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DI

Don à Pierre Lasnier de vingt livres de rente à prendre sur les biens de plusieurs Poitevins rebelles, en dédommagement des meubles et immeubles qu'il avait perdus à Poitiers et à Vouzailles, à cause de sa fidélité au roi de France.

  • B AN JJ. 100, n° 612, fol. 183
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 74-77
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir esté exposé de la partie de Pierre Lasnier que, comme il ait tousjours esté et encores soit bon et loyal françois, et nous ait servi en noz guerres bien et loyalment, et encores soit prest et apparillié du faire, pour le fait des quelles et pour tenir nostre partie, il a delessié et perdu bien xx. livrées de terre qu'il a voit ou païz de Guyenne et bien la valeur de iie livres de meuble que il avoit à Poitiers, avecques un herbergement qu'il avoit aussi en la ville de Vousaille, qui a esté ars et destruit par noz ennemis1, [p. 75] dont il est grandement dommagié, si comme il nous a esté tesmoignié, nous, pour consideracion et remuneracion des diz dommages, à l'umble supplicacion faicte à nous par le dit Pierre, lui avons donné et octroyé, par la teneur de ces presentes, donnons et octroyons, de nostre certaine science, grace especial et auctorité royal, xx. livres parisis de rente, à lez prendre, tenir et avoir chascun an par lui et ses ayans cause à tous jours maiz dores en avant, en et sur les manoirs, terres, rentes et autres possessions quelconques, que ont et tiennent à present en nostre royaume Guillaume Boucineau, Estienne Ragouteau, Phelipon Jaques2, de Poitiers, Jehan Jaroter, filz de feu Guillaume Jaroter, Jehan Bilant, de Ayron, Guillaume Jodrant, Perrot Chevalier3, Phelipon Ferron4, [p. 76] Phelipon Jodrant, Perrot Messay, Aymery Panciot, Phelipon Voet et Guillaume Jourdain5, noz ennemis et rebelles, demourans ou duchié de Guyenne, alliez avec noz diz ennemis, tant à cause d'eulz comme de leurs femmes, ou sur l'un d'iceulx là où il pourra miex et plus promptement estre assigné, baillé et delivré jusques à la dicte somme, ou dit Pierre Lasnier, ou à son certain commandement pour lui. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschalx de Tourainne, d'Anjou et du Mainne, et à tous les autres justiciers et officiers de nostre dit royaume, et aux commis et deputez de par nous à lever les confiscacions ; ou à leurs [p. 77] lieux tenans, et à chascun d'eulx, presens et avenir, si comme à lui appartiendra, que le dit Pierre facent et laissent joir et user paisiblement de nostre present don et grace, et contre la teneur d'icelle ne le troublent ou empeschent, ou sueffrent estre troublé ou empeschié, en aucune maniere, mais de la dicte terre et rente, jusques à la dicte somme, le mettent ou facent mettre, chascun en droit soy, qui requis en sera et à qui il appartendra, en possession et saisine, et en facent user et explecter le dit Pierre et ses heritiers ou aïans cause paisiblement, en ostant tout trouble et empeschement qui mis y seroit par les dessus nommez ou autres. Pourveu toutes voies que, ou cas que les dessus nommés se retourneroient à nostre obeissance et subjection et que à ce les recevrions, et que nous leur rendissions pour ce leurs dictes terres et possessions, que le dit Pierre ne autre pour lui ne nous puist demander pour ce present don aucune recompensacion ou restitucion. Et pour ce que ce soit ferme chose, etc. Sauf, etc. Donné à Meleun, l'an de grace mil ccc. lxx, et de nostre regne le viie, ou mois de novembre.

Ainsy signées : Par le roy. J. de Reims. — Visa.


