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DXXIII

Don à Imbaud, sire du Peschin et de Combronde, chambellan du comte de Poitiers, des château, ville et châtellenie de Sainte-Néomaye, alors tenus et occupés contre le roi par le sire de Mussidan.

  • B AN JJ. 103, n° 294, fol. 138
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 149-153
D'après a.

Karolus, Dei gracia Francorum rex. Notum facimus universis, tarn presentibus quam futuris, quod, attentis laudabilibus et gratis serviciis per dilectum et fidelem nostrum Ymbaudum, dominum de Peschino et de Combronda1 scutiferum, cambellanum carissimi germani nostri Johannis, ducis Biturie et Alvernie, comitis Pictavensis, Xantonensis et Engolismensis, nobis et dicto germano nostro, in recuperacione dictorum comitatuum et aliàs diversimode impensis, prout de hiis sumus ad plenum certifficati, nos, pro nobis nostrisque successoribus, in remuneracionem dictorum serviciorum, eidem Ymbaudo tanquam benemerito, castrum, villam et castellaniam de Sancta Neomadia senescallie Pictavensis ac ressorti de Sancto Maxencio, quod quidem castrum ac villa et castellania predicte ad nos, racione forefacture [p. 150] seu rebellionis domini de Moussidean2, notorie adversarii nostri et inimici, de presenti castrum villam et castellaniam [p. 151] predictas per modum rebellionis et inobediencie contra nos occupantis, pertinere noscuntur, cum ejusdem castri, ville et castellanie dominio, territorio, proprietate, juridicione alta, media et bassa ac mero et mixto imperio, vassallis, hominibus, subditis, homagiis, feodis, retrofeodis et omnibus redditibus, proventibus, exitibus, domibus, possessionibus, terris, pratis, pascuis, aquis, molendinis, stagnis, nemoribus, usagiis, usibus, saisinis, juribus, libertatibus et accionibus ad hujusmodi castrum, villam et castellaniam spectantibus, aliisque earumdem castri, ville et castellanie pertinenciis universis, usque tamen ad quingentas libratas terre, secundum usum et consuetudinem patrie assidendas, dedimus et concessimus, ac donacione pura et irrevocabili damus et concedimus per presentes, de certa sciencia, auctoritate regia et gracia speciali, per ipsum Ymbaudnm suosque heredes et successores imperpetuum, castrum, villam et castellaniam de Sancta Neomadia predictas cum dictis eorum pertinenciis in hereditatem perpetuam possidendas. Quapropter dilecto nostro senescallo Pictavensi ceterisque justiciariis nostri regni vel eorum loca tenentibus, presentibus et futuris, et eorum cuilibet, ut ad eum pertinuerit, precipimus [p. 152] et mandamus committendo, si sit opus, ut prefatum Ymbaudum, seu ejus procuratorem pro ipso immediate, dum castrum, villa et castellania predicte nostre obediencie et subjeccioni suberunt3, in realem et corporalem possessionem castri, ville et castellanie et pertinenciarum predictarum ponant et inducant realiter et de facto, ac nostra presenti gracia et donacione uti et gaudere faciant et permittant pacifice et quiete. Dantes preterea in mandatis hominibus et vassallis castri, ville, castellanie et pertinenciarum predictarum, ut ipsorum quilibet fidelitatis juramentum et homagium, que racione earumdem castri, ville, castellanie et pertinenciarum, prestare tenetur, prestet et faciat prefato Ymbaudo, modo et forma in talibus consuetis, non obstantibus aliis donis per predecessores nostros vel nos eidem Ymbaudo actenus factis, quodque hiis presentibus non specificentur, ordinacionibus, deffensionibus et mandatis factis vel faciendis in hac parte, Ita tamen quod ad aliquam compensacionem dicto Imbaudo faciendam minime teneamur, si predictum dominum de Mussidan ad nostram obedienciam reverti contingat et ob hoc restitucionem rerum expressatarum superius obtinere. Et ut premissa perpetuo firmitatis robur obtineant, presentes litteras nostri sigilli fecimus appensione muniri. Nostro in aliis et alieno semper in omnibus jure salvo. Datum Meleduni, die xxviia octobris [p. 153] anno Domini millesimo ccc. septuagesimo secundo, et regni nostri nono.

