[LXXV]

DLVII

Rémission accordée à Drouin de Saint-Omer qui, fait prisonnier par la garnison anglaise de Craon, avait procuré aux ennemis du roi des vivres et des vêtements, pour obtenir la remise d'une partie de sa rançon.

  • B AN JJ. 104, n° 115, fol. 55
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 294-296
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que de la partie de Drouin de Saint Omer nous a esté exposé que, comme xiiii. ans a ou environ le dit exposant, estant en la compaignie de pluseurs nos bons et loyaulx subgiez, chevaliers et escuiers du pays du Maine, qui pour lors chevauchoient pour resister à la male volenté de nos ennemis de la garnison de Cron1, eust esté pris par yceulx ennemis, moult durement navré et mené en la garnison de Cron, où il fu en grant [p. 295] peril de mort, et après ce yceulx ennemis le mirent à rençon à la somme de viie viex escus de Phelippe, un cheval, unes plates et deux paire de gantelés, pour la quelle rençon paier lui convint vendre la plus grant partie de sa terre et autres biens, et soy obligier envers pluseurs personnes aux quelz il est encores tenuz, et il soit ainsi que en paiant sa dicte rençon, afin d'estre plus tost delivré, il, en acquit et rabat de sa dicte rançon, porta, vendi et administra à nos dis ennemis pluseurs vivres, harnas, pour-poins, botes, chauces, chapperons et autres neccessitez, pour le quel fait nostre bailly des Exempcions de Touraine, ès assisses par lui tenues au dit lieu à la Chandeleur derrenierement passée, fist arrester le dit exposant, au quel, après les dictes assises tenues, il fist faire serement qu'il lui diroit verité, la quelle chose ycellui exposant lui accorda en confessant les choses devant dictes, pour la quelle confession et aussi que le dit bailly impose à ycellui exposant que sur ce que dit est il se rapporta sur un appellé Colin le Savetier, demourant à Cron, ycellui bailli s'efforce de tenir le dit suppliant, qui pour ce est prisonnier eslargi, en procès par devant lui et traire à amende, si comme il dit. Si nous a humblement fait supplier que, comme il ait fait ce que dit est en acquit de sa dicte rençon, comme pluseurs du païs faisoient en cas de peril, ou autrement eussent esté en peril de mort, et ait tousjours esté et encores est de bonne vie et renommée et conversacion honeste, sans aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, nous sur ce lui vueillons estandre nostre grace. Nous adecertes, eue consideracion aux choses devant dictes, inclinans à la supplicacion d'icellui exposant, à ycellui exposant tout le dit fait ou fais, avec toute peinne et amende corporele, criminele et civile, en quoy, pour occasion des choses devant dictes, il peut ou pourroit avoir offensé envers nous, ou cas dessus dit, avons quitté et pardonné, et par la teneur de ces presentes lettres, de nostre certaine science, grace especial, plaine [p. 296] puissance et auctorité royal, remettons, quittons et pardonnons. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à nostre dit bailli des Exempcions de Touraine, d'Anjou et du Mainne, et à tous les autres justiciers, officiers et subgiez de nostre royaume, ou à leurs lieux tenans, presens et avenir, et à chascun d'eux, si comme à lui appartendra, que le dit exposant facent, sueffrent et lessent joir et user plainement et paisiblement de nostre presente grace et remission, en mettant au neant tous procès fais ou enconmenciez sur ce contre le dit exposant ; les quelx nous ou dit cas anullons, en imposant sur ce silence perpetuel à nostre procureur ou dit bailliage et à tous autres. Et voulons que son corps, biens, se aucuns sont pour ce pris, saisiz ou arrestez, lui soient mis à plaine delivrance. Et pour ce que ce soit ferme chose à tousjours, nous avons fait mettre nostre [seel] à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné à Paris, l'an de grace mil ccc. lxxii, et de nostre regne le ixe, ou mois de mars.

Gregorius. — Par le conseil tenant les requestes à Paris. J. Vernon.


1 Cron a été, suivant M. Rédet (Dict. topogr. de la Vienne), la forme la plus usitée du nom de Craon (canton de Moncontour, Vienne), pendant les derniers siècles. Cette raison et l'absence de renseignements sur une occupation de Craon (Mayenne) par les Anglais en 1359 (M. S. Luce cite au contraire des documents prouvant que cette dernière place était alors occupée par une garnison française, Hist. de Du Guesclin, p. 489), nous font supposer qu'il s'agit plutôt ici de la première de ces localités. Craon devrait donc être ajouté à la liste des forteresses qui tombèrent entre les mains des Anglo-Gascons entre la bataille de Poitiers et le traité de Brétigny, liste que nous avons essayé de dresser dans l'Introduction du précédent volume, p. xl et suiv.