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DLXXXV

Lettres d'abolition octroyées à Guillaume de Chaunay, chevalier, et à quatre autres Poitevins, que les officiers du comte de Poitou poursuivaient pour un meurtre accompli du temps de l'occupation anglaise, au mépris de l'amnistie générale accordée par le roi après la soumission du Poitou.

  • B AN JJ. 107, n° 147, fol. 66 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 373-376
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, que [p. 374] de la partie de nostre amé et feal Guillaume de Chaunay1, chevalier, Huguet de Teilh, Pierre de La Forest2, Jehan Brachart et Elyot de la Brosse, du païs de Poitou, nous a esté exposé que comme nous, quant le dit païs derrainement fut remis en nostre obeissance, aus prelaz, genz d'eglise, barons, seigneurs, dames, et à touz leurs subgiez, aliez, adherens et touz autres habitanz du dit païs, ainsi retournez et venuz en nostre obeissance, et à chascun d'eulx eussions et aions remis, entre autres choses, quittié et pardonné toutes rebellions et desobeissances par eulx à nous faictes, et touz les crimes, delicts, excès et malefices par eulx ou aucuns d'eulx commis et perpetrez, durant la guerre d'entre nous et nostre adversaire d'Angleterre ou autrement, en quelque maniere que ce soit, avec toute peinne, amende et offense corporelle, criminelle et civile que il pevent avoir encouru envers nous et nostre très chier frere le duc de Berry et d'Auvergne, conte de Poitiers, pour cause des crimes, excès, delicts et malefices dessuz diz, soient crimes de lese magesté, murtres, ravissemens, violacions de femmes, sacrileges, larrecins, roberies, arsins, [p. 375] raençonnemens et autres quelxconques, comment qu'il soient nommez, jà soit ce que il ne feussent pas declairiez ne exprimez en nostre dicte remission, et sur ce eussions et aions imposé silence perpetuel à touz noz justiticiers, procureurs, officiers et autres, sanz ce qu'il puissent jamais estre approchiez ou inquietez en aucune maniere, si comme plus à plain est contenu en noz lettres sur ce faictes en cire vert et en laz de soie, les quelles ont esté leues et publiées generalment ou dit païs de Poitou ; et les diz exposans aient esté et soient du païs de Poitou, comme dit est, et avec les autres genz du païs de Poitou soient retournez et venuz en nostre obeissance, quant nostre dit païs de Poitou y fu mis et retourné, et soient avec les genz et habitanz du dit païs comprins en nostre dicte remission, et par ce leur doie la dicte remission profitier et valoir ; autrement il seroient de pire condicion que les autres generalment compris en la dicte remission. Neantmoins, les genz et officiers de nostre dit frere en sa conté de Poitiers ou autres se sont efforciez et efforcent de mettre et tenir en procès les diz exposans, et de arrester et de empeschier leurs biens, soubz umbre de ce que il maintiennent que, ou temps que nostre dit adversaire d'Angleterre ou Edouart de Gales, son ainsné filz, occupoit le païs de Guienne et par especial le dit païs de Poitou, les diz exposans ou aucuns d'eulx, du consentement ou mandement d'aucuns yceulx exposans, batirent le dit (sic) Jehan Faymoreau, et pour ce qu'il dient que mort s'est ensuie du dit fait, veulent proceder criminelment contre eulx, combien que le dit fait feust et soit advenu en la personne du dit Jehan Faymoreau, en l'an de grace m. ccc. lxxi. ou environ, ou quel temps nostre dit adversaire ou son dit filz tenoit et occupoit le dit païs, et avant ce qu'il feust retourné et mis à nostre obeissance ; et pour ce sont comprins en ycelle general remission ; et que les diz signifians aient fait paix et satisfacion à partie bleciée, [p. 376] si comme il dient ; en nous humblement suppliant, comme le dit de Chaunay nous ait loyaulment servi et serve en noz guerres, et les diz exposans aient esté et soient de bonne vie et renommée et honneste conversacion, nous sur ce leur vueillions eslargir nostre grace. Nous adecertes, pour consideracion de ce que dit est, aus diz exposans et à chascun d'eulx, ou dit cas, avons remis, quittié et pardonné, de grace especial, remettons, quittons et pardonnons le dit fait, avec toute peinne, amende et offense corporelle, criminelle et civile, que pour ce pevent avoir encouru envers nous. Et les restituons au païs, à leur bonne renommée, se pour ce est amenrie, et à leurs biens quelxonques ; sauf le droit de partie à poursuir civilement tant seulement. Si donnons en mandement au bailli des Exempcions de Tourainne, de Poitou, d'Anjou et du Maine, et à touz les autres justiciers de nostre royaume, ou à leurs lieux tenans, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que les diz exposans facent et seuffrent joir et user de nostre presente grace, senz les molester au contraire en corps ne en biens. Et se aucuns de leurs biens estoient pour ce prins, saisiz, levez, arrestez ou empeschiez, leur mettent ou facent mettre à plaine delivrance, en imposant sur ce silence perpetuel à touz ceulx à qui il appartendra. Et pour ce que ce soit ferme chose et estable à touzjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné à Paris, ou moys de juing l'an de grace m. ccc. lxxv. et de nostre regne le douziesme.

Es requestes de l'ostel. Henry. — Filleul.


1 En 1353 et en 1376, on trouve quelques renseignements sur Guillaume de Chaunay, chevalier, dans les registres du Parlement. A cette première date il poursuivait Pierre Guyet et Denis des Isles « super pluribus gravibus et enormibus excessibus et criminibus per predictos Petrum et Dionisium, ac eorum complices, dicto militi factis et illatis » ; mais il ne put les faire comparaître ni arrêter et dut se contenter de les faire déclarer défaillants et, à plus d’un an d’intervalle, d’obtenir deux mandements de la cour ordonnant au sénéchal de Poitou de les ajourner de nouveau sous peine de bannissement et de confiscation de leurs biens, 14 mars 1353 et 2 avril 1354 (X2a, 6, fol. 27, 93 v°, 94). Le 27 juin 1376, le Parlement annula et mit à néant un appel que Guillaume de Chaunay avait interjeté de l’auditoire du sénéchal de Poitou contre le duc de Berry et ses officiers (X1a 25, fol. 225 v°). Suivant Du Chesne, Guillaume de Chaunay était seigneur de Champdenier et fils de Guillaume, seigneur de Javarzay, et de Jeanne de Champdenier ; il avait deux sœurs : Aiglive, mariée à Lestrange de Saint-Gelais, et Jeanne, mariée à Jean de Vivonne. Tous trois se portaient, en 1379, héritiers d’Aimery de Champdenier, leur oncle maternel, mort sans lignée. (Hist. généal. de la maison des Chasteigners, p. 100.)
2 Sur ce personnage ou son homonyme, voy. le volume précédent, p. 24, note 2.