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DXLI

Lettres qui confèrent la noblesse aux maire, échevins et conseillers de la ville de Poitiers, alors en exercice, ainsi qu'à leurs successeurs, et à leur descendance masculine et féminine.

  • B AN JJ. 199, n° 252, fol. 146
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 233-236
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que nous, considerans la très grant loyaulté et obeissance, la très bonne voulenté et affection que tous jours ont eu à la coronne de France et à nous, noz bien amez le maire, les douze eschevins et les douze conseillers jurez de la commune et ville de Poictiers, qui ont esté ou temps passé et sont encores, et du nombre des quelx sont à present Jehan Bigot, maire, Aymery d'Airon1, Guillaume Gaiguolleau, Jehan Regnault, Simon Mourraut et Jehan de Taunay2, les quelz ont esté [p. 234] maires de la dicte ville et à present sont du nombre des douze eschevins, et aussi leur bon port, leur bon estat et bon gouvernement, tant en commun comme de leurs personnes singulieres, les quelz ont esté et sont recommandez de très grant bien, honneur et commandable souffisanee, et de très pourveue ordonnance, adornez de nobles vertuz et autres dignes et louables merites. Considerans aussi les grans et bons services que ilz ont fait à noz predecesseurs et à nous, ou temps passé, et esperons que ilz facent ou temps advenir ; actendu aussi et consideré que pour le gouvernement de la dicte ville a esté d'ancienneté, et esperons que il sera aussi ou temps advenir, acoustumé de estre et excercer les diz offices de maire, eschevins et conseillers jurez des plus notables et bonnes personnes, de bonne vie et honneste conversacion et plaines de grans vertuz et merites, affin que ce soit exemple aux autres habitans de la dicte ville, quant ilz verront les dessus diz estre essaucez, eslevez et preferez en haultesse, honneur, preeminance et dignité, iceulz maire, eschevins et conseilliers jurez, et les diz Jehan Bigot, maire, Aymery d'Airon, Guillaume Gaiguolleau, Jehan Regnault, Simon Mourraut et Jehan de Taunay, qui à present sont du nombre dessusdit, et tous ceulx qui ou temps advenir et perpetuelment seront, [p. 235] avec toute leur lignée descendant, née et à naistre de loyal mariage, masculine et feminine, nonobstant qu'ilz ne sont mie ou aient esté nez, extraiz ou procreez de noble sanc, de nostre certaine science, auctorité royal, pleine puissance et grace especial, avons anobliz et anoblissons par ces presentes ; et leur octroyons et voulons que ilz soient tenuz et repputez dès maintenant et à tousjours mais pour nobles en jugement ou fait d'armes et ailleurs, en quelxconques lieux que ce soit, et que eulx et leurs enffans masles et leur dicte lignée masculine, procreée et approcreer puissent et quant il leur plaira estre par quelxconques autres chevaliers aornez d'ordre et estat de chevalerie. Et avec ce eulx et toute leur dicte lignée masculine et feminine, et chascun d'eulx, puissent acquerir et conquester par tout le royaume de France, et s'aucuns ont desjà acquestez, tenir, avoir et possider fiefz, arrierefiez, terres, possessions, heritaiges, justices, seigneuries et quelconques autres choses nobles et de noble condicion, sans ce que pour ce ilz soient jamaiz tenuz de paier aucune finance à nous ne à noz successeurs roys de France. Laquelle finance, quelle et combien grande que elle soit ou puist monter, nous, de nostre auctorité et puissance dessus dicte, leur avons quictée, remise et donnée, quictons, donnons et remectons, par la teneur de ces presentes. Et avec ce leur octroyons et voulons qu'ilz joissent de tous privilleges, droiz, immunitez, franchises, coustumes, libertez, usaiges et de toutes autres choses, comme font et ont acoustumé et doivent faire chevaliers et escuiers et autres nobles du dit païs et de nostre dit royaume. Donnons en mandement au seneschal de Poictou et à tous les justiciers, officiers et subgectz de nous et de nostre dit royaume, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d'eulx, que les diz maire, eschevins et conseillers jurez, et les dessus nommez, qui à present sont et tous leurs successeurs ès diz offices, qui ou temps advenir seront, et toute leur [p. 236] dicte lignée, et chascun d'eulx, facent et laissent joir et user de nostre presente grace et de nostre present octroy, sans leur faire ou souffrir estre fait au contraire destourbier ou empeschement aucun, lequel se ilz trouvent estre fait, si les rappellent et facent rappeller et mectre au premier estat et deu. Et pour ce que les diz maire, eschevins et conseillers jurez et les dessus nommez, et leurs successeurs ne pourraient mie bonnement ou aiseement ces presentes monstrer, quant ilz voudraient ou mestier leur seroit, pour ce qu'elles touchent et pourront toucher plusieurs personnes, et leurs successeurs ou temps advenir, nous voulons et leur avons octroyé et octroyons que au transcript ou vidimus de ces presentes, soubz sceaulx royaulz confectes, soit adjoustée plaine foy, et que ilz leur baillent, prouffitent et aient tel effect comme à l'original. Et que ce soit ferme chose et estable à tous jours mais, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné à Paris, en nostre chastel du Louvre, l'an de grace mil ccc. soixante et douze, et de nostre regne le neufiesme, ou mois de decembre3.


