoirs [p. 71] et successeurs et aians cause perpetuelment à tous jours mais, ou cas dessus dit, la dicte quantité de xliiii. sextiers de blé et de xlix. solz en deniers. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal d'Anjou et de Thouraine, ou à son lieutenant, au receveur et commis à recevoir les forfaictures ou dit païs, et à chascun d'eulz, que de la rente de blé et d'argent dessus divisée, c'est assavoir de la partie et pourcion du dit suppliant, il le tiengnent quicte et paisible doresenavant à tous jours mais, et sa dicte mere et son dit oncle facent entrer en la main du dit suppliant, pour li et pour ses successeurs et aians cause, du demourant que il doivent des dictes rentes avec les arrerages du temps passé dessus devisiez, lesquelles rente et arrerages nous sont avenues et confisquées par les causes dessus dictes, en le faisant joir et user paisiblement de nostre presente grace, ou cas toutevoie que pour les services dessusdiz ycelui suppliant n'aura eu de nous ou de nostre très cher et très amé frere et lieutenant, le duc d'Anjou, aucune autre grace. Non contrestant quelconques dons et assignations faites ou à faire sur ycelles rentes et arrerages, ordenances, mandemens ou deffenses et lettres subreptices empetrées au contraire. Et que ce soit chose ferme, etc. Sauf, etc. Donné au Bois de Vincennes, ou mois de juing l'an de grace mil ccc. lxx, et de nostre regne le viie.

Autresfois ainsin signée : Par le roy en ses requestes, et puiz par vous corrigées. J. Grellier. — Visa. Filleul.


1 Nous n'avons trouvé aucun renseignement sur ce personnage, à moins qu'on ne puisse l'identifier, ce qui ne serait admissible qu'en supposant ici une faute de lecture, avec Regnaut de Germolles, écuyer, de la garnison de la Rochelle, qui se fit délivrer, en février 1377 n. s., .des lettres de rémission pour la part qu'il avait prise, vers le mois de septembre 1368, à l'arrestation de Guillaume de Séris, qui revenait alors d'une mission dont il avait été chargé auprès du Pape par le prince de Galles (JJ. 110, p. 81 v°). Il sera question de ce fait dans une note relative à Guillaume de Séris.
2 Simon Burleigh, dont nous avons déjà dit quelques mots (volume précédent, p. 382, note), avait été fait prisonnier au mois d'août 1369 par Jean de Bueil, et Guillaume des Bordes, dans un combat livré près de Lusignan. (Froissart, édit. S. Luce, t. VII, p. 121,) Ce chroniqueur dit qu'il fut échangé à la fin de l'année, par l'entremise d'Eustache d'Auberchicourt, contre la duchesse de Bourbon. M. Chazaud (Chronique du bon duc Loys de Bourbon, p. 355 et 356) et M. S. Luce (édit. de Froissart, t. VII, p. xcvi note) ont démontré qu'Isabelle de Valois, duchesse douairière de Bourbon, fut délivrée seulement entre le 15 et le 22 août 1372. Ce qu'il y a de vrai, c'est que la duchesse était renfermée dans la tour de Brou (commune de Saint-Sornin, canton de Marennes, Charente-Inférieure), qui appartenait à Burleigh, du chef de sa femme. Dans un acte du 4 octobre 1367, il se qualifie « seigneur de Chéneché, de Brouhe et de Chayssours » (Arch. nat., J. 1026, n° 18), ce qui met ce point hors de doute. Ce qui est certain encore, c'est que, le 23 juillet 1372, il traita avec le duc de Bourbon de la rançon de la duchesse (Arch. nat, P. 13581, n° 504), et qu'à cette époque il était en liberté. Simon Burleigh fit partie de l'armée d'invasion que le duc de Lancastre débarqua à Calais, le 20 juillet 1373, et à la fin de l'année suivante, après la conclusion dans cette ville d'une trêve d'un an entre la France et l'Angleterre, à l'exclusion de la Bretagne, on le retrouve parmi les compagnies placées sous le commandement du comte de Cambridge, qu'Edouard III prêta au duc de Bretagne. (Froissart, édit. Kervyn de Lettenhove, t. VIII, p. 280, 344). Burleigh fut un des principaux conseillers d'Edouard et surtout de Richard II, dont il avait été précepteur. Mais il avait des ennemis puissants à la cour. Ils obtinrent qu'il fût mis en jugement pour une somme de 250,000 francs dont il était comptable et dont il ne pouvait justifier l'emploi. Jeté en prison dans la Tour de Londres, il fut au bout de deux mois jugé, condamné à mort et exécuté. Ce fut le 12 mars 1388 que Burleigh fut traduit devant le Parlement, et le 5 mai qu'il fut condamné ; la sentence reçut immédiatement son exécution, malgré le roi et la reine, sur l'ordre du duc de Glocester. Tout ce qu'obtint Burleigh, ce fut d'être décapité à la Tour ; on lui épargna le gibet de Tyburn. (Kervyn de Lettenhove, d'après le Procès conservé dans le ms. 2454 de la Bibl. bodleienne, à Oxford, édit. de Froissart, t. XII, p. 248, 260 et 389, notes.)
