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DXIII

Don à Jeanne Chabot, sœur de Gérard, sire de Retz, des biens confisqués sur des rebelles dans l'île de Bouin.

  • B AN JJ. 100, Musée AE II* 391, n° 225, fol. 77
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 109-112
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc, que, comme le seigneur de Bugnon1 et sa femme, Symon Symes, Jehan Bouchet2, Aymery Bouchier3, chevalier, et sa fille, Jehan de [p. 110] Sainte Fleur, chevalier4, et sa fille, se soient rendus noz rebelles et ennemiz, en tenant le parti de Edwart d'Angleterre et de Edwart de Gales, son filz ainsné, qui ont commencié et font guerre ouverte contre nous et noz subgiez, pour quoy tous les biens meubles et heritages des dessus nommés seanz en l'isle de Bouhain et ailleurs en nostre royaume, nous sont acquis et confisquez par la forfaiture des dessus dis, les quiex sont demourans en Guienne avec noz dis ennemis, en leur donnant tout le confort et ayde qu'ilz puent contre nous et noz subgiez, [p. 111] en commettant crime de lese majesté envers nous ; les quielz biens meubles et heritages puent bien valoir cinq cens livrées de terre ou rente par an au tournois ou environ, si comme l'en dit. Nous, pour consideracion des bons et agreables services que nostre amé et feal chevalier, feu Gerart, sire de Rays, nous a faiz en son vivant en noz presentes guerres, à nostre bien amée Jehanne de Rays5, [p. 112] nagaires seur de nostre dit chevalier, pour elle, ses hoirs et qui de li auront cause à tousjours mais, avons donné et octroyé, donnons et octroions par ces presentes, de nostre auctorité royal, certaine science et grace especial, les biens meubles et heritages des dessus nommez, estans ès dis lieux et partout ailleurs en nostre royaume, qui nous sont et puent estre advenus et confisquiez par la forfaiture des dessus nommez, comme dit est, jusques à la value des cinq cens livrées tournois de terre ou rente par an, comme dit est, à tenir et possider et en lever les fruis, prouffiz et revenues par la dicte Jehanne, ses hoirs et qui de li auront cause à tousjours mes, de son propre heritage. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal d'Anjou et du Mayne, et à tous noz autres officiers, presens et avenir, ou à leurs lieus tenans, et à chascun d'eulx, comme à li appartendra, que des biens et heritages dessus dis jusques à la value des dictes cinq cens livrées de terre ou rente, à nous ainsi advenues et appartenans, comme dit est, mettent ou facent mettre tantost et sans delay, ces lettres veues, en possession et saisine la dicte Jehanne ou son procureur pour elle, et d'iceux facent et sueffrent joir et user paisiblement, perpetuelment et hereditablement, elle, ses hoirs et qui de li auront cause, sans leur mettre ne souffrir estre mis en ce aucun empeschement, non [obstant] que ce deust estre appliquié et miz en nostre demaine et de nostre couronne de France, et ordenances quelconques à ce contraires. Toutes voies n'est pas nostre entente que, se pour aucune cause il advenoit que nous rendissions ou faissions rendre les biens et heritages dessus dis aux dessus nommez, nous soions tenuz d'en faire aucune recompensacion à la dicte Jehanne, ses hoirs ou aians de li cause. Et que ce soit ferme chose, etc. Sauf, etc. Donné à Paris en nostre hostel lez Saint Pol, le tiers jour de novembre l'an de grace mil ccc. soixante et onze, et de nostre regne le huitiesme.

Par le roy. J. de Vernon. — Visa.