1 Le texte fautif en cet endroit porte Darion. C'est d'Airon ou d'Ayron qu'il faut lire. Il a été question de ce personnage dans un acte du 8 février 1348 n. s., publié dans notre second vol., p. 432. Elu maire en 1352, il aurait conservé cette charge sans discontinuer jusqu'en 1366, d'après la liste publiée par Thibaudeau, d'accord avec celle du ms. 20084 de la Bibliothèque nationale. Nous avons eu plus d'une fois l'occasion de constater l'erreur de cette assertion et l'impossibilité matérielle du fait.
2 Jean de Taunay, ainsi que Jean Regnault et Jean Bigot, obtinrent à la même date des lettres spéciales d'anoblissement, qui sont publiées ou analysées à la suite de celles-ci. Pour ce qui est des autres personnages nommés dans le présent acte, il est difficile de savoir la date exacte de leur mairie, par suite des erreurs grossières contenues dans les listes publiées ou inédites. Le nom de Gaiguolleau est aussi un nom défiguré. L'original, suivant M. Bardonnet, porte Gargoulleau ; ce n'est que dans les vidimus de Charles VII et de Louis XI qu'il a été débaptisé. Le nom de cette famille est en effet Gargouilleau. Elle alla s'établir à la Rochelle et l'un de ses membres en fut maire, l'an 1577 ; une rue de cette ville porte son nom. Guillaume était échevin de Poitiers en septembre 1361, lors de la remise des clefs de la ville à Jean Chandos, et figure sur le Procès-verbal de délivrance, sous le nom de Guillaume Gorgoilleu. (Mémoires de la Société de Statistique des Deux-Sèvres, 2e série, t. VI, 1866, p. 146.) Guillaume Gargoulleau avait été maire en août 1337 (Arch. municipales de Poitiers. E. 2) ; il a été dit un mot de lui dans notre précédent volume (t. III, p. 145, note, 395 note). Quant à Simon Mourraut ou Mouraut, nous avons vu dans l'introduction de ce même volume qu'il était maître particulier de la monnaie de Poitiers en 1359 (p. xxviii et xxix, note 2).
3 L'original de ces lettres est conservé aux Archives municipales de Poitiers, A. 19. Dom Fonteneau en a pris copie sur un vidimus existant parmi les Archives du Chapitre de Saint-Hilaire de Poitiers, et elles figurent dans sa collection, t. XI, p. 553. Les éditeurs des Ordonnances des rois de France en ont publié le texte, t. V, p. 563, d'après une autre source encore, celle du Parlement, mais sur une copie de la fin du xvie siècle. Henri III ayant confirmé les privilèges des maire et échevins de Poitiers, fit insérer dans sa déclaration les lettres primitives, qui furent ainsi enregistrées à nouveau. (Reg. anc. coté NN. aujourd'hui aux Arch. nat, X1a 8637, fol. 118.) Le texte des Ordonnances ne diffère point d'ailleurs d'une façon sensible de celui que nous donnons ici d'après le registre de la chancellerie de Louis XI.