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DXCII

Le capitaine du château de Chauvigny, nommé par le chapitre de Poitiers, le siège épiscopal vacant, avait refusé d'ouvrir ses portes au bailli des Exemptions du Poitou, qui prétendait y entrer au nom du roi et en vertu du droit de régale. Responsable de ce fait et craignant d'être poursuivi, le chapitre se fait octroyer des lettres de rémission et la mainlevée du temporel de l'église de Poitiers, qui avait été saisi1.

  • B AN JJ. 109, n° 67, fol. 32 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 392-396
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, à [p. 393] nous avoir esté signiffié de la partie de noz bien amez le chapistre de l'église de Poitiers2, que comme, le siege de l'evesque vacant par mort, promocion ou autrement, à eulz appartiengne de droit et de raison avoir et tenir le gouvernement et administracion en esperituel et temporel du dit eveschié, et de ce et aussi d'avoir la garde des chasteaulx, lieux et forteresses appartenans à ycellui eveschié soient en saisine et possession de si lonc temps qu'il n'est memoire du contraire, et d'oster et destituer capitaines, gardes et autres officiers des diz chastiaulx, lieux et forteresses, et de y mettre et establir ou nom du dit chapistre, capitaines, gardes et autres officiers, si comme bon leur samble, et il soit ainsi que le dit siege darrainement vacant par la promocion de celui qui lors estoit evesque à estat de cardinal3, le dit chapistre eust mis, ou nom que dessus, ès diz chasteaulx, lieux et forteresses, capitaines, gardes et autres officiers, en leur faisant faire serement de les garder à l'onneur et au proffit de nous et de nostre royaume, et que il ne les rendroient ou mettroient en autres mains que en celles du chapistre et de son commandement ; neantmoins nostre bailli des Exempcions de Poitou, novellement institué de par nous, sanz faire foy d'aucun mandement ou commission qu'il eust sur ce, se transporta, durant la dicte vacacion, environ la Saint Ylaire darrainement passé, ou chastel de Chauvigny, le quel est le principal chastel du dit eveschié et en frontiere lors de noz [p. 394] ennemis, accompaignié de pluseurs genz mescogneuz et fist commandement au portier du dit chastel, le capitaine d'icellui estant alez en la ville de Chauvigny, en la compaignie de l'abbé de Charroz4, de l'abbé de Nostre Dame la Grant de Poitiers en l'eglise de Poitiers, et de pluseurs autres, que le dit chastel il lui ouvrist. Le quel portier respondi courtoisement qu'il ne l'oseroit faire sanz licence du capitaine estant en la ville ; le quel nostre bailli, non content de ceste response, adonques s'efforça, sanz plus attendre, de entrer dedens le dit chastel, en commandant rompre de fait les portes d'icellui à piz et à haches. Et ce pendant, seurvint le dit capitaine avec les seigneurs dessuz nommez ; et lors demanda le dit bailli le quel estoit capitaine du dit chastel, en lui faisant commandement de par nous qu'il le lui feist ouvrir. Le quel capitaine lui respondi qu'il le feroit volentiers, mais que il ensaignast de son povoir et eust sur ce licence du dit chapistre, en nom de qui il avoit la garde du dit chastel. Par laquelle response icellui bailli commanda prendre le dit capitaine et estre mené, piez et mains liez, à Tours. Et lors le dit capitaine dist au dit bailli que, se l'abbé de Nostre Dame dessuz nommé le lui commendoit, il feroit volentiers ouvrir le dit chastel ; lequel abbé fit response qu'il n'estoit point là pour le dit chapistre, maiz en son nom privé et comme famillier du dit cardinal, pour la garde de ses biens, qui estoient ou dit chastel. Et lors le dit bailli mist le temporel du dit abbé, comme de rebelle, en nostre main. Et environ vi. jours après, pour ce que maistre Jehan [p. 395] Cornet5, chanoine de Poitiers et procureur du dit chapistre, en la presence de pluseurs genz, faisoit au dit bailli requeste humblement qu'il voustst declarier les causes et raisons par les quelles il occupoit le dit chastel et avoit mis le temporel du dit eveschié en nostre main, le dit bailli lui fist response que pour raison de la regale qui disoit nous avoir en la dicte eglise, durant la dicte vacacion. Et encontinant mist le dit bailli nostre main ou temporel des diz chapistre et procureur, disant et donnant à entendre que rebellion nous avoit esté faicte pour les cas dessuz diz, combien que pendant le premier commandement du dit bailli, on lui souffry gracieusement entrer. Et pour ce que les diz chapistre et autres dessus nommez se doubtent que, pour occasion de ces choses, au pourchaz du dit bailli ou autrement, aucune poursuite ne feust faicte contre eulz, jasoit ce que onques n'eurent en propos ne volenté de faire aucune rebellion ou desobeissance, maiz ont esté les diz evesque et ceulx de chapistre des premiers des parties de par delà qui, depuis le commencement de noz presentes guerres, ont mis eulx, leurs biens, chasteaulx et forteresses en nostre subjection et obeissance ; et se lors le dit bailli et ses genz n'entrerent ou dit chastel, tantost après son commandement, ce ne fu pas par maniere de rebellion ou desobeissance, mais pour ce que les dessus nommez n'avoient pas cognoissance du dit bailli, qui nouvellement avoit esté commis au dit office, et pour les perilz qui lors estoient pour cause de noz ennemis ou dit païs, ilz humblement [p. 396] nous ont fait supplier de leur eslargir sur ce nostre grace. Pour quoy nous, toutes ces choses considerées, aux diz de chapistre et au dit capitaine avons, ou cas dessuz dit, quictié remis et pardonné, quictons, remettons et pardonnons, de certaine science, auctorité royal et plaine puissance, toute rebellion et desobeissance que il pourroient avoir commis envers nous, ès choses dessuz dictes ou aucunes d'icelles, avec toute peine et amende quelconque qu'elle soit, en quoy il pourroient estre encheuz envers nous, et le temporel du dit chapistre, et aussi de l'abbé de Nostre Dame et de maistre Jehan Cornet dessus diz, arresté et mis en nostre main pour les causes dessus dictes, avons mis et mettons au delivre et en ostons nostre dicte main. Si donnons en mandement au dit bailli des Exempcions et à touz noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieux tenans, et à chascun d'eulx, presens et avenir, si comme à lui appartendra que les dessuz nommez et chascun d'eulz ilz, ou cas dessuz dit, laissent, facent et souffrent joir et user paisiblement de nostre presente grace, et contre la teneur de ces presentes ne les empeschent ou molestent, ou souffrent estre empeschiez ou molestez, ores ne pour le temps avenir, en aucune maniere ; et se aucune chose de leur dit temporel avoit esté prise, levée ou receue, leur facent rendre et restituer, sanz aucun contredit ou delay, ces lettres veues, non obstans ordenances, mandemens ou defenses à ce contraires. Et affin que ce soit ferme chose et estable à touz jours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné en nostre hostel de Gouvieux, le xiiiie jour du mois de mars, l'an de grace m. ccc. lxxv, et de nostre regne le xiie.