1 Le 13 avril 1344, un Guillaume de Bugnon rendit aveu à Jean de France, comte de Poitou, pour un fief qu'il possédait dans la châtellenie de Châteaumur. (Arch. nat., P. 594, fol. 77.) On trouve aussi, au 13 mars 1346, un Pierre de Bugnon, partie au Parlement avec le sire de Parthenay et sa femme, contre un prêtre nommé Nicolas Charron. Ce dernier était appelant d'une sentence du sénéchal de Poitou. La cour, de leur consentement, les renvoya par devant Jean Bonnet, procureur du roi en Poitou, qui fut chargé de prononcer en dernier ressort, tant sur les dépens qu'au principal (X1a 10, fol. 353 v°).
2 Il s'agit peut-être de Jean Boschet ou Bouchet, qui fut doyen de Montaigu, puis de Talmont, et dont il a été question à plusieurs reprises dans nos deux précédents volumes (voy. t. II, p. 123, et t. III, p. 54, 83 et 320).
3 On trouve ce nom écrit Boucher, Bouchier ou Boschier, en latin Boscherii. Nous avons dit quelques mots, dans le vol. précédent (p. 124 note), d'un procès qu'Aimery Bouchier et sa mère, Marguerite Gaymard, soutinrent, en 1344, contre Jean de Châteignier, au sujet de la mouvance du Bois-Boschier. Quelques années auparavant, Roland Garnier, en qualité de curateur de Jean de Maire, fils de Guillaume de Maire, était appelant contre lui d'une sentence du lieutenant du bailli d'Anjou à la Roche-sur-Yon. (Permission de les faire assigner aux jours de Poitou du Parlement, le 23 juillet 1341, X1a 9, fol. 159.) On trouve encore trace d'une affaire à laquelle Aimery fut mêlé. Le 8 juin 1342, la veuve et les héritiers de Jean Bouchier ou Boschier furent condamnés à payer des dépens, taxés à 25 livres 5 sous 15 deniers, envers Aimery, Pierre, Foulque et Jean Bouchier, en vertu d'un arrêt du Parlement du 4 avril précédent, rendu en faveur de ces derniers. Le sénéchal de Poitou reçut mandement de les faire payer, sous menaces de saisie et de vente de leurs biens (X1a 9, fol. 244 v°, 298).
4 Il faut lire sans doute Sainte-Flaive. Jean de Sainte-Flaive appartenait à une famille importante du Bas-Poitou, sur laquelle les auteurs sont muets, mais dont plusieurs membres sont nommés au cours du xive siècle, dans les registres du Parlement. Jean était l'aîné des quatre fils de Regnaut de Sainte-Flaive, chevalier, et de Denise Guichard. Ses frères se nommaient Pierre, Thibaut et Raoul. Leur père mourut entre le 31 juillet 1339 (X1a 9, fol. 64 v°) et le 14 juillet 1341 (id., fol. 200). A cette dernière date, sa veuve avait repris deux procès contre Guy Larchevêque, sire de Taillebourg, l'un au sujet d'une créance, l'autre touchant la haute justice du fief de Gouelle. On trouve encore trace de ces différends au 4 mai et au 15 juin 1342, aux 5 et 9 juin 1344 (X1a 9, fol. 244 v°, 297 v°, 300 v°, et X1a 10, fol. 34 et 141 v°). Jean et ses frères étaient alors mineurs. Thibaut de Sainte-Flaive, qualifié écuyer, le 18 mai 1355, obtint de la cour de terminer par un accord amiable un différend qu'il avait avec Amisse Boursard, veuve de Robert Guichard, chevalier (X1a 16, fol. 21). Il vivait encore le 26 juin 1379 ; il portait à cette époque le titre de chevalier et était tuteur de ses deux neveux, Jean et Pierre, fils de Pierre de Sainte-Flaive, nommé plus haut. Ce dernier était mort vers 1372 et avait fondé par testament une chapellenie en l'église de Saint-Mathurin du cimetière paroissial de Luçon. Ses deux fils et son frère Thibaut, exécuteurs de ses volontés, affectèrent à la dotation de cette chapelle une rente annuelle de vingt livres et présentèrent comme chapelain Jean Boutaut, qui fut agréé par l'évêque de Luçon. Mais le fonds sur lequel cette rente avait été assignée produisait moins de vingt livres par an. Il en résulta entre le chapelain et le fondateur un litige qui fut tranché, le 8 décembre 1374, par un accord, dont le texte nous a été conservé avec l'arrêt du Parlement qui condamna les parties à se conformer aux clauses de ce contrat, le 26 juin 1379 (X1a 28, fol. 196). Il est question dans cet accord de Pierre Boschet, doyen de Luçon. On trouve encore une mention de Jean de Sainte-Flaive le 18 mai 1400, dans un mandement relatif à un procès de Guillaume et Jean Buor, écuyers, contre le sire de Clisson (X2a 12, fol. 428 v° ; X2a 13, fol. 325).