Nous avons recueilli plusieurs documents dont on peut inférer que Marguerite de Bauçay, femme de Simon Burleigh, ne suivit pas son mari en Angleterre, après la soumission du Poitou, et qu'elle demeura dans son pays. Des textes relatifs à cette dame que nous avons produits déjà (t. II de ce recueil, p. 276, 277 note ; t III, p. 381 note) et de ceux dont il va être question, il résulte que sur les quatre maris que lui attribuent les généalogistes, le premier, Guy de Montléon, seigneur de Touffou, est plus que douteux. Elle n'était certainement pas en âge d'être mariée en 1318 ou 1320, époque fixée pour ce mariage. En ce qui concerne les trois autres, Guillaume Trousseau, seigneur de Véretz, Simon Burleigh et Lestrange de Saint-Gelais, il est absolument certain qu'ils épousèrent successivement Marguerite de Bauçay, dame de Chéneché. Quantité de textes en font foi. Mais la femme de Guillaume Trousseau et celle de Simon Burleigh étaient-elles la même personne ? Nous n'avons en faveur de l'affirmative que de fortes présomptions et pas de preuves directes. Il a été établi que la dame de Chéneché, Marguerite de Bauçay, avait épousé Guillaume Trousseau avant le 24 août 1352, et qu'elle en était veuve en 1362. Puis, le 15 juin 1364, nous trouvons Simon Burleigh, chevalier anglais, établi en Poitou et marié à une Marguerite de Bauçay, aussi dame de Chéneché (J. 1026, n° 19). Toutes les apparences sont donc en faveur de l'identité de la veuve de Trousseau et de la femme de Burleigh. Le mandement du Parlement du 7 septembre 1379, dont nous avons parlé (vol. précédent, p. 381 n.) peut être négligé, car nous y avons relevé des confusions de noms qui indiquent certainement une erreur de transcription, erreur qui sera d'ailleurs rectifiée à la fin de cette note. L'objection la plus sérieuse proviendrait du fait, que dans son testament, Marguerite, veuve de Lestrange de Saint-Gelais, demande des prières pour le repos de l'âme de ce dernier, et pour le salut de Simon Burleigh (voy notre t. II, p. 277 note), mais ne parle pas de Guillaume Trousseau, qui aurait été, suivant nos textes, son premier mari.