1 Au mois de septembre 1369, une armée d'environ quatre mille combattants, dont faisaient partie le vicomte de Châtellerault, Guichard d'Angle, les sires de Parthenay et de Pons, Perceval de Cologne, etc., se forma à Angoulême, sous la direction du comte de Pembroke, qui avait à cœur de venger son échec de Purnon, et se dirigea vers l'Anjou, « ardant et essillant villes et petis fors qui ne se pooient tenir, et rançonnant le plat pays ». Ils poussèrent une pointe jusqu'à Saumur ; la ville, défendue par Robert de Sancerre, repoussa l'assaut. « Mes tous li pays de là environ fu pris, ars, gastés, et essilliés, et y firent en ceste chevance li Englès moult de desrois. » Hugh de Calverly s'empara des Ponts de Cé et s'y fortifia ; une autre bande s'établit solidement à Saint-Maur-sur-Loire. C'est sans doute pendant cette chevauchée que Vouzailles, qui se trouvait sur la route suivie par le comte de Pembroke, eut à souffrir les maux dont les lettres données en faveur de Pierre Lasnier portent ici témoignage.
2 On trouvera ci-dessous des lettres d'anoblissement en faveur de Philippe Jacques, dit de Bonniers, de Poitiers, datées de Paris, le 31 décembre 1376.
3 Il appartenait sans doute à la famille Chevalier, de Saint-Maixent, dont MM. Beauchet-Filleau ont donné une partie de la généalogie. Voici quelques renseignements inédits sur deux membres de cette famille et sur d'autres habitants de Saint-Maixent qui compléteront une note de notre précédent volume (p. 301). Marguerite Quentin, damoiselle, avait épousé Thomas Janvre, écuyer, puis Hugues Chevalier, et enfin, en troisièmes noces, Hélie Vigier, écuyer. Hugues Chevalier avait légué à sa femme la maison qu'ils habitaient à Saint-Maixent, et dans laquelle il mourut, ainsi que tous les meubles et approvisionnements qu'elle renfermait, stipulant que, dans le cas où ses autres héritiers voudraient troubler celle-ci dans la possession de ces biens, ils devraient payer 100 marcs d'argent au roi. Néanmoins, un jour que ladite dame, veuve alors, était fort malade, Jean Chevalier, Jean Larcher, Louis Mignot, Jean et Pierre Châteignier, se disant héritiers d'Hugues Chevalier, envahirent de nuit et en armes ladite maison, tinrent Marguerite Quentin prisonnière dans sa chambre et la firent garder pendant quinze jours par des gens armés. Au bout de ce temps, ils lui extorquèrent une renonciation au legs de son mari, et de plus une somme de deux cents francs d'or. Ladite dame s'étant remariée à Hélie Vigier, les deux époux portèrent plainte. L'affaire fut soumise d'abord à Jean de Londres et à Jean Taveau, conseillers du comte de Poitou, puis les défendeurs prétendant que les juges étaient d'avance favorables à leurs adversaires, le Parlement en fut saisi. Le 10 janvier 1376, la cour manda au lieutenant du sénéchal de Poitou à Saint-Maixent de faire examiner sans délai plusieurs témoins âgés et malades, dont les époux considéraient les dépositions comme indispensables pour leur procès, et recommanda à ce magistrat de se hâter, attendu la mortalité qui sévissait dans le pays (X1a 25, fol. 181). Puis le 7 avril 1378, on trouve un arrêt de procédure, dont nous avons extrait les faits qui précèdent, portant que les parties seront admises à produire leurs pièces et qu'il sera fait une enquête par des commissaires spéciaux (X1a 27, fol. 123 v°).
4 Un personnage du nom de Ferron, Guillaume, écuyer, servait pour le roi de France, avec 30 hommes d'armes, sous Renaud de Pons, du 1er mars 1370 au 1er mars 1371. (Bibl. nat., ms. fr. 20684, p. 424.) Un Geoffroy Ferron, chevalier, était en procès au Parlement, le 11 juillet 1376, contre Renaud de Vivonne, sire de Thors, auquel il réclamait une somme de 4000 fr. d'or. Celui-ci avait fait ajourner, comme garants, André Rouault, chevalier, Guillaume Prévot, Jeanne Jarousseau, veuve de feu Nicolas Mercier, et Jean Alonneau, qui réfusèrent de se rendre à cette invitation. La cour, par arrêt du 23 décembre suivant, décida que R. de Vivonne ne serait pas admis à impugner l'obligation de ladite somme qui est déclarée bonne et valable, et qu'il devra la payer à G. Ferron, sauf 1032 francs qu'il a prouvé avoir payés à-compte. Le 11 avril 1377, un huissier du Parlement fut chargé de l'exécution de cet arrêt (X1a 25, fol. 232 v°, et X1a 26, fol. 51 et 138 v°).
5 Une terre confisquée sur Guillaume Jourdain avait été donnée, en octobre 1369 à Jean comte de Sancerre (voy. le vol. précédent, p. 426 et note). Guillaume Jourdain avait prêté serment de fidélité à Jean Chandos, à Saintes, le 12 octobre 1361. (Bardonnet, Procès-verbal de délivrance, etc., p. 245.)