Par le roy. J. Tabari.


1 L'original de ces lettres est conservé aux Archives de la Vienne, liasse G. 157, et une copie en a été recueillie par dom Fonteneau (t. II de sa collection, p. 143). Louis d'Harcourt, vicomte de Châtellerault, qui avait son château d'Harcourt à Chauvigny, était tenu de faire hommage à l'évêque de Poitiers ; ils étaient en procès à ce sujet, l'année précédente, comme on le voit par un mandement du Parlement du 21 août 1375 (Arch. nat., X1a 24, fol. 87 v°). Le premier contestait aussi à l'évêque son autorité sur les capitaines, donjon et barrières de Chauvigny. Une transaction intervint entre Bertrand de Maumont et le vicomte de Châtellerault, par la médiation de Jean comte de Poitou, le 28 avril 1377. (Coll. dom Fonteneau, t. II, p. 153.) Un nouvel accord fut conclu entre Simon de Cramaud, évêque de Poitiers, successeur de Bertrand de Maumont, et Louis d'Harcourt, touchant le même différend, accord qui fut confirmé et enregistré au Parlement, le 6 août 1387. (Arch. nat., X1c 55, et coll. Fonteneau, t. III, p. 591.) L'évêque Aimery de Mons avait nommé un de ses parents, Jean de Mons, écuyer, garde et gouverneur du donjon et des barrières de Chauvigny. D'autre part, le duc de Berry avait le droit de nommer à cet office, en qualité de comte de Poitou ; on possède encore les provisions qu'il accorda à Jean du Rivau. (Archives de la Vienne, liasse G. 31.)
2 Par lettres de juillet 1375, Jean duc de Berry donna au chapitre de Saint-Pierre de Poitiers cent livres de rente sur les revenus du comté de Poitou. Puis, en février 1379, il remplaça cette libéralité par l'abandon ou cession qu'il fit aux chanoines, pour neuf années, du minage de Poitiers. (Arch. nat., J. 185B, nos 37, 38, 42 et 43.)
3 Il s'agit de la vacance du siège épiscopal de Poitiers, l'an 1375, entre l'élévation de Guy de Malsec au cardinalat et la nomination de Bertrand de Maumont.
4 D'après le Gallia christiana, l'abbé de Charroux à cette époque paraît avoir été Géraud de Jovion, aliàs de Chanac (t. II, col. 1229). Dom Fonteneau a recueilli deux bulles du pape Clément VII, l'une du 12 avril, l'autre du 12 septembre 1379, adressées à Géraud, abbé de Charroux (t. IV, p. 451 et 453). L'abbé de Notre-Dame-la-Grande en fonctions le 14 mars 1376 était vraisemblablement Guillaume Bernard dont il est encore fait mention dans des actes du 4 août de la même année (Coll. dom Fonteneau, t. II, p. 150).
5 Jean Cornet devint maître des requêtes de l'hôtel. Il fonda par son testament une chapellenie dans le cimetière dit de Cornetis au diocèse de Luçon, et légua une rente annuelle de 15 livres pour l'entretien du chapelain. Ses héritiers, Ithier de Vaux et Isabelle Cornet, sa femme, Regnaut Ancelon et Philippe Cornet, sa femme, et Jean de la Croix, firent des difficultés pour l'assiette de cette rente et furent assignés au Parlement par l'exécuteur des dernières volontés de leur parent. Le 24 juillet 1385, la cour chargea une commission de faire cette assiette sur les biens de Poitou laissés par Jean Cornet (X1a 35, fol. 38 v°).