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DXCVII

Lettres de rémission en faveur de Jean Fort, de Saint-Léger-lès-Melle. Étant sergent des Moulins-Jousserant pour la dame dudit lieu, il avait fait subir la question à un prisonnier qui était mort quatre jours après, et il craignait d'être inquiété pour ce fait.

  • B AN JJ. 109, n° 149, fol. 71 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 409-412
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, de la partie de Jehan Fort, povre homme demourant en la parroiche Saint Legier prez de Merle en Poictou, nous avoir esté exposé que en l'an lxxii, environ la feste de saint Andrieu1, un malfaiteur appellé Jehan Tibaut fu prins et [p. 410] emprisonnez ès prisons de la terre et jurisdicion du Molin Josseran, appartenant avec toute jurisdicion haute, moyenne et basse, à Jehanne Horrie, à present femme de Jehan de Torsay2 escuier, pour ce que le dit malfaiteur avoit esté trouvez saisiz d'un beuf noir qu'il avoit emblé, si comme l'en disoit, à Guillaume Varlet, du dit païs, et pour pluseurs autres malefices dont le dit malfaiteur estoit souspeçonnez, et pour savoir la verité des diz meffaiz le dit exposant, qui pour lors estoit sergent de la dicte terre et jurisdicion pour la dite dame, mist le dit malfaiteur en gehine, le quel confessa avoir emblé le dit beuf, et pour ce le dit exposant ala devers le seneschal ou juge de la dicte terre et jurisdicion et lui rapporta et dist la dicte confession ; le quel seneschal ou juge, ce oy, commanda au dit exposant que il gehinast de rechief le dit malfaiteur, pour mieux savoir ses faiz et se il continueroit sa dicte confession, et envoya son clerc avec le dit exposant, pour y estre present et escripre la dicte confession du dit prisonnier ; le quel exposant, present le dit clerc et pluseurs [p. 411] autres, gehina le dit prisonnier de rechief, le quel confessa avoir faiz pluseurs homicides, larrecins et autres malefices, en continuant sa dicte premiere confession. Et combien que le dit exposant ne gehinast ledit prisonnier fors seulement de telle gehine senz exceder, comme l'on a acoustumé de gehiner malfaiteurs ou dit pais, senz le mutiler en corps ne en membres, et que la dicte gehine il ne feist mie pour hayne ou rancune aucunes, toutes foiz pour ce que, iiii. jours ou environ après la dicte gehine, le dit prisonnier morut en la dicte prison, ycellui exposant se doubte que pour ces choses il peust estre molestez ou empeschiez en corps ou en biens, requer[oit] que sur ce lui vueillonz eslargir nostre grace, actendu que touz jours il a esté et est homme de bonne vie et honneste conversacion, senz ce qu'il ait esté convaincu ou actaint ne souspeçonnez d'aucun autre villain cas, et aussi que il n'a fait ces choses fors seulement pour le bien de justice et nonmie pour hayne, faveur d'autrui ne corrupcion aucune. Nous adecertes, ces choses considerées, toute peinne, amende et offense corporele, criminele et civile, en quoy, pour occasion de ce que dit est, le dit exposant est et puet estre encoruz envers nous, ou cas dessus dit, lui avons quittié, pardonné et remis, quittons, pardonnons et remettons de grace especial et de nostre auctorité royal, et remettons par ces presentes le dit exposant au païs, à sa bonne renommée, se pour ce est amendrie, et à ses biens, en imposant sur ce silence perpetuel à touz justiciers et officiers, satisfaction premierement faicte à partie, se aucune est qui en face poursuite. Si donnons en mandement au gouverneur de la Rochelle, au seneschal de Xanctonge, au bailli des ressors et Exempcions de Touraine, d'Anjou, du Maine et de Poictou, et à touz nos autres justiciers et officiers, à leurs lieux tenans, presens et avenir, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que le dit exposant facent et laissent joir et user paisiblement de nostre presente grace, senz le [p. 412] molester ou empeschier aucunement, ne souffrir estre par quelxconques molesté ou empeschié au contraire, ainçoys, se son corps ou aucuns de ses biens sont ou estoient pour ce prins ou empeschiez, si les lui mettent et facent mettre à plaine delivrance tantost et senz delay. Et que ce soit chose ferme et estable à tousjours mais, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et en toutes l’autrui. Donné à Paris, ou mois de juin l’an de grace m. ccc. lxxvi, et le xiiie de nostre regne.

Par le conseil estant à Paris. S. de Caritate. Reecourt.


1 Le 30 novembre.
2 Le P. Anselme. (Hist. généal., t. VIII, p. 71) dit que Jean de Torsay, qui devint sénéchal de Poitou dans les premières années du xve siècle, puis maître des arbalétriers de France en 1415, et mourut en 1428, épousa Marie d'Argenton, fille unique de Jean, seigneur d'Hérisson, veuve de Bertrand de Caselers. Il y a là une confusion qui se retrouve d'ailleurs dans la généalogie d'Argenton donnée par M. Beauchet-Filleau, Dict. des familles de l'anc. Poitou, t. I, p. 85. Marie d'Argenton était sans doute la seconde femme de Jean de Torsay, puisque nous voyons ici qu'il était marié, en 1376, avec Jeanne Orry. Or c'est précisément cette Jeanne Orry qui était veuve de Bertrand de Caselers, nommé plus souvent dans les textes de Cazelis ou Cazili. Nous en avons la preuve dans une pièce de procédure du 23 juin 1376, où l'on voit que Jeanne, veuve dudit Bertrand et remariée à Jean de Torsay, était tutrice de ses deux filles du premier lit et soutenait un procès contre Raymond Acquand, dit Parage, qui lui disputait la tutelle (X1a 25, fol. 219). Le premier mari de Jeanne Orry avait été nommé châtelain de Saint-Maixent par le roi d'Angleterre, en octobre 1361 (Bardonnet, Procès-verbal de délivrance, etc., p. 250) et conserva ce poste pendant l'occupation anglaise. Ce Bertrand de Cazelis, chevalier, seigneur de Surin, avait été marié lui-même en premières noces à Jeanne de la Forêt, laquelle fut inhumée dans le chœur de l'abbaye de la Réau, suivant l'extrait de la donation d'une dîmerie et terragerie faite par ledit Bertrand à cette abbaye, recueilli par dom Fonteneau, t. XXIV, p. 305.