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DXCIII

Rémission accordée à Jean de La Haye, chevalier, à Guillaume d'Oiron, écuyer, et à plusieurs autres leurs complices, qui s'étaient emparés sans commission du fort de Saint-Florent-le-Vieil, mais l'avaient rendu en mai 1363 au duc d'Anjou.

  • B AN JJ. 108, n° 276, fol. 155 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 397-400
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, que de la partie des compaignons, dont les noms sont cy après nommez et exprimez, c'est assavoir Jehan de La Haye1, chevalier, Guillaume d'Oiron2, escuier, Guillaume Le Conte, Jehan Fierboys, Colinet le Moine, Jehan Mallart, Guillaume Thomas, Symon Rose, Colin Le Conte, Guillaume de Lenay3, Odin de Crevecuer et Jehan Regnart4, nous a esté exposé que, bien a xiii. ans et plus, c'est assavoir lors que les guerres estoient moult granz par tout nostre royaume et que noz ennemis y tenoient [p. 398] et occuppoient plusieurs fors, et par especial ou païs d'Anjou, dont est la plus grant partie des diz exposanz, et pluseurs autres leurs alliez et adherens adviserent un lieu ou dit païs d'Anjou, qui estoit assez fort, appelle le moustier de Saint Florent le Viel5, fondé de moines noirs, le quel estoit environné de pluseurs autres fors que tenoient et occupoyent noz diz ennemis ; et ycellui moustier où il n'avoit que vi. hommes d'armes avec les religieus d'icellui moustier et aucuns autres simples genz du pays qui s'i estoient retraiz, pour doubte de noz diz ennemis, et qui n'estoient pas gens de defense, prindrent, du consentement des diz vi. hommes d'armes qui estoient de leur amistié, et pour contrester à la mauvaise voulenté des diz ennemis, et pour les grever et dommager à leur povoir, et aussi pour doubte que yceulx ennemis ne le preissent et occupassent ; car s'il l'eussent prins et occupé, tout le païs d'environ eust esté en voye et peril d'estre du tout destruit et desert, et avec ce une grant partie des diz compaignons qui sont du dit païs eussent esté semblablement en peril d'estre desert et mis à povreté ; et le fortiffierent et mirent en tel estat et si defensable que, à l'aide de Dieu, il le tindrent et garderent par l'espace de v. mois ou environ, contre tout le povoir de noz diz ennemis, qui par pluseurs fois s'efforcerent de le prandre et occuper, et finablement l'eussent prins, se ne feussent les diz compaignons. Et ne firent yceulx compaignons aus diz moynes qui estoient ou dit moustier, ne aus autres genz du dit lieu, aucun mal de leurs personnes, fors seulement de prenre de leurs biens pour leurs vivres et leurs autres neccessitez. Neantmoins assez tost après, c'est assavoir au [p. 399] moys de may l'an m. ccc. vxiii, nostre très cher et amé frere le duc d'Anjou et du Maine, en quel terre est assiz le dit moustier, ou ses genz requistrent ausdiz compaignons qu'il leur rendissent le dit fort ; le quel il leur rendirent moult amiablement, senz nulle rebellion et senz faire autres excès que dessus est devisé. Après lesquelles choses et la rendue du dit fort, une partie des diz compaignons s'en alerent pour nous servir au siege de Becherel, et le demourant des diz compaignons les moines du dit fort, à qui les genz de nostre dit frere le rendirent, retindrent avec eulx pour garder le dit fort. Suppliant que, ces choses considerées, et au longtemps qu'il y a que le dit fait avint, et aus guerres et pestilances qui lors estoient par tout nostre royaume et par especial ou dit païs, et ce que il sont et depuis le dit temps ont esté genz de bonne vie et honneste conversacion, et nous ont servi avant et après le dit fait bien et loyaument en noz guerres, où il ont exposé leurs dictes personnes en pluseurs perilz, que sur ce leur vueillons eslargir nostre grace. Nous adecertes, eu regart et consideracion à ces choses, ayanz pitié et compassion des diz supplians en ceste partie, toute peinne corporele, criminele et civile, en quoy les diz supplians et chascun d'eulx sont ou pevent estre encoruz envers nous, pour le fait de la prinse du dit moustier et des biens qui y estoient, les quelz il prinrent pour leurs dictes neccessitez, leur avons ou cas dessus dit quictié, pardonné et remis, quictons, pardonnons et remettons, par ces presentes, de grace especial et de nostre auctorité royal, satisfaction ou restitucion faicte à partie, et les remettons au païs, à leur bonne fame et renommée et à leurs biens, en imposant quant à ce silence perpetuel à nostre procureur et à touz noz autres justiciers et officiers. Mandans au bailli des Exempcions de Touraine, d'Anjou, du Maine et de Poictou, et à touz refformateurs, deputez et à deputer sur telz et semblables faiz, à leurs lieux tenans et à chascun d'eulx, [p. 400] que les diz supplians et chascun d'eulx il facent, sueffrent et laissent joir et user paisiblement de nostre presente grace, et se leurs corps ou leurs biens, ou d'aucuns d'eulx, estoient pour ce prins, detenuz ou empeschiez, qu'il les leur mettent ou facent mettre à plaine delivrance. Et que ce soit chose ferme et estable à touz jours mais, nous avons fait mettre nostre seel, ordené en l'absence du grant, à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et en toutes l'autrui. Donné à Paris, ou moys de mars l'an de grace m. ccc. lxxv, et le xiie de nostre regne.

