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DLXXV

Lettres de rémission en faveur de Jean Perout, dit de la Chenau, écuyer, et de deux de ses serviteurs, coupables de meurtre sur la personne de Jean Rigale, qu'ils avaient rencontré traversant les terres labourées dudit écuyer avec trois charrettes et d'autres bouviers.

  • B AN JJ. 105, n° 464, fol. 238
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 342-346
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que de la partie de Jehan Perout, aliàs de la Chanau, escuier [p. 343] du païs de Poitou, nous a esté exposé que, au jour de la feste de saint Pere et saint Pol apoustres derrainement passé, Jehan Landeis, serviteur ou metayer du dit escuier, et Perrot Perout, aliàs de la Chanau, familier ou serviteur d'icellui escuier, trouverent trois charetes chargées, attelées de buefs, trespassans parmi certaines terres du dit escuier, labourées et cultivées, et en lieu de deffois1où il n'avoit point de chemin, en la justice fonciere d'icellui escuier, les queles charetes conduisoient et menoient Jehan Rigale et autres bouviers jusques au nombre de environ huit personnes, ausquelx Rigale et autres bouviers les dis metaier et Perrot dirent que il avoient offendu de ainsi charier, sans le congié d'icellui escuier, parmi ses dictes terres labourées et en sa dicte terre fonciere, et que il l'amenderoient au dit escuier et lui renderoient le dommage que sur ce lui avoient fait, et leur requirent que ainsi le feissent. Et pour ce que entierement il en furent refusant et contredisans, et que il ne vouldrent aus dis familiers et serviteurs du dit escuier obeir ne baillier gaige, il vouldrent mettre en arrest les dites charretes pour les dis dommages et amende, si comme il leur loisoit à faire par la coustume du païs. Mais les dis Rigale et autres bouviers ne le vouldrent par leur grant oultrage et rebellion souffrir. Et pour occasion de ce, debat se mut entre eulx et tant que le dit Rigale et aucuns des autres bouviers prindrent et saisirent par leur force les dis deux serviteurs ou familiers d'icellui escuier, par telle maniere et si violemment au corps, en les grevant et malfaisant, que il ne se povoient defendre ne avoir vertu contre eulx, par ce que les dis bouviers estaient plus que les dis familiers ou serviteurs n'estoient. Et pendent et durant ce debat, riote et tenement, aucuns autres d'iceulx bouviers charioient et mettoient hors les dictes trois charretes de la dicte [p. 344] terre fonciere et juridicion du dit escuier. Et pour la très grant noise, debat et cri que il avoient et faisoient ensamble, le dit escuier qui d'ellec estoit assez près, qui rien n'en sa voit d'icellui debat et riote, fors par leur dit cri et murmure, vint hastivement à eulx. Et quant il vit et apperçut ses dis familiers et serviteurs en son droit gardant ainsi mal traictiez, grevez inhumainement et tenus leurs corps par grant force d'iceulx bouviers, et mesmement d'icellui Rigale, doubtant que grant peril et inconvenient ne s'ens[uient] entre eulx, ycellui escuier, courcié et esmeu de chaleur, sens fait apensé, print un des eguillons de l'un d'iceulx bouviers, dont il chassoit les dis buefs, et en repellant la force que iceulx Rigale et autres bouviers faisoient à ses dis serviteurs et familiers, en son droit gardant, et en les defendant, en feri aucuns d'iceulx bouviers et mesmement le dit Rigale sur sa teste un coup ou deux au plus, qui paravant avoit esté malade, de la quelle maladie icellui escuier estoit ignorant et non savoit ; et moru icellui Rigale à deus briefs jours après. Pour occasion du quel fait, les dis escuier et ses dis deux familiers ou serviteurs se sont trais arriere et absentez du pays, pour doubte de rigueur de justice. Suppliant que, comme le dit escuier avant le fait n'eust aucune haine ou debat au dit Rigale, et ne le congneust ne sceust rien de sa dicte maladie, et soit le dit fait soudainement advenu sans agait apensé, et mesmement par l'outrage d'icellui Rigale et des autres bouviers, et que ce n'est pas vraysamblable à penser que le dit escuier voulsist perpetrer la mort du dit Rigale, en le ferant d'icellui esguillon, mesmement que il en feri aussi des dis autres bouviers en cas semblable, qui n'en sont pas mors, et nous ayent le dit escuier et feu son pere, en son vivant, servi comme nos vrays subgiez en nos guerres, ès quelles nous esperons encores icellui escuier nous servir bien et loyaument, et aussi que, pour occasion d'icelles, feu le pere du dit escuier est mort ès mains des Anglois, [p. 345] nos ennemis, et soient les dis escuiers, ses serviteurs et familiers, de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sens avoir esté repris, convaincus ou actains d'autre villain meffais, nous leur veillons sur ce impartir nostre grace. Nous adecertes, inclinans à l'umble supplicacion du dit escuier, attendues et considerées les choses dessus dictes, et afin que le dit escuier sente et apperçoive à lui profitier les services à nous fais par son dit pere et lui, ayans esperance que encores nous serve bien et loyaument, à iceulx escuier, Jehan Landeys et Perrot, ses familiers ou serviteurs, et à chascun d'eulx, pour tant comme à lui touche, ou cas dessus dit, avons remis, quictié et pardonné, et par la teneur de ces presentes lettres et de nostre grace especial et auctorité royal, remettons, quictons et pardonnons le fait dessus dit, avec toute paine, offense et amende corporelle, criminele et civile que eulx et chascup d'eulx puent estre ou avoir encouru envers nous, et les restituons à leurs bonne fame, renommée, au païs et à leurs biens quelconques, satisfaction premierement faite à partie. Si donnons en mandement au gouverneur de la Rochelle et au bailli des Exemptions et ressors de Touraine, d'Anjou, du Maine et de Poitou, et à tous les autres justiciers et officiers de nostre royaume, ou à leurs lieux tenans, presens et advenir, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que les dis escuier, Landeys et Perrot et chascun d'eulx, pour tant comme à lui touche, facent, seuffrent et laissent joir et user plainement et paisiblement de [nostre] presente grace et remission, et au contraire ne les empeschent ou molestent, ne [ne] seuffrent estre empeschiez ou molestez en corps ne en biens, en aucune maniere, mais leur corps, se pour ce estoient emprisonnez, ou aucuns de leurs biens prins, saisiz, levez ou arrestez, que il leur mettent ou facent mettre tantost et sans delay à plaine delivrance. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons [p. 346] fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné à Paris, l'an de grace mil ccc.lxxiiii. et le xie de nostre regne, ou mois de juillet.

Gregorius. — Es requestes de l'ostel. Mauloue.


1 Defois, deffois ou desfois, défense, interdiction.