Per regem, domino cardinale Belvacensi4 presente. J. Tabari.


1 Ecuyer originaire de l'Auvergne, Imbaut du Peschin était déjà chambellan de Jean, duc de Berry, le 7 juillet 1359. Il reçut à cette date, de Toulouse, commission de son maître, ainsi que Jean de Montagu, le Galois de la Baume et deux autres, d'aller prendre possession du comté de Mâcon, que le roi Jean avait joint, au mois de mai précédent, à l'apanage de son troisième fils. (Original scellé aux Arch. nat., J. 185e, n° 3.) Charles V avait déjà reconnu ses services par le don en perpétuel héritage de toute la terre et appartenances de Paiguillon (peut-être Péguilhan) « estans en nostre royaume », confisquées à cause de la rébellion du seigneur de l'endroit qui tenait le parti du prince de Galles. (Lettres données au Mont-Sainte-Catherine de Rouen, en septembre 1369 (JJ. 100, n° 18, fol. 15.) Le nom d'Imbaud du Peschin figure fréquemment sur le registre des comptes du duc de Berry, dont il avait toute la confiance, et qui le chargea à maintes reprises de missions secrètes et de négociations. Sainte-Néomaye n'était pas encore rentrée sous l'obéissance de Charles V, à la date de ces lettres, comme il est formellement déclaré dans le corps de l'acte. Imbaud du Peschin ne put jouir de cette donation, car il mourut vers le 15 février 1373. Le duc de Berry fit les frais de son enterrement à Bourges. On trouve un mandement de ce prince, à la date du 16 février 1373, ordonnant le paiement de 242 livres 7 sous 7 deniers à Guillaume de Chauvigny, son secrétaire, « pour plusieurs parties contenues en ung rolle escript et signé de sa main, qu'il a mises par le commandement de monseigneur pour faire l'obseque de feu Ymbaut du Peschin. » (Registre des comptes de Jean duc de Berry, aux Arch. nat., KK. 251, fol. 101.) Il laissait de sa femme, Blanche Boutillier, plusieurs enfants qui étaient encore mineurs le 6 février 1378, époque où fut rendu au Parlement un arrêt entre cette dame et Béraud Dauphin (X1a 27, fol. 110 v°). Une quittance des gages d'Imbaud du Peschin, chambellan du duc de Berry, pour services de guerre en Auvergne et en Bourbonnais, est revêtue du sceau de ses armes, où l'on distingue un écu à la croix ancrée, penché, timbré d'un heaume, cimé d'une tête de femme dans un vol, supporté par un lion et un griffon dans un quadrilobe. Cette quittance est datée de Saint-Pourçain, le 12 avril 1370 n. s. (G. Demay, Inv. des sceaux de la coll. Clairambault, t. II, p. 55.)
2 Raymond de Montaut, seigneur du fort château de Mussidan en Périgord, dont les ruines qui subsistent encore attestent l'importance, l'un des acteurs les plus en vue de la guerre de Cent Ans, fut, parmi les barons de Gascogne, l'un des serviteurs les plus constants du roi d'Angleterre. Nous avons dit quelques mots (vol. précédent, p. 361), et il sera question encore, dans un autre endroit, du traité qu'il conclut avec Charles d'Artois, comte de Longueville, par lequel il promettait de le servir contre tous ses ennemis, sauf Edouard III et ses fils, et en gage duquel il reçut le château et la châtellenie de Sainte-Néomaye, appartenant à Charles d'Artois du chef de sa femme, Jeanne de Bauçay. Après avoir combattu à Cocherel, où il fut blessé, le sire de Mussidan séjourna quelque temps en Angleterre et accompagna le prince de Galles en Espagne ; il assista à la bataille de Najara, le 3 avril 1367. (Froissart, édit. S. Luce, t. VII, p. 9 et 39.) Après