Quant à Lestrange de Saint-Gelais, il n'y a point de doute possible, il épousa, en 1389 ou 1390, la veuve de Simon Burleigh et mourut vers la Saint-Michel 1392. Ces dates nous sont fournies par un arrêt criminel très important, rendu contre Jacques de Saint-Gelais, son fils du premier lit (Lestrange avait épousé en premières noces Aiglive de Chaunay), du 30 août 1399. Il s'agissait de la terre de Villiers, (Villiers-en-Plaine, Deux-Sèvres), tenue en fief de l'abbaye de Saint-Maixent, sauf un sixième qui relevait de Parthenay, terre dont une part avait appartenu à Marguerite de Bauçay. Cette dame était en procès à ce sujet en 1378-1379 avec Maingot du Merle, chevalier, seigneur de Gascougnole, et les sœurs de celui-ci, Marguerite et Charlotte du Merle, cette dernière femme de Jean d'Argenton, seigneur d'Hérisson. L'affaire fut réglée par un accord amiable qui détermina la part qui revenait à chacune des parties. (Permission du Parlement accordée le 13 mars 1378 et renouvelée le 2 juillet 1379 ; X1a 27, fol. 42 ; X1a 28, fol. 72.) Dans cette dernière, la dame de Chéneché est dite autorisée par le roi à poursuivre son droit. Après la mort de sa belle-mère, qui arriva un peu après le 6 septembre 1394, Jacques de Saint-Gelais s'empara de Villiers et fit fabriquer une fausse donation de ladite terre, soi-disant faite par cette dame en faveur de son père, sur laquelle il appuyait ses prétentions. Jean d'Argenton, sa femme et la sœur de celle-ci, Marguerite du Merle, l'attaquèrent au Parlement. Jacques de Saint-Gelais et le notaire qui était accusé d'avoir fabriqué les lettres, Jean Le Blanc, furent arrêtés et mis en prison au Châtelet de Paris, dès avant le 3 juin 1399. Dans un arrêt extrêmement développé, le Parlement déclara faux l'acte produit par Saint-Gelais et ordonna que, comme tel il serait lacére, et que les demandeurs seraient maintenus en possession de la terre litigeuse. La cour, préférant miséricorde à rigueur, condamna Jacques aux dépens, à des dommages-intérêts qu'elle se réserva de taxer, et à une amende de 60 livres seulement envers le roi. Quant à Jean Le Blanc, il fut suspendu de son office de notaire pour deux ans ; et les deux accusés furent mis hors de prison (X2a 12, fol. 404 v°, 406, 407 v° ; X2a 13, fol 304 v° et s.).
Marguerite de Bauçay prend le titre de dame de Villiers dans une quittance donnée au duc de Berry, qui lui avait acheté, moyennant 1000 francs d'or, ses droits sur l'hébergement de Grassay et la forêt de Chasseport (acte du 2 mars 1389 n. s). Elle déclare avoir reçu cette somme par la main de Jean Gouge, secrétaire du duc et receveur des aides ordinaires pour le fait de la guerre en son comté de Poitou. Les procureurs du duc de Berry ayant traité cette affaire étaient Guillaume Taveau et Etienne Gracien. (Arch. nat., J. 181, n° 100.)
Les biens de Marguerite de Bauçay, femme de Simon Burleigh, particulièrement sa terre patrimoniale de Chéneché, avaient été déclarés confisqués, dès le commencement de la guerre, et donnés à Pierre de Craon, suivant un acte publié dans notre précédent volume (p. 380 et s.) A la paix, au lieu de retourner purement et simplement à sa véritable propriétaire, cette seigneurie fut l'objet d'un accord moyennant lequel Marguerite de Bauçay, se réservant seulement l'usufruit pour sa vie, en abandonnait la propriété à Catherine de Machecoul, dame de la Suze, femme de Pierre de Craon, qui se prétendait sa légitime héritière. Elles n'étaient que cousines issues de germains. Guy de Bauçay, dit Goman, chef de la branche de Chéneché, avait eu trois fils et quatre filles. Ses deux fils aînés furent Guy ou Guyon qui hérita de Chéneché et Foucaut. Marguerite était la fille du premier (voy. notre t. II, p. 277 note), et Catherine la petite fille du second par sa mère, Jeanne de Bauçay, dame de Champtocé, qui avait épousé Louis de Machecoul. Cette filiation est clairement établie dans une plaidoirie du 4 juillet 1393 de ladite Catherine, dame de la Suze, contre le comte de Sancerre et Lancelot Turpin, au sujet précisément de la terre de Chéneché, dont Marguerite de Bauçay avait disposé de nouveau, au mépris de l'accord dont il vient d'être parlé (X1a 1477, fol. 146 v°).