Es requestes de l'ostel. J. Greelle. Auxoys.


1 Nous avons publié, à la date du 23 novembre 1369, des lettres de don d'une rente annuelle de 20 livres sur des biens confisqués en faveur de Jean de La Haye, le jeune, fils de feu Jean de La Haye, du Puy-Notre-Dame (vol. précédent, p. 430). C'est sans doute le même personnage qui était seigneur de Beauregard, et dont le fils de même prénom épousa Jeanne Turgis, fille d'Aimery, seigneur des Fontaines, et de Jeanne de Bernezay. (Beauchet-Filleau, Dict. des familles de l'anc. Poitou, t. II, p. 209.) On trouve dans les registres du Parlement Jean de La Haye, chevalier, et Jean de La Haye, écuyer, poursuivis en matière criminelle par Jean d'Appelvoisin et sa femme. Après information faite contre eux, ils obtinrent tous deux leur élargissement, le 12 mars 1379 (X2a 10, fol. 77).
2 Guillaume d'Oiron, écuyer, était poursuivi, à cette époque, au criminel, mais pour une cause non spécifiée, par le procureur du roi au Parlement, par Guiomart Gouzillon et par les réformateurs députés par le roi en Anjou. Le 2 avril 1376 n. s., la cour l'élargit jusqu'à nouvel ordre, et il élut domicile à Paris, chez son procureur, Pierre Solas. (Arch. nat., X2a 10, fol. 15 v°.)
3 Parent de Maurice de Lenay, chevalier, dont nous avons dit quelques mots dans une note précédente.
4 Jean Renard ou Regnart était appelant au Parlement avec plusieurs autres, le 14 mai 1379, d'une sentence criminelle rendue contre eux, en faveur de Jean Boutoul, écuyer, par le lieutenant du bailli des Exemptions de Poitou, Anjou et Touraine, au siège de Luçon (X2a 9, fol. 158).
5 L'occupation par Jean de La Haye et ses compagnons de l'abbaye fortifiée de Saint-Florent-le-Vieil remonte par conséquent à l'année 1362 ou 1363, c'est-à-dire à l'époque où les grandes Compagnies désolaient les marches d'Anjou, de Touraine et de Poitou. (Cf. S. Luce, Tableau des lieux forts occupés par les compagnies anglo-navarraises, dans l'Hist. de Du Guesclin, t. I, p. 483.)