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D

Don à Pierre Bauchier, écuyer de Bretagne, du château de Néon et de ses dépendances, confisqués sur Huguet d'Aloigny, parce que celui-ci y avait placé Guyot du Jeu, écuyer, qui le tenait sous l'obéissance du roi d'Angleterre.

  • B AN JJ. 104, n° 337, fol. 140
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 71-74
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu, roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que, comme Guyot du [p. 72] Jeu1, escuier, le quel prenoit et devoit prendre par an dix setiers de blé, à la mesure d'Angle, sur le chastel de Neon et sur les revenues et appartenances d'icellui, le quel chastel et appartenances estoient et appartenoient à Huguet d'Aloigné2, escuier, eust et tenist le dit chastel et en preist et receust toutes les revenues et rentes d'icellui, tant pour paiement des dis dix setiers de blé comme pour la garde d'icellui en l'obeissance de nostre adversaire d'Angleterre, dont il s'estoit parmi chargiez par accort fait avec lui par le dit Huguet et ses amis, du quel nostre adversaire le dit Guyot a tenu et tient le parti encontre nous et nos subgiez, par quoy le dit chastel et ses dictes appartenances nous sont acquis et venus en commis, nous, pour consideracion des bons et loyaux services que nous a fais en nos guerres et fait chascun jour Pierre Bauchier3, escuier de Bretaingne, compaignon de nostre amé huissier d'armes Jehan de Kaeranloet4, et à la requeste [p. 73] du dit Jehan, avons au dit Pierre donné et octroyé, de nostre grace especial, de certaine science et auctorité royal, et par la teneur de ces lettrés donnons et octroions le chastel de Neon dessus nommé avecques ses dictes appartenances, soient terres, vignes, prés, pastures, boys, rivieres, estans, pescheries, hommes, hommages, jurisdicion haute, moyenne et basse, cens, rentes et autres revenues quelconques, en quelconque valeur que elles soient, à tenir et possider par le dit Pierre et par ses hoirs et successeurs, et ceulx qui auront cause de lui, perpetuelment et à tousjours. Si donnons en mandement aux seneschaux de Poitou, de Lymosin et de Xantonge et à tous les autres [p. 74] justiciers de nostre royaume, presens et avenir, ou à leurs lieutenans et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que le dit Pierre mettent et tiennent en possession et saisine du chastel et des appartenances dessus dictes, et l'en facent et laissent, et ses dis hoirs et successeurs, et ceulx qui de lui auront cause, joir et user paisiblement et perpetuelment, cessant tout empeschement. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné à Paris, le viiie jour de juillet l'an de grace mil ccc. lx. et dix, et le septiesme de nostre regne.

Par le roy. Yvo.


1 Il appartenait à une famille dont les biens étaient situés dans le Mirebalais et qui était très probablement originaire de ce pays. (Cf. Jeu, près Marcé, commune de Chouppes.) M. E. de Fouchier mentionne Hugues et Perrot de Jeu, possesseurs d'un hôtel à Marcé, en 1326, et Philippon de Jeu, seigneur du Bois-Robin, à la Grimaudière, en 1376. (La baronnie de Mirebeau du xie au xviie siècle, in-8°, 1877, p. 192 et 216.)
2 La famille d'Aloigny était une des plus anciennes du Poitou. Huguet ne figure pas sur les nombreuses généalogies imprimées qui en existent. (Moréri, Grand dictionnaire historique ; La Chenaye-Desbois, Dictionnaire de la noblesse ; Beauchet-Filleau, Dictionnaire des familles de l'ancien Poitou, etc.)
3 Ce nom qui revient fréquemment dans les actes de la fin du xive siècle et du commencement du xve publiés par dom Morice (Hist. de Bretagne, t. II, passim) est écrit plus communément Boschier. M. Demay décrit le sceau d'un Pierre Boschier, écuyer, qui fit partie de l'armée levée « pour mectre en subjection et réduire à l'obéissance le seigneur de Partenay », sceau apposé au bas d'une quittance de gages du 24 juin 1415. (Invent des sceaux de la collect. Clairambault, in-4°, t. I, p. 134.)
4 Jean de Kerlouët, écuyer, originaire de Plévin, au diocèse de Quimper, avait alors trente-quatre ans (voy. l'enquête faite à Angers pour la canonisation de Charles de Blois, le 5 novembre 1371, dom Morice, Preuves de l'histoire de Bretagne, t. II, p. 19 et 20). Au retour de l'expédition d'Espagne, où il avait accompagné Du Guesclin, il vint guerroyer contre les Anglais sur la frontière de Poitou ; il prit une part active à cette campagne et y rendit au roi d'éminents services. La prise de la Roche-Posay en 1369 fut due en grande partie à sa valeur (voy. vol. précédent, p. 390) ; il en fut nommé capitaine et Charles V lui assigna, dès le 12 septembre de cette année, 4500 francs d'or pour la garde du château. Victorieux des Anglais, quelques jours après, dans un combat près de Lusignan (id., p. 406), il leur livra de nouveau bataille à Purnon, en compagnie de Jean de Bueil, de Jean de Vienne, de Guillaume des Bordes et de Louis de Saint-Julien. Leurs exploits dans cette action sont longuement racontés par Froissart. Kerlouët contribua encore à la prise de Saint-Savin et paya largement de sa personne au pont de Lussac, où fut tué Jean Chandos, le 31 décembre 1369. Malheureusement il y demeura prisonnier. Sa rançon, fixée à 3000 francs d'or, fut payée par la ville de Tours, au dire de Cuvelier. Dès le mois de juillet 1370, nous le retrouvons à l'escalade de Châtellerault, dont la réussite fut sa revanche. Il ne quitta plus désormais le théâtre de ses exploits, où il finit par trouver une mort glorieuse. Quand le duc d'Anjou réunit une armée imposante, que Froissart estime à mille lances, chevaliers et écuyers, et à quatre mille gens de pied, pour reprendre la Roche-sur-Yon, dont les Anglais s'étaient rendus maîtres, comme nous l'avons vu, au milieu de l'année 1369, Kerlouët fit partie de l'expédition. Puis, le 21 mai 1373, à Chizé, il assista encore à une déroute des ennemis qu'il n'avait cessé de combattre ; mais quelques jours après il fut tué sous les murs de Niort, dont Du Guesclin victorieux allait prendre possession. Charles V, reconnaissant de tant de services, affecta par son testament, daté d'octobre 1374, une rente de trente livres à la fondation d'une chapelle pour son huissier d'armes. (Arch. nat., J. 153, n° 17.) M. Luce a mis en relief l'individualité de ce personnage, méconnu ou défiguré par d'autres historiens, et a produit un grand nombre de renseignements sur les quatre dernières années de sa vie. (Edit. de Froissart, t. VII, p. xlix, lxiv, lxxiii, lxxix, lxxxiii, lxxxvi, lxxxvii et xc). Outre la forme que l'on rencontre ici, le nom de Kerlouët est encore écrit, dans les textes de l'époque, Karalouet, Keranlouet, Carelouet, etc.