la prise de Bourdeilles par les comtes de Cambridge et de Pembroke, il en fut nommé capitaine (mai 1369) ; il détenait encore à la fin de cette année la châtellenie d'Aubeterre, que Louis duc d'Anjou déclara confisquée et donna à Hélie de Labatut par acte daté de Toulouse, novembre 1369. (Id. ibid., p. lxx, note 2.) Il faisait partie de l'armée du prince de Galles qui assiégea et prit d'assaut Limoges, le 19 septembre 1370, et fut, en récompense de sa conduite, nommé capitaine de Montpont et l'un des gouverneurs de la Gascogne. Quand la cause anglaise était déjà perdue en Poitou et que les barons du pays restés fidèles au Prince Noir étaient assiégés dans Thouars, leur dernier refuge, le sire de Mussidan s'efforça encore de tout son pouvoir de leur porter secours. (Froissart, édit. Kervyn de Lettenhove, t. VIII, p. 71, 75, 110, 209). On perd sa trace pendant quelques années. Puis, en 1377, pendant que le duc d'Anjou et Du Guesclin faisaient le siège de Bergerac, un combat fut livré non loin de là à Eymet (Dordogne), où les Anglo-Gascons furent battus et le sire de Mussidan fait prisonnier. Pendant sa captivité, il se décida à embrasser le parti français. Le duc d'Anjou le présenta à Charles V, qui fit tout pour se l'attacher définitivement et le combla de faveurs, (Id., t. IX, p. 10, 14, 17, 22, 45.) Il existe, à la date du 28 mars 1378 n. s., un mandement du roi portant ordre de payer à un orfèvre de Paris, Jean Broulart, une somme pour achat de vaisselles, entre autres « pour deux douzaines d'escuelles d'argent pesans xxxvi. mars v. onces, à vi. francs et ii. solz parisis le marc, iic XXIIII. frans vi. s. vii. d. tournois, que nous avons donnez au sire de Musidan ; et pour un gobelet et une aiguiere d'argent dorez, que nous avons donnez à un chevalier de la compaignie d'iceluy seigneur, pesans v. mars iii. onces et vi. esterlins, à x. frans le marc, liiii. frans i s. iii. d. tournois » (Delisle, Mandements de Charles V, p. 827). Froissart raconte d'une façon curieuse comment, après être resté un an et plus à Paris, Raymond de Montaut fut pris de remords, s'enfuit de nuit avec deux compagnons et retourna se mettre au service des Anglais (édit. Kervyn de Lettenhove, t. IX, p. 116), auxquels il demeura désormais fidèle ; car on le retrouve avec eux à Bordeaux, en 1395.
3 La prise de Sainte-Néomaye fut opérée avant le mois de mars 1373, par Alain de Beaumont, alors capitaine de Saint-Maixent. En récompense, le duc de Berry et Charles V lui firent don du château et de la châtellenie, par lettres de cette date publiées plus loin. On remarquera qu'il n'y est même point fait allusion à la présente donation faite en faveur d'Imbaud du Peschin, ce qui prouve qu'elle demeura sans effet. L'occupation anglaise d'abord, puis la mort du donataire arrivée peut-être avant la prise du château, en tout cas fort peu de temps après, l'empêchèrent de profiter de cette libéralité. Le don de Sainte-Néomaye à Alain de Beaumont fut confirmé p r le roi, le 10 février 1377. L'acte en sera publié à cette date, et l'on trouvera en cet endroit une note sur les destinées de cette châtellenie au xive siècle, et sur ses changements successifs de seigneurs.
4 L'évêque de Beauvais était à cette époque Jean d'Augerant (24 septembre 1368-janvier 1375) ; mais il s'agit ici de son prédécesseur immédiat, Jean de Dormans, cardinal, chancelier des rois Jean et Charles V, mort à Paris, le 7 novembre 1373.