[p. 382]

DLXXXVIII

Rémission en faveur d'Etienne Dufaye, vigneron de Benet, fermier du fief Sainte-Catherine, qui dans une rixe avait frappé à mort Pierre Bretet.

  • B AN JJ. 107, n° 343, fol. 170
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 382-384
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir receu l'umble supplicacion de Estienne Du Faye, povre vigneron, demourant en la chastellerie et parroisse de Benoy en Poitou, contenant que, comme environ la Saint Barthelemy1 l'an m. ccc. lxxiiii, en soy esbatant et [p. 383] regardant les terres et gaingnages que l'en dit communaulment ou dit pais le fyé de Sainte Katherine, les quelles terres et fyé le dit suppliant et son frere tenoient à ferme du prieur illeuc, ycellui suppliant eust trouvé en une piece des dictes terres vj. pourceaux faisanz son dommaige, les quelx pourceaux il eust pour ce menez en prison en l'ostel de Sainte Jame, si comme il lui loisoit et le povoit faire, selon la coustume du lieu, et en menant les diz pourceaux en prison, s'escria un enfant que l'en dit estre filz d'un appelle Pierre Bretet, qui en venant par devers le dit Pierre, son pere, lui dist : « Pere, l'en meinne nos pourceaux en prison. » Le quel Pierre, mal content de ce et comme tout courroucié et eschauffez, s'adreça par devers le dit suppliant et lui dist très arrogamment : « Garçon, qui t'a fait mener mes pourceaux en prison ? » Au quel Pierre le dit suppliant, veant qu'il estoit mal meuz, lui respondi gracieusement en disant : « Je les ay trouvez en mon dommage, si les ay menez en prison, et se vous voulez paier le dommage, je consentiray voulentiers qu'il soient delivrés. » Le quel Pierre dist : « Je aymeroie mieulx que je eusse paié la corde de quoy l'en te deust pendre. » Et le dit suppliant lui dist : « Ce ne seroit pas courtoisie ; je aurois plus chier que vous n'eussiez pas tant vaillant, dont vous deussiez ou peussiez acheter telles denrées pour ce faire. » Lors le dit Pierre commença à lever une grant serpe bocheresse qu'il tenoit en sa main et s'efforça de ferir le dit suppliant, qui doubtant le peril de son corps, se recula arriere. Et non content de ce et en poursuiant en mal, ycellui Pierre2 s'avança derechief pour le ferir, en disant : « Garson, certes je te teuray. » Adonc le dit suppliant, veant le cop de la dicte serpe venir et dessendre sur lui et que le dit Pierre s'efforçoit plus que devant de le [p. 384] ferir, en reculant lieve une fourche de fust senz fer qu'il tenoit en sa main, fery le dit Pierre sur la teste de la dicte fourche un tout seul cop, dont mort s'en ensui en la personne d'icellui Pierre, si comme l'en dit. Pour occasion du quel fait, le dit suppliant s'est absentez du païs, et doubtant rigueur de justice, n'y ose retourner. En nous suppliant humblement que, comme il ait esté tousjours et soit de bonne vie et de honneste conversacion, et ne fut onques reprins d'aucun autre meffait, crime ou malefice, nous lui vueillions sur ce impartir nostre grace. Nous, ces choses considerées, inclinanz à sa supplicacion, au dit suppliant le dit fait, avec toute peinne, offense ou amende corporelle, criminelle ou civile, en quoy il seroit et pourroit pour ce estre encouru envers nous, avons remis, quictié et pardonné, remettons, quictons et pardonnons, ou cas dessus dit, de nostre certaine science, grace especial, plainne puissance et auctorité royal, par la teneur de ces presentes, et le restituons à sa bonne renommée, païs et biens quelxconques, satisfacion faite à partie avant tout euvre. Si donnons en mandement au seneschal de Poytou et à touz noz autres justiciers et officiers, presens et avenir, ou à leurs lieux tenans, et à chascun d'eulx, que le dit suppliant facent et lessent joir et user plainnement et paisiblement de nostre presente grace et remission, sanz le molester, faire ne souffrir empeschier ores ne pour le temps avenir, comment que ce soit, au contraire, en mettant ses biens, se pour ce estoient prins, saisiz ou arrestez, ou son corps emprisonné, du tout à plainne delivrance, sanz aucun delay. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre à ces presentes lettres le seel royal ordené en l'absence du grant. Sauf en autres choses nostre droit et en toutes l'autrui. Ce fut fait et donné à Paris, en nostre chastel du Louvre, ou mois de novembre l'an de grace m. ccc. lxxv. et de nostre regne le douzieme.

Par le roy en ses requestes. P. de Montyon. — Praelles.


1 Le 24 août.
2 Le texte porte par erreur : « ycellui suppliant. »