5 Gérard VI Chabot, baron de Retz, de Machecoul, etc., fils de Gérard V et de Philippe Bertrand, dame de Roncheville, fille aînée de Robert, seigneur de Briquebec, maréchal de France, avait épousé Marguerite, fille aînée et seule héritière de Jean III, comte de Sancerre, et de Marguerite, dame de Marmande, dont il n'eut point d'enfants. Il avait embrassé le parti de Charles de Blois contre le comte de Montfort. A la bataille d'Auray (29 septembre 1364), il commandait l'arrière-garde et fut fait prisonnier avec Du Guesclin. (Froissart. édit. S. Luce, t. VI, p. 154.) Il servit ensuite sous Jean Chandos en Espagne et contribua à la défaite d'Henri de Transtamare à Najera, 3 avril 1367 (id., t. VII, p. 38). Les présentes lettres nous permettent de fixer la date de sa mort entre le 16 avril et le 3 novembre 1371. Dès 1370 il était rallié à la cause française et faisait partie de l'armée de Du Guesclin, le 28 janvier 1371 n. s., où il fit à Blois montre de sa compagnie, comprenant dix chevaliers bacheliers et soixante-seize écuyers. Le 16 avril suivant, il était à Dreux, toujours sous les ordres du connétable ; il y donna une quittance à Etienne Braque, trésorier des guerres, de 340 francs d'or « en prest sur les gages de luy banneret, un chevalier bachelier et vingt huit escuiers de sa compagnie, deservis et à deservir sous le gouvernement de monsr le connestable de France ». (Dom Morice, Hist de Bretagne, Preuves, t. I, col. 1645 et 1653.) A sa mort, sa sœur Jeanne devint dame de la baronnie de Retz. Elle se maria à François de Chauvigny, chevalier, qui fut à cause d'elle seigneur de Retz. N'en ayant point eu d'enfants, elle institua pour son héritier, en 1400, Guy de Laval, seigneur de Chaloyaus, à condition qu'il prendrait le nom et les armes de Retz, ce à quoi celui-ci acquiesça, et elle mourut le 16 janvier 1406. (Dict. des familles de l'ancien Poitou, t. I, p. 560.)
De 1362 à 1384, une autre dame portait aussi le titre de dame de Retz. C'était Philippe Bertrand, la mère de Gérard VI et de Jeanne, dont le douaire avait été assigné, après la mort de son mari, sur la terre de Saint-Hilaire-le-Vouhis (Vendée). Elle dut soutenir un procès à ce sujet contre Thibaut VII Chabot, seigneur de la Grève, qui s'était emparé et détenait indûment ladite terre et châtellenie. Le 12 mai 1374, Philippe Bertrand obtint du Parlement, à titre de provision, la moitié des revenus de Saint-Hilaire (X1a 23, fol. 421 v°). La contestation dura au moins sept ans. Le 28 avril 1379, la cour chargea Pierre Boschet, un des ses membres, de faire une enquête sur les prétentions des deux adversaires (X1a 28, fol. 46). Enfin, le 23 décembre 1381, l'arrêt fut prononcé ; il était favorable à la dame de Retz et contient sar l'affaire des détails fort intéressants (X1a 31, fol. 96 v°).