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DLXXXIX

Lettres de rémission accordées à Pierre Bouer, qui avait frappé à mort Nicolas Morain, pour venger l'honneur de sa femme que celui-ci avait outragée.

  • B AN JJ. 108, n° 75, fol. 49 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 385-387
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion des amis charnelx de Pierre Bouer et de Margot des Olleres1, sa femme, contenant que, comme sur ce que feu Nicolas Morain par hayne conceue ou autrement, de sa voulenté avoit dit et disoit publiquement, pour villener et deshonorer les diz mariez à tousjours, que ycelle Margot avoit esté et estoit une très grant putain et qui pis estoit, pour plus mettre grant noise et debat entr'eulx, voire pour les faire separer, eust dit et publié que les enfans des diz mariez, que le dit Nicolas tenoit pour siens, nez durant leur mariage ; n'estoient pas enfans du dit Pierre Bouer, son mary, mais estoient enfans d'une autre personne qu'il nommoit, et ce mesmes avoit dit et relaté Guillaume Morain, frere du dit feu Nicolas, pluseurs paroles feussent meues entr'eulx, le lundi avant la saint Nicolas d'esté derrainement passé2, [p. 386] ou prioré de la Cailliere en Poitou, où il estoient, et furent les diz mariez aussi comme touz foursenez pour la grant injure et villennie, que le dit feu Nicolas avoit dit et disoit de la dicte Margot, que le dit Pierre Bouer tenoit et tient pour bonne preude femme ; le quel, esmeu et eschauffé de ce, pour l'amour naturelle qu'il avoit à sa dicte femme et enfanz, après pluseurs paroles injurieuses dictes tant d'une partie comme d'autre, eust feru un cop ou pluseurs le dit feu Nicolas sur la teste d'un baston qu'il tenoit en sa main, et le quel il avoit trouvé d'aventure, et aussi le y fery du dos d'un coustel, dont on dit que mort s'en ensui dedans le jour ensuivant. Du quel fait ainsi advenu les diz mariez, eulx revenuz en leur bon propos et senz naturel et hors de leur fureur, ont esté et sont moult dolenz et courrocez. Et pour cause d'icellui, doubtanz rigueur de justice, se sont absentez du dit païs de Poitou, dont ilz sont, et n'y oseroient bonnement demourer ne converser ; et il soit ainsi que ilz aient esté et soient genz de bonne vie et honneste conversacion, et onques ne furent reprins ou blasmez d'aucun autre mauvez cas ou reproche, et que le dit fait est avenu par le fait et coulpe du dit feu Nicolas, qui tousjours continuoit en ses paroles, qui estoient et sont les plus hayneuses que l'en puisse dire à genz mariez, et n'est si constant homme qui en ce cas ne s'esmeust et eschauffast, et aussi est avenu ycellui fait soudainnement et par meschief, senz aucun fait appensé, il nous plaise pour Dieu et en pitié, actendu le cas dessus dit, qui est piteable, et afin que eulx et leurs enfans ne soient mendians à tousjours, et aussi les grans pertes et dommages qu'ilz ont eues et soustenues par le fait de noz guerres, leur faire et eslargir sur ce nostre grace. Nous, eue consideracion à tout ce que dit est, à yceulx mariez, ou cas dessus dit, le dit fait et tout ce qui s'en est ensui avons remis, quittié et pardonné, remettons, quittons et pardonnons de nostre certaine science, [p. 387] auctorité royal et grace especial, par ces presentes, avecques toute peinne et amende corporelle, criminelle et civile, en quoy yceulx mariez et chascun d'eulx pourroient estre encouruz envers nous, pour raison des choses dessus dictes ou aucunes d'icelles, et les remettons à leur bonne renommée, à leur païs et à leurs biens, en imposant sur ce silence perpetuel à nostre procureur et à touz autres, à qui il appartendra, se aucune poursuite ou demande en vouloient faire, toutesvoies satisfacion faicte à partie premierement et avant toute euvre. Si donnons en mandement au bailli des Exempcions d'Anjou, du Maine et de Tourainne, et à touz noz autres officiers et justiciers, ou à leurs lieux tenans, et à chascun d'eulx, presens et avenir, si comme à lui appartendra, que de nostre presente grace les lessent, facent et seuffrent joir et user paisiblement, et contre la teneur de ces presentes ne les empeschent ou molestent ou seuffrent estre empeschiez ou molestez, ores ne pour le temps avenir, en aucune maniere, mais leurs corps et leurs biens, se pour ce estoient prins, saisiz ou arrestez, les mettent ou facent mettre sanz contredit à plainne delivrance. Et en ampliant nostre dicte grace, nous plaist et voulons, et avons octroié et octroions, par ces mesmes presentes, au seigneur soubz qui jurisdicion le dit cas est avenu, que aus diz mariez il puisse faire telle grace comme il lui plaira, sanz prejudice ou lesion de sa justice, ores ne pour le temps avenir. Et afin que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre à ces presentes lettres le seel royal ordené en l'absence du grant. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné à Paris, le xxie jour de decembre l'an de grace m. ccc. lxxv. et le xiie de nostre regne.

Par le roy. J. Tabari.


1 On rencontre, vers cette époque, un Jean des Ollières, aliàs des Oulères. Le fief de la Ferté était tenu de lui et d'Hugues du Plessis. Ils refusèrent d'en recevoir l'hommage de Thomas Jean, dit Fabri, et de sa femme, parce que ce fief était litigieux entre ce dernier et Jean de Pairé, archiprêtre d'Ardin (Deux-Sèvres). Jean des Ollières et Hugues du Plessis soutenaient en même temps un procès contre Jean Rasour, touchant le rachat de certains héritages, affaire dans laquelle était impliqué aussi l'archiprêtre d'Ardin. (Voy. deux mandements du Parlement, en date des 21 mars et 24 avril 1380 ; X1a 29, fol. 19 v° et 32.) Une autre Marguerite des Ollières, ou des Holères, suivant Du Chesne, sœur de Thibaut, seigneur des Holères en la paroisse de la Chapelle-Thireuil, était femme de Humbert Rataut, seigneur de Dislay, dont la fille Jeanne contracta mariage avec Pierre de La Rochefaton, chevalier, vivant en 1350 et 1362. (Hist. généal. de la maison des Chasteigners, in-fol., Paris, 1634, p. 119.)
2 Le 7 mai 1375, la saint Nicolas se célébrant le 9 de ce mois et tombant cette année-là un mercredi.